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Nouvelle publication / Sous la direction de Jean-François Hamel et Julien Lefort-Favreau

Écritures de la contestation. La littérature des années 68

Écritures de la contestation. La littérature des années 68, sous la direction de Jean-François Hamel et Julien Lefort-Favreau, Études françaises, vol. 54, n°1, Presses de l'Université de Montréal, 2018, 178 p.
Écritures de la contestation. La littérature des années 68, sous la direction de Jean-François Hamel et Julien Lefort-Favreau, Études françaises, vol. 54, n°1, Presses de l'Université de Montréal, 2018, 178 p.

Sous la direction de Jean-François Hamel et Julien Lefort-Favreau

« La Révolution, tombeau des arts ! » C’est l’antienne reprise d’Edmund Burke à Auguste Cochin pour décrier la décadence esthétique provoquée par la Révolution française. En 1799, de manière à peine moins pessimiste, La Harpe considérait la décennie révolutionnaire comme un « véritable interrègne », ayant « donné naissance à une littérature que nous ne connaissions pas, qui n’existe que par lui, qui n’est digne que de lui, et qui, d’un moment à l’autre, doit disparaître avec lui ». Des représentations semblables s’attachent au soulèvement de mai et juin 1968, comme si les dérèglements de la vie politique ne pouvaient que réduire au silence les arts et la littérature. Dans La littérature et le mouvement de Mai, il y a plus de trente ans, Patrick Combes s’interrogeait déjà : « pourquoi Mai offre-t-il l’image d’une “révolution culturelle” dont, étrangement, contre toute attente, la “littérature”, le “littéraire” semblent absents? » Pendant la plus grande grève générale de l’histoire de France, où l’occupation des facultés et des usines a rapidement succédé à l’occupation de la voie publique par des centaines de milliers de manifestants, la vie littéraire se serait brusquement interrompue, avant de reprendre son cours normal comme si rien n’avait eu lieu. À chaque commémoration décennale, on répète en effet que le printemps français, malgré son importance dans l’histoire des mouvements sociaux, n’eut aucun effet significatif sur la littérature et n’engendra que des oeuvres mineures, comme les romans Chien blanc de Romain Gary, Derrière la vitre de Robert Merle ou La manière noire d’Hélène Parmelin, qui n’ont certes pas marqué l’histoire de la littérature. Il est au demeurant symptomatique que les grands ouvrages de synthèse sur la période consacrent des chapitres à l’architecture, à la peinture, au théâtre et au cinéma, mais n’abordent ni l’engagement des écrivains ni les incidences de la contestation sur la littérature.

Pourtant, à condition de porter l’enquête au-delà de la thématique des oeuvres et de l’ouvrir à la sociologie politique et à l’histoire culturelle, qui ont profondément renouvelé depuis dix ans la compréhension de la crise de mai et de juin, force est de constater que des écrivains, des critiques et des théoriciens ont bel et bien pris acte du renouvellement des pratiques et des discours de la contestation cristallisé par les événements de 1968 et oeuvré à le transposer en littérature. Pour aborder cette période et combler une lacune historiographique, ce dossier de la revue Études françaises propose d’opérer un triple déplacement du regard critique par rapport aux usages traditionnels en études littéraires.

Ces orientations critiques, qui nous amènent à envisager collectivement et politiquement la littérature des années 68, sont perceptibles dans chacun des articles du numéro.