Expérience terrain au doctorat en télédétection
Une étudiante en mission au pays des ours polaires, dans un Arctique en mutation

Photo : Michel Caron - UdeS
Observer les ours polaires dans leur habitat naturel, passer la nuit sous un ciel d’aurores boréales et recueillir des données au cœur d’un écosystème en pleine transformation. C’est l’expérience unique que Lucile Cosyn Wexsteen a eu la chance de vivre sur les rives de la baie d’Hudson – deux fois plutôt qu’une –, dans le cadre de son doctorat en télédétection à l’UdeS.
Surnommée « capitale mondiale de l’ours polaire », la ville de Churchill, au Manitoba, attire des scientifiques du monde entier s’intéressant à l’évolution de ses écosystèmes nordiques. Cette région arctique, qui abrite un très grand nombre d’Ursus maritimum, subit de plein fouet les effets des changements climatiques.
L’impact du changement climatique en Arctique, on estime qu'il est quatre fois plus fort ou plus rapide qu’ailleurs
Lucile Cosyn Wexsteen, étudiante au doctorat en télédétection
S’intéressant à l’assèchement des lacs des basses terres de la baie d’Hudson et à ses répercussions sur les écosystèmes terrestres, l’étudiante a été à même de mesurer sur place l’impact concret des bouleversements climatiques sur ce milieu fragile.

Photo : Fournie
Lire le journal intime des lacs
Au cours des deux étés derniers, la doctorante s’est rendue à Churchill pour y récolter des échantillons de lacs. Les carottes de sédiments ainsi prélevées au fond des eaux l’amèneront à mieux comprendre l’origine de leur assèchement.
Chaque couche de sédiments est déposée au fil du temps, et c’est vraiment comme le journal intime d’un lac, on remonte dans le passé pour tenter de comprendre ce qui s’est passé.
Lucile Cosyn Wexsteen

Photo : Fournie
En 2010, des analyses de sédiments accumulés au fond des lacs des basses terres de la baie d’Hudson ont mis en évidence l’impact du réchauffement climatique sur ceux-ci. Une équipe de recherche dont faisait partie le professeur de géomatique appliquée à l’UdeS Frédéric Bouchard, qui deviendra par la suite le directeur de thèse de Lucile, a également démontré au cours des mêmes années que les faibles précipitations de neige semblaient expliquer l’assèchement presque total de plusieurs lacs de la région.
Le projet de doctorat de Lucile consiste à déterminer si l’assèchement fait partie d’un cycle naturel, s’il résulte des changements climatiques entraînant le dégel du pergélisol, ou s’il s’agit d’une variation naturelle qui s’amplifie depuis quelques années.

Photo : Fournie
Un intérêt marqué pour l’Arctique et les changements climatiques
Originaire de Dunkerque, ville côtière située au nord de la France, l’étudiante a toujours été intéressée par les sujets liés aux changements climatiques. Jeune, elle apprenait l’importance de préserver les dunes qui bordent et protègent le littoral de sa région natale.
Après avoir exploré les enjeux de l’érosion côtière dans le cadre de stages de maîtrise, Lucile part à la recherche d’un projet pour poursuivre ses études doctorales. L’appel de l’international et du Canada se fait sentir, elle qui rêve de mener des recherches dans les zones nordiques.
Elle apprend alors que le professeur Frédéric Bouchard, qu’elle avait déjà rencontré lors de son baccalauréat à l’occasion d’un séjour d’exploration géologique en Islande, mène des recherches sur les lacs à Churchill. Elle le contacte donc pour discuter des possibilités, ce qui la convainc de se lancer dans l’aventure – notamment après avoir pris connaissance de photos prises sur le terrain :

Photo : Fournie
J’ai complètement craqué pour ce projet de thèse!
En plus de pouvoir compter sur une direction de thèse bienveillante qui l’appuie dans ses projets, elle apprécie qu’on laisse cours à sa créativité, notamment lors de présentations sur ses travaux.
Je sens qu’on laisse place à une certaine folie, si je peux dire, lorsque je décide de faire un exposé sous forme de conte musical, ou de présenter mon expérience terrain sous forme d’une bande dessinée accessible sur téléphone.
Lucile Cosyn Wexsteen
Une expérience fantastique
De l’aveu de Lucile, la recherche terrain dans une région comme l’Arctique représente une expérience de vie incroyable. Dans un secteur où les aurores boréales dansent dans le ciel plus de 300 nuits par année, elle a souvent discuté avec ses collègues du privilège de mener des recherches sur un tel territoire.
C’est fantastique, faire de la recherche en Arctique. C'est un tout petit milieu, tout le monde se connaît. Ce sont des occasions de collaboration et d'échange vraiment uniques.
Lucile Cosyn Wexsteen

Photo : Fournie
Lors de sa deuxième expérience sur le terrain, Lucile a également constaté que son regard s’était affiné par rapport à l’évolution du paysage et du milieu. Au sol, le lichen parfois plus moelleux, parfois plus croustillant, signe de la quantité de précipitations reçues, témoigne des variations très fines qui caractérisent le climat de ce secteur.
Une région également caractérisée par une forte présence d’ours polaires, desquels les équipes de recherche doivent chercher à se protéger lorsqu’elles travaillent à l’extérieur.
C’est vraiment le territoire des ours polaires. Les deux fois où j'y suis allée, ils étaient 80 à être reconduits en dehors de la ville, pour assurer la sécurité des gens.
Lucile Cosyn Wexsteen
Sur le terrain, des grillages entourent le centre de recherche où sont hébergées les équipes de recherche. Un garde-faune responsable de la protection des chercheuses et chercheurs les accompagne également en permanence. Par chance, peu d’accidents impliquant les ours polaires ont été signalés.
Au cours des prochains mois, Lucile procédera à l’analyse des données et à la rédaction de sa thèse. Bien que les sorties terrain ne soient pas au programme actuellement, elle aimerait bien poursuivre ses recherches en Arctique dans le cadre d’un éventuel postdoctorat :
J’aimerais continuer, parce qu’on commence à avoir un beau petit réseau, et ce sont des terrains magnifiques qu'il faut vraiment préserver.

Photo : Fournie
En toute humilité, l’étudiante est fière de pouvoir contribuer à son échelle à améliorer les connaissances scientifiques par rapport à l’assèchement des lacs en région nordique. Son expérience inspirante met également en lumière toute l’importance des études supérieures et de la recherche pour mieux comprendre les impacts des changements climatiques sur nos écosystèmes, et pouvoir ainsi jouer un rôle dans leur préservation.
Groupe de recherche interdisciplinaire sur les milieux polaires (GRIMP)
Lucile Cosyn Wexsteen est membre du GRIMP, un groupe de recherche du Département de géomatique appliquée créé en 2015 sous la direction des professeurs Alain Royer et Alexandre Langlois. Le professeur Frédéric Bouchard a rejoint le groupe en 2021.