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Produits du terroir : un label pour y voir plus clair

Catherine Parissier, professeure au Département de marketing de la Faculté d'administration.
Catherine Parissier, professeure au Département de marketing de la Faculté d'administration.
Photo : Michel Caron

Qu'est-ce qu'un produit du terroir? Posez la question à 10 personnes et il y a de bonnes chances que les réponses soient très variées. S'agit-il de la même chose que les produits régionaux, artisanaux, fermiers, biologiques, voire un mélange de tous ces produits ou de quelques-uns? Vous avez peine à vous y retrouver? Normal. Les consommateurs y perdent leur latin et même les grandes organisations intéressées par ce secteur agroalimentaire n'ont pas réussi à s'entendre sur une définition unique des produits du terroir québécois. Catherine Parissier, professeure de marketing à la Faculté d'administration, croit qu'une distinction plus claire s'impose pour valoriser le caractère original des produits du terroir et permettre aux producteurs de se différencier sur le marché de manière significative.

Bien perçus

La professeure au Département de marketing a déjà conduit plusieurs recherches sur le sujet, notamment en dirigeant des projets à la maîtrise. Elle est actuellement soutenue par le Fonds québécois de recherche sur la culture et la société pour mieux comprendre la valeur perçue associée par les consommateurs à ces produits. «Depuis cinq ans environ, je constate un certain engouement pour les produits du terroir d'ici et je trouvais intéressant de comprendre comment les Québécois perçoivent ces produits», dit-elle.

Différents facteurs motivent les consommatrices et consommateurs à choisir des produits du terroir : «Certains en achètent pour des raisons hédonistes, voulant se faire plaisir en consommant des produits différents et spécifiques, explique la chercheuse. D'autres motivent leur achat par des raisons utilitaires, associant ces produits à une grande qualité en soi, les jugeant sains, naturels et d'une bonne valeur gustative.»

Certains consommateurs les choisissent aussi par conscience sociale, souhaitant encourager les producteurs et productrices du Québec. Le facteur humain apparaît aussi comme un élément clé pour valoriser les produits du terroir : la perception positive du consommateur augmente lorsqu'il a des occasions de rencontrer le producteur, de discuter avec lui. Cette expérience humaine peut ensuite être partagée avec des convives à qui l'on servira les produits dont on peut raconter l'histoire. «Cette connaissance des perceptions nous permet d'aider les producteurs à mieux rejoindre les consommateurs», explique la professeure. Mais, selon elle, il faudrait faire plus.

Dissiper la confusion

L'engouement des Québécoises et Québécois pour les produits du terroir ne fait pas de doute, mais leur mise en marché s'accompagne d'une grande confusion. Devant l'absence d'une définition claire et consensuelle, plusieurs produits s'autoproclament produits du terroir, et ce, avec des conséquences parfois négatives pour le marché dans son ensemble. Afin d'y voir plus clair, Catherine Parissier a entrepris de recenser les définitions proposées par les différents organismes, ministères et experts du milieu et sur la base de cette documentation, elle a réussi à identifier quatre éléments fédérateurs distinctifs qui permettraient de mieux circonscrire leurs particularités.

Ainsi, les quatre facteurs retenus postulent, d'abord, que ces produits doivent être uniques, particuliers (par les matières premières utilisées et la façon dont ils sont produits, par exemple). Ensuite, leur production doit être liée à un territoire spécifique géographiquement délimité; puis, le produit doit exister depuis assez longtemps pour être lié à l'histoire ou au patrimoine de son lieu d'origine; et enfin, le produit doit être issu d'un savoir-faire humain traditionnel et particulier.

«Appliquons, par exemple, ces quatre critères à un carré d'agneau de Charlevoix par rapport à l'agneau d'une autre région du monde, illustre Catherine Parissier. La provenance géographique, le mode d'élevage et de production de cette viande distincte, ainsi que le savoir-faire lié à l'élevage de longue date confèrent à l'agneau de Charlevoix une saveur et un goût particuliers. Cette définition attribue au produit un caractère vraiment unique, et ce, du fait de l'ensemble de ses caractéristiques. Ultimement, le consommateur sera plus enclin à payer plus cher ou à faire des démarches difficiles pour s'en procurer, s'il a l'assurance que le produit est réellement différent.»

Appellation contrôlée

Catherine Parissier estime qu'actuellement, l'absence de règles claires nuit grandement au développement du secteur des produits du terroir. «Si un consommateur croit acheter un produit du terroir qui n'en est pas vraiment un et qu'il est déçu par ce produit qui ne lui apporte rien de plus, c'est toute la filière qui risque d'hériter d'une image négative», plaide-t-elle. La chercheuse propose d'outiller les producteurs pour qu'ils puissent donner à leurs produits une réelle marque distinctive.

«La création d'un label, qui reposerait sur une charte rigoureuse, viendrait reconnaître les efforts des producteurs pour faire un véritable produit du terroir, dit Catherine Parissier. Le consommateur aurait la garantie qu'il achète un produit unique et original.» Les producteurs d'agneau de Charlevoix se sont d'ailleurs récemment engagés dans cette voie, ce qui pourrait inciter d'autres producteurs à les suivre.

Avec un étudiant à la maîtrise, la professeure poursuit des travaux pour étudier les conséquences de l'implantation d'un label, en considérant la valeur ajoutée qu'il donnerait aux produits du terroir, tant pour les personnes qui les produisent que pour celles qui les consomment.