Aller au contenu

Prix Henri Capitant 2020

Andréanne Malacket récompensée pour sa thèse

Photo : Université de Sherbrooke

L’Association Henri Capitant (section Québec) remet annuellement des prix d’excellence pour favoriser la recherche en droit privé applicable au Québec. Cette année, le prix Henri Capitant, qui récompense la meilleure thèse de doctorat, a été décerné à Andréanne Malacket, professeure adjointe à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke.

Des règles de dévolution légale en droit québécois : perspectives socio-historiques des affections présumées, pour une reconnaissance de la vocation successorale ab intestat du conjoint de fait survivant

Au fil des époques, le droit des successions a contribué à privilégier une certaine conception de la famille, notamment la famille consacrée par le mariage et la présence de descendants. Alors que depuis quelques années, on discute d’une éventuelle réforme du droit familial, il faudra forcément questionner, voire remanier le droit successoral.

Cette thèse s’inscrit dans le sillage des récents développements en droit familial, comme suite à l’arrêt Éric c. Lola et au rapport Roy, déposé par le Comité consultatif sur le droit de la famille en juin 2015. Dans cette perspective, elle s’intéresse aux règles de dévolution légale en droit québécois; elle jette un regard socio-historique et constructiviste sur le fondement des « affections présumées », observant tout particulièrement le sort réservé à la famille du défunt, dont au premier chef le conjoint survivant. Partant, elle pose une triple hypothèse : primo, LE fondement des règles de dévolution légale repose sur les « affections présumées »; secundo, ce fondement subsiste depuis la Nouvelle-France, alors que s’appliquait la Coutume de Paris; tertio, ce fondement justifie de revisiter les règles de dévolution légale afin de reconnaître une vocation successorale ab intestat au conjoint de fait survivant.

Après avoir dressé un portrait des affections présumées sous l’ancien droit, depuis la Coutume de Paris à l’Acte de Québec de 1774, jusqu’au Code civil du Bas-Canada et à la Loi Pérodeau, cette thèse examine les recommandations faites par l’Office de révision du Code civil, qui témoignent d’une volonté de resserrer le droit de la famille et des successions autour de la famille-foyer. Puis, elle aborde les modifications introduites par la Loi 89, la Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens et la Loi 146, qui mettent en lumière une certaine assimilation du droit successoral au droit familial, voire matrimonial, marquant la mise à l’écart du conjoint de fait. Aux fins de la démonstration, cette thèse s’intéresse enfin aux règles de dévolution légale sous le livre III « Des successions » du Code civil du Québec, depuis la présentation du projet de loi 125 jusqu’à sa mise en vigueur en 1994, concluant par l’étude de la Loi 84, qui depuis 2002, engendre un nouvel héritier, le conjoint uni civilement.

À l’issue de cette analyse, cette thèse démontre que les règles de dévolution légale reposent, depuis la Coutume de Paris, sur les affections présumées, dont la couleur aura varié au fil du temps. Elle réfute en outre la recommandation contenue dans le rapport Roy, qui appuie le maintien du statu quo quant à l’absence de vocation successorale ab intestat du conjoint de fait. Au contraire, les affections présumées du défunt justifieraient de réformer les règles de dévolution légale actuelles afin de reconnaître au conjoint de fait survivant une vocation successorale ab intestat. Alors que les affections présumées logent au cœur des règles de dévolution légale, il faut toutefois reconnaître qu’elles ont parfois été occultées par d’autres éléments, dont la volonté de protéger la famille-foyer du défunt et l’institution du mariage. En définitive, dix nuances, qui tempèrent la première acception de l’hypothèse de recherche identifiée, ressortent de cette thèse, menant à conclure que le droit de succession ab intestat du conjoint survivant repose désormais a priori sur l’existence d’une union normée, au mépris des affections présumées, qui constituent pourtant la prémisse majeure du raisonnement.


Informations complémentaires