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Concours de vulgarisation de la FMSS 2016 | lauréats

La collaboration interprofessionnelle et les médecins résidents

Photo : UdeS - Robert Dumont

Imaginez-vous une chambre d’hôpital. Un médecin et d’autres professionnels de la santé gravitent autour d’un patient et de ses proches. Si toute une équipe collabore avec le médecin, on se le représente comme le leader, celui qui commande. Ce médecin doit néanmoins travailler en partenariat avec d’autres professionnels et tenir compte de leurs avis. Ce partenariat est l’un des aspects de la collaboration interprofessionnelle (CIP). Pour le médecin, cette compétence est à ce point importante qu’elle fait partie du référentiel de compétences du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.

Depuis déjà plusieurs années, les milieux de formation se questionnent sur le processus d’acquisition de savoirs, savoir-faire et savoir-être nécessaires à la CIP. Comment enseigner, entre autres aux médecins résidents, la CIP? Car si les médecins résidents soignent des patients, ils sont néanmoins toujours en formation.

Afin de mieux comprendre ce processus, une équipe de chercheurs de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke a procédé à une étude exploratoire en s’intéressant aux comportements spontanés des médecins résidents lorsqu'ils sont placés dans une situation de CIP. Comment communiquent-ils ? Tendent-ils vers la prise de décisions partagées ? Comment tiennent-ils compte de l’avis du patient et de sa famille dans leurs décisions ?

La fiction pour explorer le comportement spontané

L’équipe de recherche, composée à la fois de médecins, de chercheurs et de professionnels en pédagogie des sciences de la santé, a imaginé deux cas fictifs de situation avec des patients. Ces deux cas étaient construits autour d’un conflit quant au plan de traitement à adopter. Tous les intervenants, à l’exception des médecins résidents, étaient des acteurs. Le scénario se déroulait lors de réunions interdisciplinaires auxquelles le médecin résident participait. Les réunions ont été enregistrées, puis ont fait l’objet d’une analyse qualitative par thèmes émergents.

Les comportements spontanés ne mentent pas

Photo : UdeS - Robert Dumont

Les résultats de l’étude, publiés dans la revue Advances in Medical Education and Practice, suggèrent que les médecins résidents n’ont pas d’emblée tendance à prendre des décisions partagées. Par ailleurs, il ressort également que les médecins résidents ont de bonnes aptitudes de base à communiquer. Pourtant, cela ne fait pas d’eux de bons collaborateurs! En effet, s’ils sont en mesure de bien rassembler les informations qui leur parviennent des autres professionnels de la santé, ils semblent beaucoup moins aptes à tenir compte de ces informations dans une optique de décision dite partagée.

« Prendre une décision concertée suppose une compréhension en profondeur des points de vue des différents acteurs impliqués. On s’attend donc à ce que les médecins résidents s’attardent à saisir les divergences de points de vue et ce qui les sous-tend. Mais la plupart ont rassemblé la plus grande quantité d’informations possible, allant parfois même jusqu'à faire abstraction du conflit existant », explique le Pr Robert Sabbagh, l’un des coauteurs de l’article.

Une formation découlant des comportements spontanés?

Bien qu’il s’agisse d’une étude exploratoire, réalisée auprès d’un petit échantillon de médecins résidents, cette étude suscite une réflexion sur les idéaux de l’enseignement de la CIP. Certes, une décision concertée est souhaitable pour le patient. Le défi peut cependant être colossal pour le médecin résident, surtout lorsque les acteurs se multiplient. Mais se montrer conciliant et reconnaître les avis de chacun n’est-il pas un premier pas ? Si d’autres études subséquentes présentent des résultats allant dans le même sens, partir de ce qui semble moins « inné » pour former les médecins résidents pourrait être une voie à explorer.

Parallèlement à des projets de recherche comme celui-ci, des stratégies visant à s’assurer que ces apprentissages soient faits, non pas en silos, mais de manière interprogramme se mettent en place dans plusieurs milieux de formation. À la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, c’est d’ailleurs une équipe (la Structure d’appui à la formation à la collaboration professionnelle) composée de représentants de programmes d’études en sciences de la santé mais également de patients/proches partenaires, qui a ce mandat à la fois de soutenir les initiatives du milieu et de s’assurer d’une cohérence dans les développements pédagogiques proposés.

Revenons à notre image : un patient, un lit d’hôpital, des professionnels de la santé. Maintenant, imaginez-vous à la place de ce patient. Il devient clair qu’un médecin qui considère votre point de vue tout autant que celui de son équipe est le médecin que l’on souhaite tous avoir.