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Article de vulgarisation – cuvée 2021

À vos steaks! Bœuf carboneutre : le nouveau sauveur de l’humanité

Photo : Albert Häsler de Pixabay

Ce texte de vulgarisation a été rédigé par Andréanne Savoie, une étudiante en première année du baccalauréat en études de l’environnement dans le cadre du cours ENV 130 Communication donné par Catherine Dumont. Vous trouverez les références mentionnées dans le texte à la fin de l'article. 

L’objectif consistait à mesurer la qualité de l’expression et la capacité de vulgarisation des étudiants et étudiantes : titraille accrocheuse, angle de traitement original, respect des principes de la pyramide inversée, procédés de reformulation et de vulgarisation, qualité de la langue, pertinence des éléments visuels et vivacité de l’écriture. 

En tout, 10 articles couvrant trois grands thèmes seront publiés : l’agroalimentation, la faune et les infrastructures.

Vous déambulez dans les allées de l’épicerie, déterminé à éviter les étals de bœuf haché. Ce matin, dans les médias, on pointait du doigt les férus consommateurs de viande dont vous faites partie en les tenant responsables de la hausse des émissions de gaz à effet de serre. Seul membre de votre famille n’étant pas converti au véganisme, vous commencez à douter du bien-fondé de votre fidélité à la viande. Perdu dans vos pensées, vous tombez nez à nez avec du bon bœuf haché bien juteux. Quel sacrilège ! C’est plus fort que vous : vous empoignez le divin bœuf haché. Vous remarquez la mention carboneutre inscrite sur l’emballage. Alléluia ! Vous êtes sauvé des persécutions familiales à l’heure du souper !

Du bœuf carboneutre, vous dites ?

Il est bel et bien question de bœuf carboneutre puisque le cycle de production de cette viande a une émission nette de carbone nulle. Autrement dit, l’animal contribue à séquestrer dans le sol autant de carbone qu’il en produit. Ainsi, la consommation de bœuf pourrait bien s’avérer être l’un des messies de la lutte aux changements climatiques.

Mais comment ce miracle est-il possible ?

La plante absorbe le CO2 et le stocke dans ses racines et ses feuilles.
La plante absorbe le CO2 et le stocke dans ses racines et ses feuilles.
Photo : Illustration de l'autrice

Plusieurs scientifiques se sont penchés sur la recette miracle : le pâturage rotatif à enclos multiples. En 2016, Apfelbaum et al. ont démontré que cette technique permettait de séquestrer dans le sol plus de dioxyde de carbone (CO2) que les émissions de gaz à effet de serre (GES) produites par le cheptel. Qui plus est, la séquestration du carbone protège les sols contre l’érosion et accroît leur qualité physique, chimique et biologique. Ces bienfaits favorisent une plus grande biodiversité et améliorent la qualité de l’eau. (Robert et Saugier, 2003) Pourtant, cette découverte n’est pas le fruit du génie humain. Il s’agit plutôt d’un modèle calqué sur la nature, inspiré de la migration des bisons. (Corneau, 2019) Pas bête, dame nature !

Le pâturage rotatif à enclos multiples, ça fonctionne comment?

La surconsommation de la plante ne permet pas de séquestrer du carbone dans le sol efficacement. Une consommation responsable est donc préconisée.
La surconsommation de la plante ne permet pas de séquestrer du carbone dans le sol efficacement. Une consommation responsable est donc préconisée.
Photo : Illustration de l'autrice

Le système de pâturage rotatif à enclos multiples contrôle la consommation des végétaux dans les enclos selon un rituel bien précis. En effet, les vaches ne doivent pas commettre le péché impardonnable de surconsommer l’herbe mise à leur disposition. Les plantes doivent conserver leurs racines pour qu’elles puissent à nouveau faire pousser leurs feuilles et accomplir leur photosynthèse.  Cette dernière étape est cruciale pour que la plante capte le CO2 et qu’une partie soit emmagasinée dans ses racines. Lors de leur décomposition, les dépouilles racinaires pourront séquestrer le carbone dans le sol. Ainsi, ce modèle assure une rotation sur plusieurs dizaines d’enclos au moment propice, selon le bon jugement du producteur bovin. (Corneau, 2019 et Dettling et Thorbecke 2019) Toutefois, prenez garde ! Un bœuf nourri à l’herbe ne signifie pas toujours qu’il est carboneutre. Les vaches nourries à l’herbe qui broutent constamment dans le même enclos détruisent rapidement les végétaux. Tout est donc une question d’effectuer les rotations d’enclos plusieurs fois par jour pour séquestrer suffisamment de carbone dans le sol selon la superficie des enclos et le nombre de bœufs en pâturage.

Écobœuf : sainte patronne de la viande bovine carboneutre

La production de bœuf carboneutre en est encore à ses balbutiements au Québec. Le nombre de fermes commercialisant du bœuf carboneutre se compte sur les doigts d’une seule main ! Située en Abitibi, la ferme Écobœuf, une initiative de deux jeunes agronomes, est une des pionnières de l’élevage de bœufs carboneutres au Québec. (Gouvernement du Québec, 2020) Alors, lorsque vous apercevrez dans votre épicerie locale un bœuf avec la mention carboneutre, il vaut mieux ne pas perdre une seule seconde et le placer avidement dans votre panier !

Références

Apfelbaum, S., Byck, P., Conser, Davies, C. A., Hatfield, J., Kreuter, U. P., Lal, R., Rasmussen, M., Rowntree, J., Teague, W. R., Wang, F. et Wang, T. (2016). The role of ruminants in reducing agriculture’s carbon footprint in North America. Journal of Soil and Water Conservation. 71(2), 156-164. https://www.researchgate.net/publication/297616358_The_role_of_ruminants_in_
reducing_agriculture's_carbon_footprint_in_North_America

Corneau, M. (reporteur). (2019). Du bœuf carboneutre, c’est possible ? [Reportage]. Carbone. Société Radio-Canada.

Dettling, J. et Thorbecke, M. (2019). Carbon footprint evaluation of regenerative grazing at white oak pastures. https://blog.whiteoakpastures.com/hubfs/WOP-LCA-Quantis-2019.pdf

Gouvernement du Québec. (2020). De l’agriculture régénératrice pour une ferme bovine carboneutre. http://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impacts/de-lagriculture-regeneratrice-pour-une-ferme-bovine-carboneutre/

Robert, M. et Saugier, B. (2003). Contribution des écosystèmes continentaux à la séquestration du carbone. C. R. Geoscience. 335, 577-595. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1631071303000944


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