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Thèse de Nicolas Marchand

Voir sous la neige

Nicolas Marchand, Ph.D., dans une fosse-à-neige pour en caractériser les propriétés thermodynamiques.
Nicolas Marchand, Ph.D., dans une fosse-à-neige pour en caractériser les propriétés thermodynamiques.
Photo : fournie

Le sol des hautes latitudes gelé depuis des millénaires commence à fondre! Le réchauffement climatique, deux fois plus important dans le Nord que partout ailleurs sur la planète, commence en effet, petit à petit, à pénétrer dans le sol de surface qui dégèle en été et va finir par atteindre les couches de pergélisol qui, jusqu’à maintenant, restaient gelées en permanence. Or, ces sols renferment une quantité phénoménale de carbone, qui, libéré par la fonte, va s’ajouter à celui émis par l’Homme dans l’atmosphère. Ce phénomène, que les modèles prévoient s’amplifier dans les années 2050-2100, pourrait accentuer considérablement l’effet de serre et accélérer le réchauffement! Certains parlent de « bombe » à retardement.

Mieux comprendre et modéliser ce processus de fonte du pergélisol est ainsi crucial. Mais le problème, c’est de savoir ce qui se passe l’hiver, où pendant plus de huit mois de l’année, la neige isole le sol. C’était le sujet de thèse de doctorat en télédétection de Nicolas Marchand, thèse en cotutelle avec le Laboratoire de glaciologie de l’Institut des géosciences de l’environnement de Grenoble, soutenue il y a un an, et qui vient de voir ses résultats publiés dans un article* paru en octobre 2018.

Une méthode pour voir ce qui se passe sous la neige

Nicolas Marchand a mis au point une méthode pour « voir », par satellite, ce qui se passe sous la neige durant l’hiver arctique. Dans notre groupe de recherche, le Groupe interdisciplinaire de recherche en milieux polaires (GRIMP) du CARTEL (Centre d’applications et de recherches en télédétection) piloté par le professeur Alexandre Langlois, coauteur de l’article, on s’est aperçu que les modèles numériques de climat simulent en général très mal la neige arctique. En particulier, la densité de la neige au sol n’est pas bien représentée. Or, c’est la densité de la neige qui gouverne directement sa conductivité thermique, soit la capacité de la neige à conduire la chaleur ou pas. Une neige fraiche de faible densité est très isolante, alors qu’une neige dense aura un effet inverse et va mieux conduire la chaleur. Donc l’hiver, une neige dense, tassée en surface par le vent par exemple, devrait mieux conduire le froid extérieur et ainsi refroidir le sol! Mais nous avons découvert que ce n’est pas ce qui se passe! Car sous cette couche dure soufflée en surface comme c’est très souvent le cas dans l’Arctique (blowing snow), il se développe au cours de l’hiver une couche de gros grains, peu dense, qui résulte d’un processus de formation de givre dans les basses couches de neige et qui rend finalement le couvert de neige beaucoup plus isolant que ce qui est généralement prédit par tous les modèles de prévision climatique.

Camp de base dans la toundra arctique à 50 km au nord d’Inuvik dans les Territoires du Nord-Ouest (69° N) où ont séjourné pendant 10 jours, en mars 2018, Céline Vargel, étudiante au doctorat, Alexandre Roy, chercheur postdoctoral, et Alain Royer, professeur au Département de géomatique appliquée, tous coauteurs de l’article. Les conditions de vie sous tente par -30 °C la nuit rendent ces campagnes de mesures très difficiles.
Camp de base dans la toundra arctique à 50 km au nord d’Inuvik dans les Territoires du Nord-Ouest (69° N) où ont séjourné pendant 10 jours, en mars 2018, Céline Vargel, étudiante au doctorat, Alexandre Roy, chercheur postdoctoral, et Alain Royer, professeur au Département de géomatique appliquée, tous coauteurs de l’article. Les conditions de vie sous tente par -30 °C la nuit rendent ces campagnes de mesures très difficiles.
Photo : fournie

La thèse de Nicolas Marchand

Dans sa thèse, Nicolas Marchand utilise l’émission thermique micro-onde de la surface en hiver, sensible à la densité de la neige, pour corriger sa conductivité thermique. Il montre que cette correction apportée grâce aux observations satellites dans le domaine des micro-ondes augmente de près de 50 % la température du sol sous la neige. Validée avec les mesures de températures réalisées in situ dans quelques rares stations de recherches arctiques, comme à Inuvik au Yukon par exemple, ces résultats confirment l’hypothèse d’une sous-estimation systématique de l’effet isolant de la neige. Il se pourrait donc que la fonte du pergélisol, prévue actuellement vers la fin du siècle, survienne bien plus tôt.

Cette thèse en cotutelle a été financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et le programme Samuel de Champlain de collaboration France-Québec.

* Marchand, N., A. Royer (1), G. Krinner (2), A. Roy, A. Langlois and C. Vargel (2018). Snow-Covered Soil Temperature Retrieval in Canadian Arctic Permafrost Areas, Using a Land Surface Scheme Informed with Satellite Remote Sensing Data. Remote Sensing, vol. 10(11), 1703-1721.

(1)
Directeur de thèse à l’Université de Sherbrooke;
(2)
Codirecteur à l’Université Grenoble-Alpes.


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