Aller au contenu

Découverte sur le cancer

À l’assaut de la chimiorésistance, nouvelle compréhension et avenue thérapeutique

Nous devrons tous un jour ou l’autre faire face à un proche atteint de cancer. En effet, selon Statistique Canada, on estime qu’un Canadien sur deux recevra un diagnostic de cancer au courant de sa vie. De ce nombre, une personne sur quatre va en mourir1. L’approche la plus couramment utilisée pour traiter le cancer est la chimiothérapie. Or, ce traitement de dernier recours n’est pas toujours efficace. En effet, dans certains cas, on assiste à l’apparition d’un phénomène de résistance où les patients ne répondent plus à la thérapie laissant libre cours à la progression du cancer. On parle alors de chimiorésistance.

La Pre Claire Dubois, chercheuse en immunologie à l’Université de Sherbrooke, et son équipe ont récemment découvert un mécanisme par lequel cette résistance opère et une façon de la contourner. Leurs travaux dont le premier auteur est un étudiant au doctorat, Fabrice Lucien, ont d’ailleurs été publiés dans la prestigieuse revue scientifique Nature Communications qui met en valeur uniquement les travaux ayant un impact significatif sur l’avancement des connaissances. L’article, publié en juin 2017, décrit, pour la première fois, un mécanisme unique par lequel les cellules cancéreuses réussissent, en condition hypoxique comme c’est le cas dans les tumeurs, à déjouer la chimiothérapie2. On y démontre également une façon de contourner cette résistance et de restituer le potentiel anticancéreux à la chimiothérapie de façon efficace et ingénieuse.

Résistance à la chimiothérapie

Tout d’abord, un agent chimiothérapeutique doit atteindre sa cible (ex : noyau cellulaire) en quantité suffisante à l’intérieur de la cellule pour être efficace. Or, dans l’environnement des tumeurs cancéreuses, alors que les cellules se divisent rapidement et de façon désordonnée, on assiste à une diminution de la concentration d’oxygène. Ce microenvironnement hypoxique peut mener à l’apparition de mécanismes de protection des cellules cancéreuses, venant contrecarrer l’efficacité de la chimiothérapie. C’est alors qu’interviennent la Pre Dubois et son équipe en parvenant à mettre en lumière un nouveau mécanisme de résistance qui met en cause un échangeur à sodium/proton (NHE6), normalement présent à la membrane de vésicules intracellulaires, appelées endosomes.

Ils ont déterminé que le contenu des endosomes est sur-acidifié en hypoxie. Ceci crée une augmentation de la différence de pH entre l’extérieur et l’intérieur de l’endosome, entraînant le piégeage vésiculaire des médicaments, leur incapacité à agir et donc la chimiorésistance. Une analyse plus poussée a révélé que cette sur-acidification est due à la délocalisation de NHE6 qui, en temps normal, tempère le pH dans ces vésicules. Cet événement implique la liaison renforcée de NHE6 à une molécule RACK1 située à la membrane cellulaire, loin des endosomes.

Nouvelle cible thérapeutique 

Après avoir démontré que la résistance des cellules tumorales à la chimiothérapie était en grande partie due à la délocalisation de NHE6, l’équipe de la Pre Dubois s’est afférée à développer une approche afin de contrecarrer cet effet. Ils ont créé un peptide (fragment de protéines) qui vient se positionner exactement à l’interface entre le NHE6 et son partenaire essentiel à sa délocalisation. Les endosomes retrouvent ainsi un pH tempéré ce qui permet la libération de l’agent chimiothérapeutique qui peut alors se retrouver au noyau et du même coup être létal pour les cellules cancéreuses. En effet, les résultats sont éloquents; empêcher la délocalisation de NHE6 augmente l’efficacité de la chimiothérapie et permet de diminuer la taille des tumeurs.

Révolution des traitements anticancéreux

Cette découverte pourrait être très importante pour le patient, car elle permet d’envisager de nouvelles possibilités de traitements plus performants contre le cancer. Les thérapies dirigées contre la délocalisation de NHE6 devraient améliorer la toxicité des médicaments dans les cellules hypoxiques, qui sont celles liées au développement des métastases et à la récidive du cancer, tout en épargnant les tissus normaux. L’impact de cette étude est indéniable et ouvre la voie à l’espoir un jour de contribuer à vaincre le cancer.

1. www.cancer.ca

2. Lucien, F. et al. Hypoxia-induced mobilization of NHE6 to the plasma membrane triggers endosome hyperacidification and chemoresistance. Nature communications 8, 15884, doi:10.1038/ncomms15884 (2017).


Informations complémentaires