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Transformer le souffle de l'Harmattan en énergie

Le groupe Génie-Vert travaille à la conception d'une éolienne abordable pour électrifier les campagnes des pays en voie de développement

Des étudiants en génie travaillent à la mise au point d'une éolienne du type de celle-ci, et espèrent en créer un prototype qui pourra être reproduit à faible coût dans les pays en voie de développement, dont Madagascar.
Des étudiants en génie travaillent à la mise au point d'une éolienne du type de celle-ci, et espèrent en créer un prototype qui pourra être reproduit à faible coût dans les pays en voie de développement, dont Madagascar.
Photo : Michel Caron

L'énergie éolienne peut-elle solutionner l'absence d'approvisionnement en électricité dans les pays en voie de développement? Oui, mais à condition de proposer des appareils accessibles aux populations locales. C'est précisément le pari que compte gagner les instigateurs du projet Harmattan, qui vise à électrifier les zones rurales de l'île africaine de Madagascar. Ils travaillent à concevoir une éolienne à pales de bois, qui pourra être reproduite et fabriquée sur place, à faible coût.

Pilotée notamment par Karine Lavertu, doctorante en génie mécanique, l'initiative était d'abord un projet de fin de baccalauréat de 2001 à 2003. Elle a depuis été reprise et améliorée par le groupe étudiant Génie-Vert. Le projet tire son nom de l'harmattan, le vent sec soufflant du Sahara vers les côtes du Sud-Ouest de l'Afrique durant la saison sèche.

Loin des villes

Madagascar est l'un des pays les plus pauvres du monde. En 2004, 85 % de la population vivait sous le seuil de la pauvreté, soit avec environ 2 $ par jour. À peine 15 % de la population du pays est raccordé à un réseau électrique, et la très grande majorité de ces gens vivent dans les villes. En milieu rural, où 71 % de la population demeure, seulement 5 % a accès à l'électricité. L'énergie éolienne devient donc une alternative gagnante face au réseau électrique surtout concentré en zone urbaine. «Comme Madagascar est une île, le pays bénéficie d'un bon potentiel éolien sur les côtes, indique Karine Lavertu. D'ailleurs, dans la dernière campagne électorale fédérale, le Bloc québécois compensait ses émissions de gaz à effet de serre en finançant, par le biais de l'organisme Planetair, la construction d'un parc éolien à Ramena, au nord de Madagascar.» L'électrification des zones rurales vise donc à hausser la qualité de vie de ces habitants en leur donnant la possibilité de développer leur communauté par l'usage de l'électricité.

Des pales de bois

Les étudiants qui travaillent au projet Harmattan élaborent une éolienne rabattable, simple d'entretien et de petite taille – dispensant 1400 W. La technologie utilisée dans la construction du prototype livré à la fin du projet devra être peu coûteuse et s'adapter aux besoins, à la culture et aux ressources de la population locale.

Ainsi, le coût du prototype ne doit pas excéder 4000 $ afin de demeurer abordable. «La conception préliminaire est terminée, dit Karine Lavertu. Par exemple, nous avons décidé que les pales seraient fabriquées en bois et non en fibre de verre comme les modèles d'éolienne sur le marché. Ce choix permet de réduire les coûts en utilisant les ressources locales. Pour réussir tout de même à fabriquer un profil aérodynamique précis et éviter les pertes d'efficacité, nous devrons fabriquer une machine qui permet de dupliquer des pièces. Ce type de machine existe déjà et est parfois utilisé.»

Pour compléter la conception du prototype, il reste des calculs de résistance de matériau à effectuer afin de dimensionner les différentes composantes et d'assurer une durée de vie d'au moins 10 ans. «Ensuite, nous entamerons la fabrication d'un premier prototype au Québec qui devra être achevé au printemps», poursuit la doctorante.

Fabrication locale

L'équipe du projet Harmattan compte 23 étudiants, dont un au baccalauréat en administration, 20 au baccalauréat en génie et deux au doctorat en génie.
L'équipe du projet Harmattan compte 23 étudiants, dont un au baccalauréat en administration, 20 au baccalauréat en génie et deux au doctorat en génie.
Photo : Génie-Vert

Chacun des concepts choisis par le groupe a été validé au fur et à mesure par les partenaires malgaches afin d'être faciles à fabriquer là-bas. «Le défi du projet est de trouver des procédés de fabrication simples et peu coûteux, explique Karine Lavertu. Nous essayons d'éviter d'avoir à utiliser des tours et des fraiseuses. Par contre, il existe des ateliers de fabrication mécanique dans la plupart des grandes villes telles qu'Antananarivo, Diégo Suarez et Tuléar.»

Le modèle proposé par le groupe de l'UdeS et ses partenaires devrait donc se situer entre les petites éoliennes commerciales, souvent trop dispendieuses, et les éoliennes artisanales qui, souvent, ne sont pas efficaces. «Nous faisons le pari que nous arriverons à réduire les coûts en permettant aux gens sur place de fabriquer eux-mêmes leurs éoliennes plutôt que les importer des pays occidentaux, tout en conservant un caractère d'ingénierie qui assurera une bonne efficacité. Ce concept pourrait être utilisé dans d'autres pays en voie de développement et même au Québec, pour des chalets isolés», dit-elle.

Pour mener son projet, Génie-Vert compte s'associer au groupe de développement et de recherche New Technology and Business Laboratory situé à Antananarivo. Cet organisme travaille de pair avec les Hautes études chrétiennes en management et mathématiques appliquées, une université malgache qui enseigne l'administration et l'ingénierie. «Un voyage à Madagascar est prévu entre la session d'été et d'automne 2009. Un stagiaire ira passer l'été là-bas afin de s'assurer du meilleur transfert de technologie possible», conclut Karine Lavertu.