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Présence des femmes en sciences et génie au Québec

Vers plus d’ingénieures, d’informaticiennes, de physiciennes et de mathématiciennes?

Photo : Martin Blache - UdeS

En février dernier, alors que nous attendions avec fébrilité les premières images en provenance de Mars, au Québec, tous les regards étaient rivés sur Farah Alibay, une femme ingénieure placée aux commandes du robot Perseverance. À l’instar de cette nouvelle figure féminine de l’aérospatial, est-ce que les femmes s’investissent aujourd’hui davantage dans les domaines des sciences et du génie? La professeure Eve Langelier et son équipe dévoilent les plus récentes données à ce sujet.

La mixité dans les milieux de travail et dans les laboratoires favorise l’innovation et dynamise la recherche de solutions, des atouts dont notre société ne pourrait se priver, surtout dans le contexte actuel.

Chaque année depuis le début de son mandat en 2015, la Chaire pour les femmes en sciences et en génie au Québec, dirigée par la professeure Langelier, observe et documente la progression des femmes dans ces deux domaines traditionnellement masculins.

Selon son plus récent rapport statistique, la place qu’occupent les étudiantes au collégial et à l’université s’est améliorée au Québec au cours des 15 dernières années.

Les femmes sont maintenant majoritaires dans la plupart des programmes d’études postsecondaires, tant au cégep qu’à l’université.

Mais cette présence féminine plus marquée sur les campus garantira-t-elle une parité hommes-femmes aux prochaines générations de scientifiques et d’ingénieurs? Tout porte à croire que le chemin sera certes long, mais que nous sommes sur la bonne voie.

Bien que les femmes demeurent minoritaires en sciences pures, en sciences appliquées et en génie, elles sont de plus en plus nombreuses à s’inscrire dans ces domaines.

Voyons-y de plus près.

Attrait croissant pour le génie à l’université

Mettre de l’avant des modèles féminins accessibles est l'une des stratégies utilisées pour stimuler l'intérêt des filles pour les sciences et le génie, et pour s'assurer qu'elles restent dans cette voie durant leur parcours.
Mettre de l’avant des modèles féminins accessibles est l'une des stratégies utilisées pour stimuler l'intérêt des filles pour les sciences et le génie, et pour s'assurer qu'elles restent dans cette voie durant leur parcours.
Photo : Michel Caron - UdeS

Démystifier le travail de l’ingénieure auprès des filles dès l’adolescence compte parmi les initiatives mises en place ces vingt dernières années au Québec pour inciter les femmes à faire carrière en génie. L’organisation de tournées dans les écoles secondaires est l’un des moyens utilisés pour attiser l’attrait des jeunes filles pour ce domaine. D’après les récentes données colligées par la Chaire, il est raisonnable de supposer que l’ensemble des actions entreprises à cet effet ont porté leurs fruits.

De fait, si nous comparons les statistiques à celles que nous avions il y a une quinzaine d’années, nous remarquons que les inscriptions sont en hausse en génie dans les trois cycles universitaires. De manière plus détaillée, ces données indiquent que, entre 2007 et 2020, le taux d’inscription féminine en génie a augmenté de 16 % à 23 % au baccalauréat, de 23 % à 28 % à la maîtrise, et de 20 % à 27 % au doctorat.

Le génie est d’ailleurs est le domaine universitaire où l’on constate la plus forte croissance du taux d’inscription féminine entre 2007 et 2020.

Toujours à l’université, parmi les disciplines où il y a peu d’inscriptions en général, mais où la présence féminine est bien représentée, certaines spécialités affichaient une présence nettement plus élevée de femmes en 2019-2020, telles que le génie biologique et biomédical (54 % de femmes) et le génie alimentaire (63 % de femmes). Dans les deux cas, il s’agit d’une hausse de 8 % par rapport à 2007.

Progression au 1er cycle en informatique, physique et mathématiques

En sciences, le récent rapport de la Chaire révèle une progression des femmes dans des disciplines où les étudiantes sont traditionnellement moins nombreuses que leurs confrères masculins. Les efforts investis ces dernières années pour briser les stéréotypes liés aux carrières en sciences et génie pourraient avoir joué en faveur de ce résultat encourageant.

Ce pas en avant serait particulièrement observable au baccalauréat où, entre 2007 et 2020, les inscriptions féminines sont passées de 10 % à 19 % en informatique, de 18 % à 23 % en physique, et de 38 % à 42 % en mathématiques.

Fait intéressant : depuis 2007 en sciences, certaines disciplines affichent une présence nettement plus élevée d’étudiantes que d’étudiants, une tendance qui s’est maintenue 2019-2020. Il s’agit de la biologie (65 % de femmes), de la microbiologie (70 % de femmes) et des sciences et technologies alimentaires (73 % de femmes).

Quels sont les domaines de prédilection des femmes?
Au cégep, en 2019-2020, les deux programmes comprenant le plus grand nombre de femmes en absolu étaient celui des sciences humaines (58 % de femmes) et celui des sciences de la nature (55 % de femmes).

À l’université pour la même période, la santé (78 % de femmes), les lettres (75 % de femmes) et l’éducation (73 % de femmes) sont les domaines où la représentation féminine était la plus importante.

Parité : des retombées profitables, mais pas une panacée

Faire une place aux femmes en sciences et en génie est une démarche essentielle pour notre société, comme nous le rappelle la professeure Eve Langelier :

Professeure Eve Langelier
Professeure Eve Langelier

« Ce n’est plus un secret : beaucoup d’études ont démontré que la diversité des genres stimule la recherche, l’innovation et la créativité. On vit actuellement un changement de culture profond en recherche et dans les entreprises, où l’égalité des chances est prise en considération. Et parce qu’elle a l’avantage de multiplier les talents et de donner accès à une variété de points de vue et de préoccupations, la diversité est désormais perçue comme un avantage concurrentiel. »

Ainsi, en mettant de l’avant des modèles féminins auxquelles les filles peuvent s’identifier, comme Farah Alibay, et en encourageant les femmes scientifiques et ingénieures à accéder à des rôles de leadership, nous nous donnons la chance de mieux avancer en tant que collectivité.

Or, comme le rappelle la professeure Langelier, la parité ne garantit pas l’inclusion et l’équité en matière de condition d’emploi.

Il faut assurer la bonne intégration des femmes, adapter les milieux de travail à leurs besoins et à leur réalité, et mettre en place des processus de promotion plus transparents et équitables pour qu’elles restent en sciences et en génie, et qu’elles y progressent.

Professeure Eve Langelier

Avec les initiatives lancées à l’UdeS à cet égard, comme la nouvelle bourse de maternité offerte à la Faculté des sciences aux futures mères en recherche, la mise en place d’un processus d’embauche plus équitable à la Faculté de génie, et les nombreuses réflexions visant à améliorer le recrutement et la rétention des femmes en génie, nous pouvons dire que cette réalité évolue chez nous sous un astre favorable.

Le rapport statistique Inscriptions des femmes en sciences et en génie au collégial et à l’université au Québec entre 2005 et 2020 a été préparé par l’équipe de la chercheuse Eve Langelier, professeure au Département de génie mécanique à l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire pour les femmes en sciences et en génie au Québec. Il s'appuie sur le nombre d’inscriptions dans les cégeps et dans les universités québécoises de 2005 à 2020 et ne tient pas compte du taux de diplomation.


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