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La gestion du cerf de Virginie : le Québec devrait-il s’inspirer de la Pennsylvanie ?

À l’île d’Anticosti, la surabondance de cerfs a modifié la strate arbustive et réduit considérablement la présence de petits fruits ce qui a mené, croit-on, à la disparition de l’ours noir sur l’île.
À l’île d’Anticosti, la surabondance de cerfs a modifié la strate arbustive et réduit considérablement la présence de petits fruits ce qui a mené, croit-on, à la disparition de l’ours noir sur l’île.
Photo : Noémie Laplante

Collisions avec des automobiles, broutement intensif de la végétation, querelles de voisinage liées à la présence de chasseurs : la surpopulation localisée de cerfs de Virginie entraîne une série de problématiques qu’il n’est pas toujours simple de résoudre. Le Québec pourrait-il s’attaquer différemment à la source du problème, en contrôlant plus efficacement ses populations de cerfs? Noémie Laplante vient de déposer un essai dans le cadre de sa maîtrise au Centre universitaire de formation en environnement et développement durable. L’une des pistes qu’elle met en lumière serait de suivre certaines approches efficaces mises en place dans l’État de Pennsylvanie.

Enjeux

Noémie Laplante a réalisé son essai en collaborant avec un biologiste du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.
Noémie Laplante a réalisé son essai en collaborant avec un biologiste du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs.

Photo : fournie par Noémie Laplante

La question peut paraître anecdotique pour les gens qui habitent en ville, pourtant, la surpopulation de cerfs dans certaines zones situées au sud du fleuve Saint-Laurent a des effets bien réels. « Il y a trois grandes catégories de problèmes liés à la surabondance des cerfs : il s’agit des problèmes environnementaux, ceux d’ordre social et les répercussions sur l’économie », résume d’entrée de jeu Noémie Laplante. «Au plan environnemental, les cerfs peuvent contribuer à la dégradation des milieux naturels. Le cerf de Virginie est considéré comme étant une espèce clé des écosystèmes;  herbivore généraliste, ses impacts sur le milieu sont  disproportionnés par rapport à son abondance.» En résumé, de fortes densités de cerfs ont des effets en cascade qui viennent influencer la présence d’autres organismes. «Par exemple, à l’île d’Anticosti, la surabondance de cerfs a modifié la strate arbustive et réduit considérablement la présence de petits fruits – les baies – ce qui a mené, croit-on, à la disparition de l’ours noir sur l’île», illustre-t-elle. Cela dit, la population en général est souvent davantage consciente des enjeux de sécurité publique comme les risques d’accidents routiers impliquant les cerfs ainsi que des pertes économiques découlant de la déprédation des cultures, de la régénération forestière et des aménagements paysagers.

L’exemple pennsylvanien

La revue des plans de gestion du cerf de Virginie, réalisée par l’étudiante, démontre que le cadre et les outils de gestion varient peu entre le Québec et le nord-est américain. Au Québec, comme dans plusieurs États voisins, les objectifs de gestion sont établis selon un processus décisionnel participatif. Les gestionnaires de la faune visent l’encadrement des activités de chasse sportive tout en respectant la capacité de support du milieu ainsi que l’acceptabilité sociale des communautés locales quant à l’abondance des cerfs. Au Québec, la densité optimale de cerfs se situe entre 3 et 5 bêtes par kilomètre carré. Pour atteindre les cibles de population, les gestionnaires de la faune modulent la pression de chasse sur le contingent de cerfs sans bois – faons et biches – par le contingentement de permis spéciaux et par l’établissement de périodes durant lesquelles ces bêtes peuvent être récoltés. Donc, la gestion des populations de cerfs repose principalement sur la chasse sportive. Toutefois, certaines contraintes, notamment l’accessibilité restreinte au territoire privé, le vieillissement anticipé des chasseurs et le faible taux de recrutement de jeunes chasseurs, ainsi que l’adoption de règlements municipaux interdisant la chasse compromettent l’efficacité de ce mode de gestion. Pour pallier ces contraintes, la Pennsylvanie a mis en place différents programmes permettant un niveau supplémentaire de prélèvement (par exemple, le Deer Management Assistance Program), à l’échelle de la propriété foncière ou de la municipalité. Actuellement, de tels programmes n’existent pas encore au Québec.

La Pennsylvanie est un chef de file dans le domaine de la gestion de la faune. Depuis plus de dix ans, cet État gère les populations de cerfs en fonction de leurs impacts sur le milieu, et non selon l’atteinte d’objectifs de densité de cerfs. En effet, la Pennsylvanie est le seul État à effectuer un suivi du broutement de la régénération forestière, en plus du suivi des tendances démographiques des cheptels et du suivi de la tolérance des résidents quant à l’abondance des cerfs.

Applicable chez nous ?

De telles approches et leurs résultats semblent fournir de bonnes pistes pour éclairer certains volets du prochain plan de gestion à implanter au Québec, tout en tenant compte de nos particularités locales. «Je crois qu’il faut viser une gestion participative et inclure toutes les parties prenantes tant au plan du processus décisionnel qu’au plan de l’acquisition de données. Mais globalement, le fait d’évaluer l’impact des cerfs sur le milieu plutôt que viser des objectifs de densité semble une voie prometteuse.» L’étudiante a réalisé son essai en collaborant avec un biologiste du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. Le ministère amorcera bientôt la révision de son plan de gestion et de son système de suivi afin de mettre en place un nouveau plan prévu pour  2017. «Je visais faire un essai qui soit utile. J’espère que mes travaux pourront contribuer à alimenter la réflexion!» conclut Noémie Laplante.