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Nouvelles IPS

Narcotiques et dépendance : un lien à défaire

Couverture du magazine Journal of Medicinal Chemistry dans lequel l'article a été publié
Couverture du magazine Journal of Medicinal Chemistry dans lequel l'article a été publié

Alors que tous les yeux sont rivés sur la pandémie de la COVID-19, la crise des opioïdes continue de faire ses ravages dans l’Ouest canadien ainsi que dans les grandes métropoles du pays. Les narcotiques de la classe des opioïdes, très efficaces pour contrer la douleur, provoquent trop souvent de la dépendance physique et psychologique chez les patients et deviennent un réel casse-tête pour plusieurs chercheuses et chercheurs œuvrant dans le domaine de la pharmacologie : comment réussir à développer des analgésiques aussi efficaces que les opioïdes traditionnels (morphine, fentanyl, etc.), mais en limitant les risques liés au fléau que représente la toxicomanie? Les professeurs Philippe Sarret et Louis Gendron, professeurs-chercheurs au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS) et membres de l’IPS, se penchent sur la question avec leurs collaborateurs européens. 

Le 12 novembre dernier, l'article Optimized Opioid-Neurotensin Multitarget Peptides: From Design to Structure–Activity Relationship Studies faisait la couverture du volume 61 numéro 21 de la populaire revue scientifique Journal of Medicinal Chemistry. L'article en question faisait état d'une piste intéressante qui pourrait potentiellement faire progresser la recherche de nouvelles molécules plus performantes et surtout moins incommodantes pour remplacer les opioïdes traditionnels. En effet, les analgésiques opioïdes connus et employés actuellement génèrent deux principales cascades de signalisation cellulaire : l'une est responsable des effets souhaités de la drogue (effet analgésique puissant), alors que l'autre correspond plutôt aux effets indésirables du médicament (dépendance, constipation, somnolence, difficultés respiratoires, etc.). Les opioïdes dits « morphiniques » se lient principalement au récepteur Mu (MOP) exprimé au niveau de la membrane cellulaire dont l'activation est responsable de l'inhibition des sensations douloureuses. Or, il existe d'autres récepteurs impliqués dans le phénomène de la douleur (récepteurs opioïdes Delta (DOP), Kappa (KOP), récepteurs de la neurotensine de type 1 (NTS1) ou de type 2 (NTS2)) qui peuvent être considérés dans l'exploration de nouvelles avenues pour traiter la douleur. De ce fait, l'hypothèse qui est l'objet de l'article publié par les chercheurs de l'IPS est qu'en faisant participer deux récepteurs (MOP et NTS2) dans un traitement éventuel, il serait possible d'obtenir une meilleure efficacité analgésique tout en limitant les effets indésirables.

S’attaquer à la douleur sur deux fronts

L’article publié explique en détail les recherches réalisées par les laboratoires Sarret et Gendron, en collaboration avec le laboratoire de chimie du professeur Steven Ballet de l’Université de Bruxelles en Belgique. Les travaux réalisés par les trois chercheurs et leurs équipes ont permis la fusion de pharmacophores non opioïdes, comme la neurotensine, à des ligands opioïdes. Ces ligands dits multi-cibles, c’est-à-dire capables d’agir à la fois comme agoniste du récepteur MOP et agoniste du récepteur NTS2, présentent des propriétés analgésiques puissantes dans des tests d’évaluation de la douleur chez le modèle animal. Ces résultats permettent aux deux chercheurs de croire que de telles stratégies thérapeutiques multi-cibles pourraient être considérées afin de développer de nouveaux médicaments analgésiques plus sûrs.

Considérant les statistiques alarmantes qui rapportent plus de 11 500 décès liés à l’usage d’opioïdes de janvier 2016 à décembre 2018 au Canada, il est évident que la crise des opioïdes constitue un important problème de santé et de sécurité publique qui se doit d’être adressé. Les avancées réalisées par les membres du laboratoire Sarret, en collaboration avec le laboratoire Gendron, démontrent qu’il existe bel et bien des avenues prometteuses pour mettre éventuellement fin à cette crise.