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Ambassadrice 2017 en développement durable

Louise Métivier, une diplômée négociatrice incomparable!

Fortement engagée dans les relations multilatérales et bilatérales du Canada à l’échelle internationale, Louise Métivier a été une personne-clé dans les négociations relatives aux changements climatiques sur la scène internationale.
Fortement engagée dans les relations multilatérales et bilatérales du Canada à l’échelle internationale, Louise Métivier a été une personne-clé dans les négociations relatives aux changements climatiques sur la scène internationale.
Photo : Fournie

À l’occasion de la Journée mondiale de la Terre, célébrée le 22 avril, l’Université de Sherbrooke dévoile son Ambassadrice 2017 en développement durable : la diplômée Louise Métivier.

Louise Métivier a récemment été nommée au poste de sous-ministre adjointe, Secteur de la politique stratégique et des résultats pour Ressources naturelles Canada. Il faut dire que tout la prédestinait à ce titre puisque dans les trois dernières années, elle était sous-ministre adjointe de la Direction générale des affaires internationales à Environnement Canada et négociatrice en chef du Canada en matière de changements climatiques. Fortement engagée dans les relations multilatérales et bilatérales du Canada à l’échelle internationale, elle a été une personne-clé dans les négociations relatives aux changements climatiques sur la scène internationale, dont le fameux accord de Paris sur les changements climatiques, conclu en 2015.

Laurence Bonin, étudiante à la maîtrise en environnement.
Laurence Bonin, étudiante à la maîtrise en environnement.
Photo : Fournie

Cette diplômée de l’UdeS a de quoi inspirer la relève en environnement. Alors que les questions environnementales sont au cœur des préoccupations de la génération d’aujourd’hui, nous avons demandé à Laurence Bonin, étudiante à la maîtrise en environnement de l’Université de Sherbrooke d’adresser quelques questions à Louise Métivier. Mentionnons que les deux femmes ont fait connaissance lors de la réunion sur l’Accord de Paris sur le climat, conclu lors de la COP21 en décembre 2015.

Laurence Bonin, étudiante en environnement : Sachant que vous avez un rôle d’influence en matière environnementale en raison de votre position au gouvernement et de votre expérience, que souhaitez-vous transmettre aux étudiantes et étudiants qui désirent se diriger dans la même voie?

Louise Métivier : Si des étudiants me disent qu’ils désirent œuvrer dans le domaine de l’environnement, je leur demande premièrement ce que cela veut dire pour eux. Les réponses, bien qu’en général varient, se concentrent surtout sur la protection des forêts, la gestion des parcs nationaux et aires protégées, la science de l’eau, les recherches atmosphériques, la contamination des sols, le développement urbain et international, entres autres. Tout d’abord, je leur recommande de réfléchir sur les différents domaines de spécialisation qui s’offrent à eux, je les invite à ne pas trop s’y contraindre et surtout, de garder un esprit ouvert. L’environnement est devenu un enjeu transversal qui fait partie intégrante des questions économiques, sociales, d’échanges commerciaux et de développement. Qu’ils soient amenés à travailler pour une entreprise privée, une banque ou une compagnie d’investissements, une firme d’ingénierie, un bureau d’avocat ou pour une organisation internationale de développement, ils auront à évaluer les répercussions et les opportunités reliées aux aspects environnementaux. S’ils veulent s’engager dans la voie de l’environnement, ils pourront le faire, peu importe leur cheminement. La seule mise en garde que je ferais, c’est de ne pas tomber dans le registre de l’émotif et de tout regarder d’un œil « écolo ». Il est essentiel de garder un esprit analytique et pratique, une vision à long terme et surtout, de respecter la science. Leur contribution sera ainsi beaucoup plus efficace.

Laurence Bonin : Et plus précisément, en sachant qu’il existe un déficit de représentativité politique des femmes dans le monde, par exemple à la Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, avez-vous un conseil à donner aux jeunes étudiantes et/ou professionnelles?

Photo : Fournie

Louise Métivier : Je suis contente que vous me posiez cette question. Bien que le Canada se soit démarqué aux deux dernières Conférences des parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur cet aspect, cela n’a pas toujours été le cas. Cela l’est encore moins pour plusieurs pays et la tendance ne va pas nécessairement dans le bon sens. Malgré le fait que nous ayons pour la première fois des coprésidentes sur le comité de l’Entente de Paris, et qu’elles soient excellentes, les quelques femmes qui se mêlent à cette cohue intimidante doivent continuellement jouer du coude pour se faire voir et se faire entendre. Pensons notamment aux enjeux qui deviennent difficiles à négocier lorsque les discussions s’animent et que les décisions se tranchent en plus petits groupes (ce qu’on appelle des « huddles »). Je crois que le même phénomène se présente dans plusieurs autres professions et dans le monde politique. Les femmes ont une approche différente et ne sont pas toujours à l'aise d'adopter le genre de comportement qui est souvent associé au succès : foncer, dominer, pousser, convaincre avec force. Les progrès sont encore récents et précaires. J’ai évolué dans un monde d’hommes pendant les dix premières années de ma carrière et je ne suis pas si vieille que ça! Les jeunes femmes qui sortent de l’Université ont les outils pour augmenter la représentativité des femmes dans le monde des affaires et dans le monde politique. En tant que fonctionnaire, j’ai côtoyé des femmes très inspirantes en politique, dont la contribution est remarquable. Nous avons la chance d’avoir un gouvernement féministe, dont la moitié des ministres sont des femmes, et qui s’est engagé à améliorer la situation des femmes ici et dans le monde. J’espère que nos jeunes femmes continueront de relever ce défi afin de prendre la place qui leur revient. Mais je souhaite surtout qu’elles le fassent en gardant leur intégrité, en lien avec leurs valeurs.

Laurence Bonin : Quel est le plus grand défi que vous avez rencontré au cours de votre carrière? Quel est le moment ou la réalisation dont vous êtes la plus fière?

Louise Métivier : Il est toujours difficile de répondre à cette question, car après 28 ans de carrière, j’ai eu à relever plusieurs défis passionnants, surtout que je les recherche dans la vie en général. Relever un défi important dans la fonction publique veut généralement dire contribuer à un enjeu important pour le bien-être de la société. Mais le défi le plus important, je crois, fut mon entrée inattendue dans le monde du travail. Je faisais ma maîtrise lorsque l’opportunité s’est présentée. Je devais commencer quelques semaines plus tard et déménager à Ottawa, alors que je n’avais jamais envisagé m’installer dans cette ville. J’ai été lancée dans des audiences publiques pour évaluer la faisabilité de projets d’aqueduc ou d’exportation d’énergie, avec des avocats qui interrogeaient de grands dirigeants d’entreprises. J’étais complètement perdue, je ne parlais pas beaucoup anglais et j’avais un sérieux mal du pays. J’ai failli abandonner au début, mais finalement, je me suis secouée et j’ai foncé. J’ai travaillé d’arrache-pied et à ce jour, je crois que cette épreuve m’a permis de former mon caractère et mon leadership qui m’ont si bien servi dans toute ma carrière.

Photo : Fournie

Bien que l’approbation par tous les ministres de l’Environnement du Canada du Système Canadien de la Gestion de la qualité de l’air, pour lequel j’ai présidé les négociations pendant plusieurs années, reste une des plus grandes réalisations de ma carrière, le moment ultime pour moi fut bien sûr quand Laurent Fabius, président de la COP21, a utilisé le marteau vert pour marquer l'adoption de l’Accord de Paris sur le climat, la première entente de portée universelle. Après de longs mois de négociations et plusieurs nuits blanches, il était encore incertain que nous en arriverions à une entente. Il y avait encore plusieurs points litigieux pour certains pays et la conférence avait été allongée de quelques jours, mais nous n’avions maintenant plus de temps. Il aurait suffi d’une main levée de la part d’un des 195 pays pour que ce soit l’échec et devoir convoquer à nouveau une Conférence des Parties pour réessayer. Mais nous savions tous qu’une autre conférence ne changerait rien, car nous avions tous été aussi loin que nous pouvions et atteint le seul équilibre possible. Les coffres de la Convention étaient vides et les négociateurs étaient à bout. Il fallait que les pays se tiennent et agissent, avec une réelle volonté politique. C’était le silence complet dans cette salle immense et plusieurs d’entre nous ont retenu leur souffle. Quand le marteau a frappé et que la foule a sauté sur ses pieds pour clamer sa joie, j’en ai eu des frissons. Comme plusieurs, j’ai versé des larmes de soulagement et de fatigue. J’ai rarement vécu un moment aussi intense dans ma carrière. De voir mes enfants, ma famille et mes amis si fiers de ma contribution a été la plus belle récompense, celle qui m’a vite fait oublier la vie folle que je menais depuis des mois. Finalement, de clore mon rôle de négociatrice en chef à la COP22 avec l’entrée en vigueur de cette entente historique, des années plus tôt que prévu, m’a fait vivre un moment encore plus mémorable.

Assurément, Louise Métivier trace la voie à la relève qui souhaite jouer un rôle majeur dans la lutte aux changements climatiques. Ce sera un honneur pour l’Université de Sherbrooke de souligner son parcours et d’en faire l’Ambassadrice 2017 en développement durable. À suivre le 1er juin prochain au Gala du rayonnement!