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Un physicien de l'UdeS au volant de l'invention dévoilée dans Nature

Première mondiale : un trajet en bus quantique!

Le professeur Alexandre Blais, du Département de physique, a imaginé le 1er bus quantique.
Photo : Michel Caron
Le professeur Alexandre Blais, du Département de physique, a imaginé le 1er bus quantique. Photo : Michel Caron

Une équipe de chercheurs dont fait partie Alexandre Blais, professeur au Département de physique, a mis au point le 1er bus quantique (qubus).

Si l'on se fie à la distance centimétrique franchie par ce bus très particulier, la révolution des transports en commun n'est pas pour demain, mais ce qubus pourrait bien déclencher celle du monde informatique. Les bus informatiques opèrent un peu comme nos mastodontes routiers : ils relient ensemble différents points d'un ordinateur afin que ses éléments puissent communiquer entre eux. Le qubus du professeur Blais joue un rôle équivalent en informatique quantique.

Cette découverte publiée le 27 septembre dans la revue Nature pourrait donner un grand coup d'accélérateur à la conception d'un d'ordinateur quantique dont la puissance de calcul atteint des sommets presque inimaginables.

Le ticket gagnant : qubus-qubit

En 2004, le chercheur Sherbrookois en stage postdoctoral à Yale faisait déjà partie de l'équipe qui a mis au point l'une des pièces maîtresses de l'ordinateur quantique : un bit quantique (qubit) sous forme de circuit électronique que les techniques de microgravure industrielle peuvent reproduire simplement. Afin de profiter de la puissance de l'informatique quantique, l'équipe a par la suite cherché comment placer plusieurs qubits dans un même circuit électronique et surtout comment les enchevêtrer. Cette dernière propriété déclenche l'effet turbo de l'informatique quantique pour accélérer certains calculs, car elle relie l'information des qubits entre eux.

La physique quantique en pied de bas

Lors de l'entrevue, ce spécialiste de la théorie quantique explique ces liens entre qubits par une analogie vestimentaire teintée d'humour : «Dans l'univers quantique, mes bas peuvent être rouges et noirs simultanément tant que je ne les regarde pas. Mais si je relève la jambe gauche de mon pantalon et constate que mon bas est rouge, et bien l'autre devient instantanément rouge… Le fait d'avoir fait quelque chose sur le bas gauche, l'autre le sait, même s'ils sont séparés par l'univers, et dans le cas de mon circuit quantique, par un centimètre. On appelle ça la corrélation.»

Imaginer la simplicité

Au printemps, dans un article publié dans la revue Physical Review A, l'équipe a énoncé cinq ou six méthodes pour obtenir deux qubits corrélés à l'aide d'un qubus. «Ma contribution, comme premier auteur, c'est d'expliquer théoriquement quelle est l'expérience la plus simple à réaliser, précise Alexandre Blais. J'indique aux expérimentateurs à Yale les paramètres à utiliser et les résultats qu'ils devraient trouver.»

Dans le dernier article publié dans la revue Nature, l'équipe a finalement réalisé avec succès l'une des expériences imaginées par le professeur Blais. Dans celle-ci, les qubits échangent de l'information par l'intermédiaire d'un qubus comme le font les bus des ordinateurs classiques.

Farfelu ou audacieux?

«Il y a quelques années, parler d'enchevêtrer deux qubits à un centimètre de distance dans un circuit électrique aurait été complètement farfelu, avoue le physicien. Maintenant que nous l'avons fait, on sent une accélération des recherches, même si je ne peux encore dire si l'ordinateur quantique sera prêt dans cinq ou dix ans…»

La beauté de cette découverte réside dans les méthodes de fabrication de ces circuits quantiques inspirées par l'informatique classique, car elles demeurent simples et permettront en principe d'augmenter fortement le nombre de qubits dans un même circuit. Maintenant que l'équipe a trouvé comment relier les qubits entre eux par un qubus au sein d'un même circuit, la prochaine étape consiste à faire interagir plusieurs qubus entre eux pour développer l'architecture de cet ordinateur révolutionnaire.

En attendant, nos vieux bus emprunteront quelques années encore les circuits tortueux de nos ordinateurs de bureau…