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Concours de vulgarisation scientifique FMSS 2016 | lauréat

Quand les cellules cancéreuses nous parlent du cancer…

Photo : Université de Sherbrooke

Avec les récents progrès de la recherche scientifique, il n’est pas inhabituel de s’interroger sur la médecine de demain. Avec un nombre de cancers sans cesse croissant, il est urgent d’améliorer les traitements offerts aux patients. L’approfondissement des connaissances en cancérologie a permis une évolution des traitements existants. Dans cette suite logique, un nouveau concept a vu le jour depuis quelques années : un traitement adapté non seulement à la maladie mais surtout au patient. C’est la médecine personnalisée.

Cette nouvelle approche est basée sur une meilleure compréhension de l’unité fonctionnelle à l’origine de tout organisme, la « cellule ». La cellule peut être perçue comme une usine à plusieurs secteurs d’activités, appelés « compartiments cellulaires ». Pour assurer le bon fonctionnement de cette usine, il faut que chaque tâche soit réalisée et coordonnée de façon précise, et propre à son secteur. Parmi les maîtres d’œuvre de ces tâches, on retrouve les « protéines ».

La dérégulation des protéines : un désastre !

Schéma 1. Du gène à la protéine (cellule de gauche) et différents types de « mutations » (*) sur les gènes 1, 2 et 3 (cellule de droite).

Schéma 1. Du gène à la protéine (cellule de gauche) et différents types de « mutations » (*) sur les gènes 1, 2 et 3 (cellule de droite).

Ces protéines sont au nombre de 100 000 dans tout l’organisme et sont issues d’environ 30 000 gènes. Chaque protéine a une fonction qui lui est propre et spécifique à sa localisation dans la cellule. De plus, la présence d’une protéine dans une cellule dépend de la fonction générale de cette cellule: une cellule du cœur n’aura pas les mêmes protéines qu’une cellule du cerveau. Ces spécificités constituent les « biomarqueurs protéiques ».

À la suite d’une anomalie sur un gène, appelée mutation, l’usine cellulaire est dérégulée et la présence (1), la localisation (2) ou la quantité (3) d’une protéine peut changer. Bien que de multiples mécanismes de régulation permettent de contrôler ces anomalies, la cellule peut alors devenir cancéreuse. C’est ce qui se produit notamment dans le deuxième cancer le plus meurtrier au Canada : le cancer colorectal.

Découverte des biomarqueurs protéiques : en route vers une solution ?

Comme dans la majorité des cancers, plusieurs stades d’évolution, de 1 à 4 selon la sévérité, sont observés dans le cancer colorectal. Ces stades dépendent de la taille de la tumeur et de la présence ou non de cellules cancéreuses dans d’autres organes initialement sains, les « métastases ». La diversité des stades du cancer colorectal a mené l’équipe du Professeur François-Michel Boisvert, chercheur au sein du Département d’anatomie et de biologie cellulaire de l’Université de Sherbrooke, à étudier les protéines de différents sous-types et stades du cancer colorectal.

Grace à un « spectromètre de masse », un appareil capable d’identifier la composition en protéines d’une cellule, ils ont pu comparer les variations de quantité et de localisation d’environ 5000 protéines entre chacune des lignées cellulaires cancéreuses. Parmi toutes ces protéines, la protéine eIF2, nécessaire pour la production des protéines, est retrouvée en plus grande quantité dans le noyau des cellules de cancer colorectal de stade 2. La protéine Myc, impliquée dans la multiplication des cellules, est également présente en plus grande quantité dans plusieurs types de cellules cancéreuses. Ces protéines impliquées dans la prolifération cellulaire et retrouvées en grande quantité dans les cellules cancéreuses seraient donc impliquées dans le développement du cancer.

Vers une médecine personnalisée…

Ces résultats sont très encourageants. En effet, l’identification des protéines spécifiques de chaque sous-type de cancer permettrait de mettre au point des traitements spécifiques à chacun d’entre eux. Afin d’observer ce phénomène chez l’homme, une étude, sur plus de 200 patients atteints du cancer colorectal, sera menée par l’équipe du Professeur Boisvert en collaboration avec le Centre de recherche du CHUS. Cette étude aura pour objectif de déterminer les protéines dérégulées et donc de découvrir des biomarqueurs protéiques.

Plus qu’une avancée scientifique, la médecine personnalisée permettrait un réel gain de temps pour les patients dans leur lutte contre le cancer.


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