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Mandat d’urgence à l’Organisation internationale du travail (OIT)

Des étudiants se penchent sur les politiques des États en situation de COVID

Des travailleuses du textile au Bangladesh.
Des travailleuses du textile au Bangladesh.

Photo : Organisation internationale du travail

Depuis octobre dernier, la professeure Geneviève Dufour encadre une équipe étudiante du Bureau d’assistance juridique internationale (BAJI) de la Faculté de droit qui travaille pour l’Organisation internationale du travail (OIT). Le mandat initial était de tenter de trouver une meilleure manière de protéger les travailleurs du textile du Bangladesh en cas d’accident du travail.

On se rappelle la catastrophe du Rana Plaza; l’édifice s’était effondré sur des travailleuses et des travailleurs du textile, causant des milliers de décès et de blessés. Les familles des victimes et les rescapés n’avaient obtenu aucune compensation financière.

Lorsque la COVID-19 est apparue, la mandatrice de l’OIT, Anne Marie La Rosa, a demandé aux étudiants de tout mettre de côté et de monter un tableau sur les politiques des États quant aux mesures nationales prises pour considérer assurables les gens attrapant la COVID en milieu de travail, au même titre qu’une maladie professionnelle ou un accident du travail. En moins de deux semaines, ils ont réalisé le mandat; ils ont été géniaux, très réactifs, dévoués et, surtout, professionnels.

Geneviève Dufour

Les membres de l'équipe du BAJI, composée d’Elaine Champagne, Jonathan Cloutier, Chloé Henry, Comlan Eli-Eli N'Soukpoe et Branimira Vedric, étudiants à la maîtrise en droit international et politique internationale appliqués (DIPIA), ainsi que d’Anne-Sophie Beaulieu, Sarah Maude Jean, Marc-Émile Séguin et Jean-Nicolas Tremblay, étudiants en activité clinique dans le cadre du baccalauréat en droit, ont répondu à quelques questions.

Plus concrètement, pouvez-vous expliquer le mandat que vous avez reçu?

Il s’agissait de compiler les mesures liées à une qualification de la contraction de la COVID-19 comme étant une maladie ou un accident professionnels, et ce, pour plus d’une trentaine de pays et provinces.

En d’autres termes, le but était de voir ce que chacun de ces États prévoyait comme mesures compensatoires pour les travailleurs ayant contracté la COVID-19 en relation avec leur lieu de travail : la traite-t-il comme une maladie ou un accident professionnels, et si oui, quelles sont les compensations prévues et d’où provient le financement ?

Déterminer la qualification de la contraction de ce virus comme étant considérée ou non par l’État ou la province comme une maladie professionnelle est important, car cela donne droit au travailleur à des indemnités particulières.

De quelle manière avez-vous réalisé le mandat?

Nous nous sommes d’abord penchés sur la question de l’échantillonnage : quels pays devions-nous prioriser pour notre analyse? Nous avons à cet égard sélectionné les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), généralement les plus touchés, et y avons ajouté quelques autres pays particulièrement touchés, tels que la Chine, la Russie, le Pérou, le Chili et quelques autres.

Puis, nous avons chacun sélectionné quatre ou cinq de ces pays, et avons recherché sur leurs sites gouvernementaux et associations de protection des employés (équivalent de la CNESST) ainsi que dans les articles pertinents de l’actualité afin d’identifier les déclarations officielles faites quant à la qualification de la contraction de la COVID-19 comme pouvant être considérée à titre de maladie ou d’accident professionnels. Nous avons également envoyé des courriels ou appelé directement les agences et ministères en lien avec cette qualification si les informations que nous trouvions nous paraissaient incomplètes ou peu satisfaisantes. L’information fut compilée dans un tableau en ligne sous la supervision de la mandataire de l’OIT, Anne Marie La Rosa. Dans le cas du Canada, compte tenu de la réalité fédérative, nous avons également analysé chaque province et territoire afin de voir s’il y avait des différences entre les provinces et territoires.

Quels ont été les défis, les obstacles?

Le premier obstacle auquel nous avons été confrontés a été celui de la recherche d’information en elle-même : en effet, pour certains États, la recherche s’est avérée plus difficile en raison du fait qu’il y avait peu d’informations (voire aucune information), ou que ces informations n’étaient pas disponibles dans une langue que nous pratiquons (français, anglais et espagnol). Comme dit précédemment, nous avons envoyé des courriels et appelé les personnes qui pouvaient nous renseigner sur la question, mais la barrière de la langue a de nouveau été un obstacle, en particulier pour les appels téléphoniques (notamment avec la Slovaquie où aucune personne de l’agence nationale de santé ne parlait anglais). Les courriels nous ont donc permis d’avoir les informations, mais nous n’avions parfois pas de réponse à ces derniers.

Que tirez-vous de cette expérience?

Il a été enrichissant de voir la variété de réponses à cette crise selon le pays ou le continent − il est évident qu’une multitude de réponses nationales existent pour protéger les travailleurs affectés par la maladie −, mais aussi de voir l’état du droit du travail au sein des États. Les acteurs pouvant nous informer sont aussi diversifiés. Les pages gouvernementales sont nécessairement une source sûre, mais les syndicats ou les cabinets d’avocats nationaux en droit du travail procuraient aussi des exemples concrets pour exemplifier les cas de prestation.

Que tirez-vous de votre expérience générale avec l’OIT?

Photo : Fournie

Le mandat de l’OIT est beaucoup plus large que l’idée qu’on peut en faire. La pandémie n’affecte pas seulement les domaines reliés à l’OMS, mais chaque institution. L’OIT est un acteur de premier plan dans la protection des travailleurs touchés par la COVID-19, mais aussi dans la sauvegarde des contrats d’exportations dont certains pays sont dépendants.

Outre la fierté que nous avons de voir notre tableau publié sur le site Web de l’OIT, nous avons agréablement appris que l’Argentine, dans un décret de nécessité d'urgence (DNU) déclarant que la maladie COVID-19 sera considérée comme une maladie professionnelle, fait mention de nos travaux en se basant sur les pratiques étatiques en matière de qualification du COVID-19 que nous avons identifiées dans notre tableau.

Grâce au soutien d’une remarquable qualité des étudiants du BAJI, le BIT a été en mesure de fournir aux autorités en un temps record des exemples de pratique nationale en relation avec la qualification des infections dues à la COVID-19 en milieu de travail. Cette qualification permet aux victimes de bénéficier d’une protection plus grande (soins médicaux et prestations monétaires). Des impacts de leur travail ont déjà été observés sur différents continents.

Anne Marie La Rosa, conseillère juridique et politique principale, OIT


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