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Recherche collaborative UdeS-Bishop’s

Mettre à contribution les langues : appuyer les élèves allophones et leur personnel enseignant

Les professeurs Olivier Dezutter et Lynn Thomas, de l'UdeS, ainsi que Sunny Man Chu Lau, de l'Université Bishop's
Les professeurs Olivier Dezutter et Lynn Thomas, de l'UdeS, ainsi que Sunny Man Chu Lau, de l'Université Bishop's
Photo : Michel Caron - UdeS

« Toutes les langues ont des similarités, mais on ne les exploite pas pleinement », explique la professeure Sunny Man Chu Lau, de l’École d’éducation de l’Université Bishop’s. « Je vous donne un exemple simple : comment dit-on "miaou" en anglais? "Meow"! Et en cantonais, on dit "miu". »

Selon la professeure Lau, on peut mettre à contribution les méthodes utilisées pour apprendre une langue pour tirer des conclusions au sujet de l'apprentissage d’une autre langue. D’après elle, cette mise en parallèle permet d’atténuer les craintes de la maîtrise d’une langue seconde ou même d’une troisième langue. Il s’agit d’un élément important auquel une équipe de recherche interuniversitaire a choisi de porter attention.

Le nombre d’allophones – le terme utilisé au Canada pour décrire les personnes dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais – a dépassé le millier d’élèves dans la seule Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke (CSRS). Cette croissance démographique et cette diversification du public scolaire apportent de nouvelles questions, à savoir comment ces élèves – et leurs enseignants – peuvent tirer profit des langues d’origine à leur avantage.

Dans le cadre de leur étude pluridisciplinaire, des chercheuses et chercheurs de l’Université Bishop’s et de l’Université de Sherbrooke unissent leurs efforts pour étudier des méthodes pédagogiques qui soutiennent l’acquisition de compétences en lecture et en écriture chez des élèves allophones intégrés dans les classes ordinaires, lors de la transition du primaire au secondaire.

Dirigé par le professeur Olivier Dezutter de l’Université de Sherbrooke, le projet se fonde sur une réalité bien présente dans les Cantons-de-l’Est : la croissance soutenue de la population étudiante allophone. Cette réalité préoccupait également les responsables des services pédagogiques de la CSRS, en collaboration avec qui le projet a été élaboré. Très vite, un besoin prioritaire a émergé : l’appui aux personnes enseignantes.

Un enseignant peut se retrouver tout à coup dans une classe comprenant trois, quatre, parfois cinq élèves qui n'ont pas le français comme langue première, explique le professeur Dezutter. Cela présente un défi; le personnel doit apprendre à diversifier ses méthodes d'enseignement.

Aider les enseignants à aider les élèves

Le projet en est à sa troisième année. Il vise à observer comment les compétences en lecture et en écriture des allophones intégrés dans les groupes réguliers et non séparés dans les classes d’accueil se développent au long de l’année scolaire.

Le projet comporte deux volets. Le premier vise à recueillir de l’information à propos des compétences et des pratiques de lecture et d’écriture des élèves allophones dans leur langue maternelle et en français. Cette partie s’effectue par l’entremise de tests et de mini-entrevues. Ce premier volet sert aussi à documenter les défis rencontrés dans l’apprentissage du français. Quant au second volet de recherche, il s’attarde au soutien du personnel enseignant et à son développement professionnel. Cette étape consiste en des rencontres et des réflexions avec le personnel, en vue d’améliorer les pratiques.

Parmi les cibles de recherche, l'équipe tentera de déterminer si le personnel enseignant met à contribution les langues que les élèves connaissent déjà, et si oui, comment il le fait. « Nous voulons voir comment nous pouvons tirer pleinement profit de ce qu’on leur a enseigné dans une autre langue, qu’il s’agisse de repérer des similarités ou des différences, et établir une prise de conscience métalinguistique, explique la professeure Lau. Lorsque nous apprenons une nouvelle langue, nous ne l’apprenons pas de manière isolée; dans notre esprit, nous sommes constamment en train d’effectuer des comparaisons, de les mettre en contraste. Nous tentons d’appliquer les mêmes réflexes d’apprentissage que dans notre autre langue. » Elle explique qu’une vaste quantité de recherches démontrent que « valoriser la langue et la culture d’origine peut aider à établir des liens entre le contexte familier dans lequel une personne a été élevée et la langue que cette personne tente d’acquérir ».

La forces des expertises complémentaires

Le Pr Olivier Dezutter
Le Pr Olivier Dezutter
Photo : Michel Caron - UdeS

L’équipe pour ce projet en cours est constituée de huit chercheurs : le professeur Dezutter, chercheur principal, la professeure Lau ainsi que la doyenne de l’École d’éducation de l’Université Bishop’s, la professeure Corinne Haigh, ainsi que les professeures Christiane Blaser, Godelieve Debeurme, Véronique Parent et Lynn Thomas, de l’Université de Sherbrooke. Isabelle Dufour, conseillère pédagogique en intégration linguistique, sociale et scolaire à la CSRS, y collabore également. Tous ces chercheurs sont membres du Collectif de recherche sur la continuité des apprentissages en lecture et en écriture (CLÉ), fondé il y a 8 ans avec le soutien de l’Université de Sherbrooke, de l’Université Bishop’s, du Cégep de Sherbrooke et du Projet Partenaires pour la réussite éducative en Estrie.

Le professeur Dezutter remarque combien la capacité de compter sur un vaste réseau de collègues est un atout, en combinant diverses spécialisations et domaines d’expertise : « parmi ces collègues, on retrouve de spécialistes en écriture et lecture en langue maternelle ou première, d’autres qui se concentrent sur l’écriture et la lecture en langue seconde, des collègues qui ont un point de vue davantage didactique, et d’autres qui possèdent une expertise de la lecture d’un point de vue cognitif et psychologique ».

Bien que tous les membres de l’équipe partagent un lien avec le projet concernant les élèves allophones par le biais de leur champ de recherche, pour certains chercheurs, l’intérêt est plus profondément ancré. Le professeur Dezutter, qui a enseigné le français au secondaire pendant 15 ans, a choisi de poursuivre des études doctorales et de se spécialiser en didactique du français. Il n’a cependant pas toujours habité au Canada :

Ma propre expérience en tant qu’immigrant, puisque je suis Belge et que je suis arrivé au Québec avec trois enfants en âge de scolarité, me rend particulièrement attentif aux réalités des élèves immigrants dans le système d’éducation.

Pr Olivier Dezutter

La professeure Lau se sent, elle aussi, personnellement interpellée par le sujet de la recherche : « Mon travail a toujours été lié aux personnes immigrantes, parce que j’ai moi-même vécu cette réalité, soit celle de devoir jongler avec différentes langues et cultures. J’aimerais venir en aide aux enseignants, aux élèves et aux familles, pour qu’ils aient des expériences d’apprentissage et d’enseignement plus significatives. » Spécialisée en éducation en contexte de langues secondes, elle porte un intérêt particulier à la promotion d’une approche critique pour l’apprentissage des langues secondes. Cet intérêt lui vient de son expérience avec la langue anglaise, tant à titre d’élève que d’enseignante à Hong Kong. Selon elle, la maîtrise d’une nouvelle langue dépasse le cadre langagier :

Apprendre une langue, c’est s’ouvrir à une nouvelle culture, à de nouvelles valeurs, et favoriser l’ouverture et l’inclusion.

Ce projet financé par le Fonds québécois de recherche - Société et culture (FQRSC) entame sa dernière phase.


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