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Un simulateur de mêlée ingénieux

SAMUS, la machine d'attaque de l'équipe de rugby Vert & Or

L'équipe masculine de rugby Vert & Or (UdeS) lors d'une mêlée
L'équipe masculine de rugby Vert & Or (UdeS) lors d'une mêlée
Photo : UdeS

Lorsque l’étudiant en génie électrique et athlète de la formation masculine de rugby de l’UdeS, Benoît Goyette, a annonçé à un de ses entraîneurs qu’une machine de scrum (mêlée) conçue et fabriquée par de futurs ingénieurs était en cours de conception, il n’a pu s’empêcher de sourire puisque depuis plusieurs années, la même rumeur circulait sur le campus principal sans que la fameuse marchandise ne soit livrée…

Cette fois, une équipe d’étudiants en génie électrique, génie informatique et génie mécanique de l’Université de Sherbrooke a relevé le défi en concevant et fabriquant un simulateur de mêlée spécifique au rugby. Cette nouvelle arme de guerre du Vert & Or améliorera dès le printemps prochain les performances des athlètes lors des mêlées. SAMUS a d’ailleurs fait écarquiller bien des yeux, en décembre dernier pendant l’Exposition MégaGÉNIALE, en remportant le prix du public, qui était invité à voter pour son coup de cœur.

« Pour comprendre l’importance d’une machine de mêlée pour un joueur de rugby, il faut remonter à l’origine des mêlés. À leur début, c’était deux équipes qui se rentraient dedans et c’était celle qui rentrait le plus fort dans l’autre sans trop de techniques qui remportait la mise. De graves blessures à la tête et au cou en ont résulté », raconte Benoît Goyette. Avec les années, la Fédération de rugby a amélioré la règlementation. La mêlée, appelée scrum par les Anglais, a grandement évolué depuis l’époque de la phéninde des Spartiates, de l’harpastum des Romains et de la soule des Français. À ces époques, des groupes appartenant à des communautés voisines devaient rapporter dans leur village un ballon bourré et pesant 4 kilogrammes (versus les 450 grammes du ballon de rugby actuel). D’une extrême violence, tous les coups pouvaient être portés, allant parfois même jusqu’à la mort. Jugeant cette pratique brutale et violente, Thomas Arnold, directeur de la Rugby School, règlementa le jeu en 1828.

Crouch, bind, set

Dans un match de rugby, la mêlée se déploie quand une faute est commise, la plus fréquente étant lorsque le ballon est envoyé vers l’avant de manière intentionnelle ou accidentelle. Ou encore, si le ballon est enterré, c'est à dire qu'il n'est plus jouable. Lors de la mêlée, chaque équipe forme un bloc. On appelle les joueurs qui font partie de la mêlée des avants et, ensemble, ils forment le pack. Les huit joueurs du pack se lient à l’aveugle pour développer une force commune afin de gagner le ballon introduit par le demi de mêlée.

Avant de pouvoir jouer avec le ballon oval, les avants doivent le conquérir au cours de diverses phases de combats collectifs, comme en disputant une mêlée. « Dans les dernières années, la mêlée est devenue extrêmement technique et puissante, d’où l’importance de cette machine pour pratiquer la technique afin d’avoir une longueur d’avance sur l’équipe adverse au niveau de l’engagement, de la stabilisation et de la poussée », explique avec enthousiasme Benoît Goyette, athlète du Vert & Or et étudiant en génie. Inspirés par ce que l’équipe de France avait développé comme simulateur, les futurs ingénieurs sherbrookois ont réussi à concevoir, à faible coût, une machine qui permettra d’améliorer la technique des joueurs en raison de sa stabilité, ce qui n’est pas toujours le cas en situation de pratique entre joueurs. De cette manière, les athlètes pourront s’entraîner davantage sans toujours être confrontés l’un à l’autre. C’est à la suite de rencontres avec les joueurs et les entraîneurs du Vert & Or que les étudiants en génie ont compris les particularités de la mêlée et les besoins pour corriger et améliorer la technique des athlètes. « Pour les joueurs, ce qui est important, c’est de savoir s’ils poussent trop vers le bas puisque de cette manière, la mêlée s’écroule. S’ils poussent au contraire trop vers le haut, ils sont moins efficaces. Pour un résultat optimal, ils doivent pousser en ligne droite, et cette nouvelle machine tient compte de toutes ces variantes », précise Chad Bombardier, finissant en génie mécanique. Un joueur pousse en moyenne 1000 newton lors d’une mêlée, soit l’équivalent de soulever une charge d’environ 100 kilos, pendant 8 secondes.

La nouvelle machine du Vert & Or peut simuler des scénarios de mêlée en la faisant avancer à un certain rythme. Pour former une mêlée solide, les joueurs doivent pratiquer et répéter les mêmes exercices constamment. Versatile, le simulateur SAMUS permet aux joueurs de pratiquer la mêlée lorsqu’elle tourne d’un côté ou de l’autre. Une tablette tactile présente l’information aux entraineurs, de manière interactive et en temps réel, de chaque poussée, grâce à l’intégration d’une carte mère et d’un système d’acquisition conçus par l’équipe d’étudiants en génie électrique et en génie informatique.

Défis d’ingénierie

Pour capter les forces de poussée des joueurs dans les trois axes, soit sur les côtés, vers le haut et vers le bas, il fallait trouver un système d’acquisition de capteurs de force peu onéreux.

Les futurs ingénieurs ont conçu un système maison à l’aide de jauges de déformation permettant d’obtenir les différentes mesures nécessaires au fonctionnement de la machine. À l’aide des données obtenues, le simulateur permet d’avoir un contrôle précis sur le mouvement de la mêlée. Il est notamment possible de simuler des scénarios de mêlées qui avancent ou pivotent.

Soulignons également l'apport de l'équipe de chercheurs du laboratoire de Conception d'actionneurs et de moteurs de l'UdeS (CAMUS) dirigé par le professeur Jean-Sébastien Plante. Deux de ses post-doctorants en génie mécanique, Patrick Chouinard et Jean-Philippe Lucking Bigué, ont participé à la conception de l'ingénieux système de freinage du SAMUS. Les concepteurs ont opté pour des freins magnéto-rhéologiques moins bruyants, plus rapides et plus précis que les freins mécaniques utilisés habituellement pour de tels simulateurs. Un champ magnétique vient moduler le freinage.

Ne restera plus maintenant qu’à constater sur le terrain lors des matchs de la prochaine saison de l’équipe masculine de rugby Vert & Or les bénéfices obtenus par cette avancée…


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