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Honoré par l’Université de Sherbrooke, Raif Badawi adresse un message par la voix de son épouse

C’est devant un auditoire ému que l’Université de Sherbrooke a remis, le 8 juin 2017, un doctorat honorifique à Raif Badawi, pour son apport exceptionnel à la défense de la liberté d’expression.

L'épouse de Raif Badawi, Ensaf Haidar a su émouvoir l'auditoire en faisant la lecture d'un texte rédigé par Raif Badawi.
L'épouse de Raif Badawi, Ensaf Haidar a su émouvoir l'auditoire en faisant la lecture d'un texte rédigé par Raif Badawi.
Photo : François Lafrance

Son épouse, Ensaf Haidar, a reçu le titre honorifique en son nom. Elle a surpris l’assistance lors de la cérémonie en adressant un mot de reconnaissance provenant directement de lui : « Votre formidable position m'a permis de comprendre que le monde extérieur ne m'a pas oublié, ni oublié ma cause. Elle m'a aussi permis de comprendre que nous nous tenons solidaires dans notre humanité. Solidaires dans notre combat pour la liberté d'expression et d'opinion » lui a-t-il confié de sa cellule.

Pierre Cossette a vécu de grandes émotions pour sa première séance universitaire de remise de doctorat honorifique en tant que recteur de l'UdeS
Pierre Cossette a vécu de grandes émotions pour sa première séance universitaire de remise de doctorat honorifique en tant que recteur de l'UdeS
Photo : François Lafrance

« Par la remise de ce doctorat honorifique institutionnel, l'Université de Sherbrooke veut rendre hommage à un homme de cœur qui paie très chèrement le prix de son engagement pour les droits de la personne, l'avancement et le respect des femmes et des minorités, la tolérance religieuse, l'ouverture aux autres et l'esprit critique, explique le recteur, Pierre Cossette. Les valeurs qu'il défend rejoignent celles de l'Université de Sherbrooke, qui place au cœur de sa mission la promotion du savoir critique et la quête de nouvelles connaissances par l’enseignement, la recherche, la création et l’engagement social. Ces valeurs impliquent l’ouverture, le dialogue et, nécessairement, la liberté d’expression », ajoute-t-il.

L'éloge rédigé et lu  par le professeur Hervé Cassan a été des plus touchant.
L'éloge rédigé et lu  par le professeur Hervé Cassan a été des plus touchant.
Photo : François Lafrance

L’éloge a été prononcé par le professeur Hervé Cassan, de la Faculté de droit, ayant conduit une double carrière d’universitaire et de diplomate, notamment à titre de conseiller du secrétaire général des Nations Unies à New York. « Nous avons bien conscience, aujourd’hui, de participer, ensemble, à une cérémonie atypique, et j’ai presque envie de dire, à une cérémonie militante. En conférant le grade de docteur honorifique à Raif Badawi, notre institution ne fait pas un choix ordinaire. Elle ne consacre ni un chercheur illustre, ni un savant reconnu, ni une personne publique. En réalité, elle fait mieux que cela. Notre Université veut honorer ici – de la manière la plus officielle et la plus visible – un homme – un jeune homme – qui vit présentement seul, isolé, condamné, emprisonné, menacé des pires tortures. Notre Université veut honorer un homme qui souffre au nom de ses convictions, un homme né il y a une trentaine d’années au cœur de l’Arabie, et dont l’étrange destin fait que c’est une ville du Québec, notre ville de Sherbrooke, qui, à plus de 10 000 km de là, s’est tout entière mobilisée pour lui. Nous voulons l’honorer parce que Raif, étranger à notre langue, à notre pays et à notre culture, nous transmet pourtant le message le plus universel qui soit : les droits de la personne représentent la quintessence des valeurs par lesquelles nous affirmons ensemble que nous appartenons tous à la même Communauté humaine! »

Photo : François Lafrance

Le doyen de la Faculté de droit, Sébastien Lebel-Grenier, s'est aussi adressé à l'auditoire. La proposition de la candidature de M. Badawi pour l’attribution de ce doctorat honorifique est une initiative de la Faculté de droit qui souhaitait prendre parti ouvertement et publiquement en la faveur de Raif Badawi. « Nous souhaitons que par l’entremise de ce geste que nous posons aujourd’hui, nos étudiantes et étudiants comprennent que leurs responsabilités d’officiers de justice sont essentielles, lourdes et quelquefois difficiles à porter.  En raison de la formation qu’ils auront reçue et des connaissances qu’ils auront acquises, nos étudiantes et étudiants bénéficieront d’une position privilégiée dans notre société.  En contrepartie, ils auront la responsabilité de défendre les valeurs qui la sous-tendent et, ainsi, de défendre les droits de tous ses membres. La responsabilité des juristes n’autorise pas la complaisance. Elle leur impose plutôt de contribuer à l’avancement de nos sociétés par la défense des droits et libertés fondamentaux. »

Raif Badawi est un blogueur saoudien, accusé d’insulte à l’islam, après avoir lancé un blogue qui défend les valeurs plus libérales, dont la liberté d’expression. Il a été condamné à une peine de dix ans d’emprisonnement, à mille coups de fouet et à une amende de près de 300 000 $ US. Raif Badawi est devenu un symbole du combat pour le respect de la liberté d’expression, la protection des droits de la personne ainsi que la promotion de la démocratie et de l’État de droit. Son épouse Ensaf Haidar et ses enfants résident à Sherbrooke. La communauté et les institutions sherbrookoises ont accueilli cette famille à bras ouverts et ont rapidement adopté la cause du blogueur.

Photo : François Lafrance

Pour échanger sur la mobilisation entourant cette cause, l’Université de Sherbrooke a également organisé plus tôt dans la journée une table ronde ayant pour thème « Mobilisation politique et citoyenne : comment défendre Raif Badawi? ». Étaient présents pour discuter avec l’auditoire de cet enjeu, Mireille Elchacar responsable d'Amnistie internationale Estrie et porte-parole de la section canadienne francophone de l’organisation; la professeure Marie-Ève Carignan, spécialiste des pratiques journalistiques qui intervient régulièrement dans les médias concernant les enjeux reliés à la liberté de presse; le professeur Daniel Proulx, constitutionnaliste réputé invité à enseigner et à prononcer des conférences au Canada et en Europe et à offrir des formations en matière de droits et libertés à divers publics et le professeur Hervé Cassan, avocat et consultant international.


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