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Patrick Mignault

Combiner ses passions

Le professeur Patrick Mignaulttravaille sur les régimes de retraite.
Le professeur Patrick Mignault
travaille sur les régimes de retraite.
Photo : Michel Caron

Devant la route linéaire qui s’étendait devant lui, Patrick Mignault a plutôt choisi les sentiers tortueux et les détours risqués. Un choix couronné de succès. Après des arrêts dans les domaines du droit, de la gestion et de l’actuariat, ce jeune professeur s’est penché sur la problématique des régimes de retraite, le sujet idéal pour mettre en valeur son profil résolument multidisciplinaire.

C’est après avoir emprunté le chemin classique du baccalauréat en droit jusqu’au Barreau que Patrick Mignault choisit de se laisser guider par ses intérêts. «J’ai eu un stage chez Stikeman Elliot où je faisais principalement du droit des sociétés. Sauf que je me suis rendu compte que j’avais un intérêt plus fort à ce moment-là pour les affaires, la finance», se rappelle-t-il.

Il poursuit donc sa route en ajoutant à son bagage en droit un MBA en gestion des entreprises qu’il laisse tomber – à un cours de le compléter – au profit d’un nouveau MBA en finance. Loin de considérer l’obtention de ce MBA comme la fin de son parcours scolaire, Patrick Mignault réfléchit à l’importance des mathématiques dans le domaine de la finance. Laissant de nouveau ses intérêts influencer son parcours, il s’inscrit à une maîtrise en actuariat. «Je n’avais pas nécessairement l’idée de la terminer. Mon but, c’était d’augmenter mon niveau en mathématiques», souligne-t-il.

Et pour ce spécialiste du droit et de la finance, réussir dans le monde des mathématiques a été une côte abrupte à monter. «On ne me donnait pas de grandes chances de réussir, dit le professeur. Habituellement, quand on se présente à la maîtrise, on peut se baser sur ce qu’on a fait auparavant et on est à l’aise avec le sujet, on n’est pas en processus d’apprentissage intense en même temps!»

Des régimes de retraite à redéfinir

Sa maîtrise en actuariat en poche, Patrick Mignault reprend la voie du droit pour combiner toutes ses passions dans un doctorat sur l’encadrement des risques associés à la gouvernance des régimes complémentaires de retraite. Un sujet brûlant d’actualité doublé d’un enjeu électoral, puisque plusieurs villes québécoises sont aux prises avec un sérieux déficit de leurs caisses de retraite.

Les fameux régimes à prestation déterminée représentent le cœur du problème. Ces types de régimes placent presque tous les risques financiers entre les mains des employeurs, qui promettent une rente d’un montant prédéterminé à leurs employés. Au contraire, dans un régime à cotisation déterminée, seul l’employé supporte les risques financiers.

Selon Patrick Mignault, redéfinir le partage des risques est essentiel. «Lorsque le régime a été mis en place dans les années 60, l’espérance de vie des gens dépassait à peine la retraite. Aujourd’hui, les gens bénéficient de presque plus d’années de retraite que de vie active, alors ça met une forte pression sur le système et incite les comités de retraite à faire des investissements plus risqués. En 50 ans, la réalité a changé, il faut s’adapter», dit-il.

La difficulté réside dans l’obtention d’un compromis entre l’employeur et l’employé, qui tous deux souhaitent assumer le moins de risques possible. Pourquoi ne pas analyser des avenues qui offriraient un nouveau partage des risques entre les parties? s’interroge le chercheur. «On peut imposer de façon étatique des solutions avec des lois, mais ultimement, c’est toujours mieux de négocier. Dans ce sens-là, il faudrait donner plus de flexibilité pour négocier les ententes qui visent à partager les risques entre les participants et l’employeur», indique-t-il.

Une meilleure gouvernance

En ce qui concerne la gouvernance de ces régimes, Patrick Mignault souligne l’importance de choisir judicieusement les membres du comité de retraite, mais aussi la proportion entre les représentants de l’employeur et ceux des employés. Il met aussi en lumière le manque de connaissances en finance de trop de membres de ce type de comité.

«Oui, les comités de retraite font affaire avec des gestionnaires de portefeuille et des actuaires, mais il faut être en mesure de faire une surveillance et de comprendre l’information transmise. Siéger à un comité de retraite n’exige aucune formation particulière», fait remarquer le chercheur, qui propose qu’au moins un membre possède une expertise financière et que tous suivent une formation de base obligatoire conduisant à une certification. Une telle formation pourrait s’obtenir auprès de la Régie des rentes du Québec (RRQ) ou d’autres établissements accrédités.

Un autre volet de sa recherche touche d’ailleurs le rôle de la RRQ en matière de gouvernance. La Régie, qui encadre actuellement les régimes de retraite privés, pourrait se voir confier un mandat de surveillance plus large. «Au-delà des exigences en matière de financement, il devrait y avoir une politique claire qui prévoit que la RRQ assure un suivi plus serré des processus décisionnels des régimes de retraite qui présentent un niveau de risque plus important», soutient le chercheur.

Si son doctorat touche à sa fin, Patrick Mignault n’a pas fini de naviguer dans cette réalité complexe qui combine droit, finance et actuariat. «Actuellement, il y un contexte particulier pour les régimes de retraite qui fait qu’on va en parler pendant plusieurs années parce qu’en fait, le problème est l’arrivée des baby-boomers à la retraite, donc on va se retrouver avec de moins en moins de cotisants mais beaucoup de retraités…»