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Démocratie 101 dans le berceau du Printemps arabe

Rafaël Primeau-Ferraro, étudiant de droit-MBA en stage en Tunisie, initie des gens de ce pays à l'apprentissage de la démocratie à la veille de l'élection du 23 octobre

Rafaël Primeau-Ferraro est actuellement en stage en Tunisie
Rafaël Primeau-Ferraro est actuellement en stage en Tunisie
Photo : fournie

Les Tunisiens s'apprêtent à vivre un moment historique avec la tenue d'une première élection libre, le 23 octobre. Toutefois, dans ce pays marqué par des décennies de pouvoir autoritaire, les électeurs se montrent perplexes, voire sceptiques face à l'exercice de cette nouvelle démocratie. Rafaël Primeau-Ferraro, étudiant au programme de droit-MBA, est présentement en stage en Tunisie. Au sein d'une organisation sans but lucratif, il contribue à outiller les Tunisiens en vue du scrutin. «Je considère cette expérience comme étant la plus enrichissante de toute ma vie! J'ai l'opportunité de participer, un tant soit peu, à la transition démocratique, au cœur du pays qui a déclenché la Révolte du printemps arabe, qui suit d'ailleurs toujours son cours en Tunisie mais aussi en Libye, en Égypte, au Yémen, à Bahreïn et en Syrie», explique-t-il.

L'information d'abord

Des jeunes Tunisiens participent à une activité de simulation politique à la veille des prochaines élections.
Des jeunes Tunisiens participent à une activité de simulation politique à la veille des prochaines élections.
Photo : fournie par Rafaël Primeau-Ferraro

Rafaël Primeau-Ferraro collabore avec l'organisation Friedrich Ebert Stiftung (FES Tunis), dédiée à la promotion des droits de l'homme. L'étudiant de 23 ans dirige – avec une consœur allemande – un projet appelé Call for a Rise qui compte une équipe de 15 étudiants provenant de divers pays, et dont il est le seul représentant canadien.

«Dans le cadre de notre projet, nous cherchons à sensibiliser les gens à l'élection et nous tentons de les inciter à s'informer sur l'actualité de la campagne électorale et aussi à aller voter. Évidemment, nous ne faisons la promotion d'aucun parti en particulier et notre projet n'est pas partisan», explique-t-il. Les élections du 23 octobre visent à élire l'Assemblée constituante dont le mandat sera de rédiger la nouvelle constitution du pays.

Le groupe Call for a Rise participe aussi à une activité appelée Bus citoyen­. Le Bus citoyen parcourt le pays avec la participation d'étudiants tunisiens pour discuter de l'élection qui approche avec des citoyens. En parallèle à son stage, l'étudiant prévoit également suivre deux observateurs tunisiens le jour de l'élection du 23 octobre.

L'apprentissage de la liberté

Pour joindre les électeurs, le futur juriste et ses collègues organisent des présentations et des conférences avec des partis politiques et des candidats indépendants à l'élection. «Lors de ces conférences, nous cherchons à inviter le plus de Tunisiens possible et surtout des jeunes, dit-il. Ce n'est pas toujours facile, car plusieurs personnes sont très cyniques face aux politiciens et au système en général.»

En effet, les dictatures qui se sont succédé depuis 1956 ont laissé une empreinte profonde dans la psyché nationale. Les régimes en place ont exercé une répression sévère à leurs opposants, qu'ils soient activistes ou journalistes. «Les gens se sont fait mentir à répétition par les dictateurs, et plusieurs Tunisiens ne croient pas qu'il est possible d'avoir des politiciens honnêtes, dit l'étudiant. Le même problème se pose au niveau de la presse, qui n'avait pas le droit de publier des articles critiquant le gouvernement. Non seulement les gens n'ont pas confiance envers les politiciens, mais ils doutent aussi des médias.»

La méfiance est aussi persistante envers la police – réputée proche de l'ancien pouvoir – ainsi qu'envers plusieurs gouvernements étrangers, qui ont longtemps fermé les yeux sur les régimes dictatoriaux.

Devant ce lourd héritage, Rafaël Primeau-Ferraro reste prudent sur les lendemains de l'élection. «La transition n'est pas facile et c'est normal, dit-il. Il y aura des erreurs et des embûches, comme il y en a dans toutes les meilleures démocraties du monde.» Il croit toutefois que les jeunes électeurs – les universitaires et les activistes qui tiennent des blogues – persisteront à soutenir l'idée qu'«une démocratie naissante est mieux que n'importe quelle dictature».

Simuler la démocratie

Dans le cadre de son séjour, l'étudiant de l'UdeS a également contribué à la création d'un projet de simulation politique avec la participation de 45 personnes dont plusieurs étudiants en sciences politiques d'une importante université de Tunis. L'activité simulait une campagne électorale. Deux autres journées étaient consacrées à un atelier sur l'avenir de la Tunisie.

«L'exercice – très large – consistait à trouver des idées de toutes sortes pour améliorer la situation du pays, dit l'étudiant. Des questions aussi variées que la place de la religion dans la politique, les articles de la prochaine constitution, le transport en commun, les systèmes d'éducation et de santé, les affaires étrangères, la peine de mort ou le droit à l'avortement ont été abordées.»

Bien malgré lui, Rafaël s'est souvent retrouvé à l'avant-scène des activités qu'il organisait, agissant comme traducteur, alors que les participants ne parlaient que l'arabe et le français.

Futur diplomate?

En plus de vivre cette expérience unique au Maghreb, Rafaël Primeau-Ferraro compte déjà une belle feuille de route en matière de relations internationales. En 2010, il a effectué un premier stage de quatre mois à Washington pour la United Macedonian Diaspora. Cette organisation a pour mission d'améliorer la situation des citoyens originaires de la Macédoine (pays des Balkans situé au nord de la Grèce) établis partout dans le monde. Au cours de ce stage, l'étudiant a eu l'occasion de participer à des rencontres auprès d'élus américains et canadiens.

Intéressé par les affaires étrangères, le droit international, le droit des affaires et le droit criminel, Rafaël est comblé d'avoir pu vivre des moments aussi riches : «Ces expériences m'ont été très bénéfiques d'un point de vue personnel puisque j'en ai appris énormément sur la façon dont fonctionne les relations diplomatiques et les affaires étrangères, dit-il. C'est beaucoup plus complexe que je ne le croyais, et parfois des idées et projets vont fonctionner ou avorter sans qu'on soit trop certain du pourquoi et du comment.»

Parallèlement à son projet, l'étudiant a récemment mis sur pied un blogue couvrant les activités politiques de la Tunisie et de la campagne électorale en cours. Le lien vers le blogue suit ce texte.


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