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Concours de vulgarisation de la FMSS 2016 | lauréat

Arrêt cardiaque et lésions cérébrales : l’hypothermie à la rescousse

Illustration : Benoit Leblanc
Illustration : Benoit Leblanc

Avec une population sans cesse vieillissante, nos aînés font face à un spectre sournois : l’arrêt cardiaque, deux mots bien anodins qui, une fois réunis, donnent l’effroi. Seulement au Canada, on recense une crise cardiaque à toutes les sept minutes totalisant 16 000 victimes chaque année. Dès l’arrêt du cœur, le manque d’oxygène au cerveau crée un ravage en provoquant la mort de millions de neurones. À ce moment, si aucune action n’est entreprise, les chances de survie s’amoindrissent chaque seconde. Bien que dans certains cas le cœur peut se remettre à battre, trop souvent les dommages irréversibles causés au cerveau ne permettent qu’un retour à une vie végétative. Heureusement, des chercheurs du groupe INOLIVENT de l’Université de Sherbrooke s’intéressent à ce problème. Ce groupe de chercheurs formé d’ingénieurs, de physiologistes et de médecins a mis au point une technique qui tire ses principes de gens noyés en eau glaciale puis réanimés sans aucune séquelle.

L’hypothermie pourrait aider

Dans un article publié récemment, signé par Mathieu Nadeau, étudiant au doctorat en codirection génie-médecine, on y décrit une méthode prometteuse permettant de refroidir le corps humain de façon ultra-rapide en lui administrant un liquide froid dans les poumons. Le refroidissement corporel, défini comme l’hypothermie thérapeutique, est une technique reconnue pour prévenir les dommages cérébraux des suites d’un arrêt cardiaque.  Les effets sont d’autant plus bénéfiques lorsqu’elle est induite rapidement. Hélas, l’humain étant fondamentalement conçu pour combattre les pertes de chaleur, il va de soi qu’il n’est pas simple d’en abaisser la température. Les techniques actuellement utilisées sont lentes et difficiles à contrôler. Alors, que faire lorsqu’on se retrouve dans une situation où l’on doit induire une hypothermie contre le gré du corps, à l’encontre de ses mécanismes et que le temps presse ?

La solution : un respirateur liquidien

Le respirateur liquidien
Le respirateur liquidien
Photo : Fournie

C’est donc avec ce mandat que l’équipe a conçu et fabriqué un respirateur liquidien. Un appareil qui prend en charge la respiration avec un liquide plutôt qu’avec de l’air. En contrôlant la température du patient, on s’en sert alors pour induire l’hypothermie thérapeutique de façon ultra-rapide, précise et sécuritaire. Ce concept, en apparence peu orthodoxe, prend tout son sens lorsqu’on sait que le liquide utilisé, un perfluorocarbone, permet de transporter près de 15 fois plus d’oxygène que l’eau et 1600 fois plus de chaleur que l’air. C’est donc l’appareil qui se charge d’introduire le liquide qui apporte l’oxygène dans les poumons tout en retirant le gaz carbonique lors de l’expiration. La surface d’échange entre les alvéoles pulmonaires et le sang équivaut à un terrain de tennis, ce qui fait du poumon un véritable échangeur gazeux et thermique. Ainsi, comme un radiateur, il est possible de contrôler la température corporelle par la température du liquide qu’on y insère. C’est donc dans un délai de cinq minutes qu’on arrive à l’hypothermie contrairement aux techniques traditionnelles qui nécessitent des heures.

Plus de transplantations d’organes possible

En plus de sauver des vies par action directe, l’hypothermie possède un avantage indirect moins bien connu mais tout aussi important. En effet, la préservation des organes par le froid telle que décrite par le modèle pourrait permettre la conservation et la transplantation de plus d’organes. À l’heure où l’attente chez les patients-receveurs augmente, toute technique visant à accroître le nombre de dons disponibles est la bienvenue. Ainsi l’impact potentiel de l’hypothermie thérapeutique induite par la ventilation liquidienne est indéniable. Les recherches vont bon train et nous devrions assister aux premiers essais chez l’humain avant la prochaine décennie ce qui est très encourageant.

D’ici là, la meilleure façon de prévenir un arrêt cardiaque c’est encore de manger santé et de pratiquer l’activité physique.

À propos de l'auteur

Michaël Sage, étudiant au doctorat en physiologie
Michaël Sage, étudiant au doctorat en physiologie
Photo : UdeS - Robert Dumont

Michaël est présentement étudiant au doctorat en physiologie sous la supervision des Prs Jean-Paul Praud, pédiatre, Étienne-Fortin Pellerin, néonatalogiste et Philippe Michau, ingénieur à la Faculté de génie de l’UdeS. Il mène actuellement des recherches sur la ventilation liquidienne totale au CRCHUS du CIUSSS de l’Estrie – CHUS. Au cœur même du laboratoire, il chapeaute les expérimentations et mène les projets qui rapprochent la ventilation liquidienne des premiers essais chez l’homme.

Passionné de sciences depuis toujours, ce n’est que très récemment que la vulgarisation scientifique lui est apparue comme une avenue non seulement potentielle, mais très envisageable pour sa carrière. C’est donc avec espoir et une teinte de défis à surmonter que Michaël espère contribuer à rendre disponible les découvertes pour le grand public. Bien que son objectif à court terme reste de terminer son doctorat, parions que d’autres nouvelles signées Michaël Sage risquent de paraître d’ici là.