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Un stage au Pérou et une nouvelle famille pour Judith Doré Morin

Dernière soirée avec la communauté
Dernière soirée avec la communauté

Lima, 10 août 2018

Le 29 mai dernier, mes collègues de stage et moi arrivions au Pérou. Soixante-treize jours plus tard, nous voilà sur le point de quitter ce pays qui nous a accueillis à bras ouverts. Hier, nous disions au revoir à nos familles, nos amis et amies, notre maison, les larmes aux yeux.  Le retour, qui nous semblait si lointain, s'annonce. Dans quelques jours, nos pieds foulerons à nouveau le territoire québécois.

Dernière soirée avec la communauté

Non, nous ne nous sommes pas mêlés à la vague de touristes qui inonde quotidiennement le sommet du Machu Picchu. Non, nous n'avons pas vu de lama ou d'alpagua, pas même une vigogne. Oui, nous avons vu du verglas, de la neige également. Oui, à près de 2750 mètres d'altitude, dans cette vallée creusée au coeur de la Cordillère des Andes, nous avons profité du soleil brûlant qui laissait place chaque fois à une nuit glaciale.

Nous étions les derniers stagiaires à séjourner dans la communauté de San Melchor, un quartier situé en périphérie du centre urbain d'Ayacucho, dans le cadre du projet « Inti, la energía que alimenta la tierra », une collaboration amorcée en 2014 entre le Comité régional pour l'éducation internationale de Lanaudière (CRÉDIL), Québec sans frontières et la Red Ecología Interinstitucional Hatun Sacha. Grâce à cette initiative, des technologies solaires passives sont développées et mises au service des familles de la communauté : un chauffe-eau, une serre, un four et, cette année, un séchoir solaire.

Prototypes de séchoir solaire

Prototypes de séchoir solaire
Prototypes de séchoir solaire

Au sein de cette communauté, où le quechua se mêle à l'espagnol, où les traditions s'immiscent dans la modernité, Inti, qui signifie soleil, représente une ressource précieuse. Il apporte chaleur et lumière, en plus de constituer une source d'énergie pratiquement illimitée. Dans ce milieu, tandis que le climat se dérègle à l'échelle planétaire, le ciel se couvre plus souvent de nuages, la température tend à baisser graduellement et les pluies s'amènent plus rapidement, avec plus de force. Situé en Amérique du Sud, le Pérou occupe le troisième rang dans la liste des pays les plus vulnérables face aux aléas du climat résultant de l'accentuation de l'effet de serre. Le pays ne produit pourtant que 0,5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'échelle mondiale. Les changements climatiques affectent les écosystèmes péruviens, de la côte à la forêt amazonienne, ainsi que les activités économiques dépendant des ressources naturelles telles que la pêche et l'agriculture. Plus que jamais, l'énergie solaire est requise pour permettre à cette population de s'adapter et de lutter contre les changements climatiques.

Que ce soit pour la vente ou la consommation par la famille, le séchage des aliments s'effectue à l'air libre, généralement sur le toit des maisons. Les pertes dues à la pluie et au vent, de même que la contamination par la poussière, les résidus de combustion d'énergies fossiles ainsi que par les animaux, constituent un véritable problème, tant pour la santé que pour l'environnement. Ces facteurs contribuent également à l'augmentation du temps de séchage, lequel peut parfois atteindre plus d'une semaine.

Les séchoirs solaires ont été développés en collaboration avec des professeurs du groupe de recherche en énergie solaire de l'Universidad San Cristóbal de Huamanga. Ils ont été conçus en fonction de l'ensoleillement d'Ayacucho et des besoins de la communauté. La circulation de l'air dans le prototype hybride, essentielle à l'évacuation de l'humidité, s'effectue grâce à l'effet cheminée. L'air froid entre par le bas du prototype et traverse un module de séchoir direct où seule une vitre sépare les aliments à sécher de la radiation solaire. L'air se réchauffe ainsi et s'élève vers un module de séchoir indirect, une boîte en bois peinte en noir jouant le rôle d’une masse thermique. Tout au long de ce parcours, la chaleur permet l'extraction de l'humidité des aliments et son transport dans l'air jusqu'à la cheminée située au-dessus du prototype. Les fruits, les légumes, les grains et les herbes aromatiques figurent parmi les aliments pouvant être séchés dans le prototype.

Viande séchant sur une corde à linge
Viande séchant sur une corde à linge

En ce qui a trait à la construction des huit séchoirs solaires pour aliments, notre projet principal, ma contribution se résume à la peinture. J'avais en effet d'autres projets qui m'occupaient. Outre les cours de français, l'organisation d’une activité sur la gestion des matières résiduelles pour les enfants, la contribution à un article scientifique sur les séchoirs et la rédaction d'une conférence sur le mouvement Zéro Déchet destinée à notre partenaire péruvien pour qu'il puisse l'utiliser comme outil de sensibilisation, je me suis surtout penchée sur la rédaction d'un rapport de durabilité du projet ''Inti''. En raison des coûts que cela représente, les associations québécoises de coopération internationale participant au programme Québec sans frontières ont peu l'occasion de se rendre auprès de leurs partenaires de l'étranger pour évaluer les projets des stagiaires. L’objectif principal de ce rapport consistait à évaluer si les technologies sont utilisées et si les matériaux employés sont encore en bon état. Pour ce faire, j'ai observé les installations technologiques reçues par sept familles depuis 2014 et, avec l'un de mes collègues, j'ai rencontré six mères de famille ayant reçu ces installations. L'analyse et l'interprétation des données collectées m'ont finalement permis d'émettre quelques recommandations pour le CRÉDIL, ou d'autres associations organisant des projets à l'international, en ce qui concerne notamment le choix des matériaux et la formation donnée aux communautés locales.

Patates séchant sur un toit
Patates séchant sur un toit

De la théorie à la pratique

Durant la session d’études précédant mon stage au Pérou, j’ai suivi le cours de Comportements écoresponsables enseigné par Valérianne Champagne-St-Arnaud. C’est le cours qui m’a le plus marquée jusqu’à présent, dans l’ensemble de mes trois sessions. Il s’agit d’une formation que je considère essentielle à tout projet de coopération internationale puisqu’elle permet de mieux comprendre les mécanismes du cerveau qui peuvent interférer avec l’adoption d’un nouveau comportement, tel que l’utilisation de technologies solaires. Cela permet de remettre l’ensemble de nos actions en perspective : il ne faut pas seulement construire des technologies efficaces qui survivront aux intempéries, il faut aussi s’assurer que ces technologies seront utilisées, et ce, de la bonne façon. Nous aurions définitivement pu en faire davantage pour assurer la durabilité du projet en ce sens, mais le temps était restreint.

C'est donc ici que se conclut mon premier stage, dans cette auberge de jeunesse effacée par les hautes tours à logement, dans ce quartier huppé de la capitale péruvienne. Quelle sera ma destination l'année prochaine? Je l'ignore. Ce que je sais, c'est que je reviendrai un jour chez moi, à Ayacucho, cuisiner avec ma mère, écouter un film avec ma sœur et jouer au soccer avec mon frère.

Judith Doré Morin

Suite à une première expérience avec Québec sans frontière, Judith souhaitait récidiver, mais cette fois en participant à un projet axé sur l’environnement. Elle a déniché le stage au Pérou en consultant la liste des projets 2018 de Québec sans frontière. Bien qu’elle l’ait trouvé elle-même et qu’il soit à l’international, son stage s’est déroulé dans le cadre du régime coop de l’UdeS.