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Concours de vulgarisation de la FMSS 2016 | lauréate

Dépression et absence prolongée au travail : un duo trop fréquent

La dépression représente le trouble de santé mentale le plus connu. Au Canada, plus d’une personne sur dix est atteinte d’un trouble de santé mentale.
La dépression représente le trouble de santé mentale le plus connu. Au Canada, plus d’une personne sur dix est atteinte d’un trouble de santé mentale.
Photo : Milène Bélanger-Douet - Udes

La dépression et l’absence prolongée au travail en quelques mots

Au Canada, plus d’une personne sur dix souffre d’au moins un trouble de santé mentale. La dépression représente le trouble le plus courant qui est susceptible d’occasionner une absence prolongée au travail. Celle-ci engendrerait un impact négatif sur la santé des travailleurs. Des données récentes publiées dans le Journal of Occupational Rehabilitation ont permis d’observer que plus de la moitié des personnes vivant avec une dépression ou un trouble bipolaire seraient toujours absentes au travail après six mois d’arrêt et près du tiers après un an.

Qu’arrive-t-il lorsque la dépression nous rend incapable de travailler ?

Au Québec, ce sont le plus souvent les médecins généralistes qui sont consultés lorsque les travailleurs présentent des symptômes dépressifs.
Au Québec, ce sont le plus souvent les médecins généralistes qui sont consultés lorsque les travailleurs présentent des symptômes dépressifs.
Photo : Milène Bélanger-Douet – Udes

La réponse est simple, il faut consulter. Au Québec, les médecins omnipraticiens sont les généralistes ayant le pouvoir de signer le fameux billet d’arrêt de travail et sont par le fait même les plus sollicités. Sur quoi se basent ces médecins pour prendre leur décision et en assurer le suivi ? Une équipe de recherche de l’Université de Sherbrooke spécialisée en réadaptation au travail leur a posé la question.

Cette équipe, dirigée par la professeure Chantal Sylvain de l’École de réadaptation, a documenté les pratiques et ressources utilisées par les médecins omnipraticiens durant leurs interventions avec des personnes éprouvant des difficultés à travailler en raison d’un trouble dépressif. L’équipe a réalisé des entrevues qualitatives en profondeur auprès de treize médecins exerçant en Montérégie. L’analyse thématique des entrevues a permis de mieux comprendre la réalité des pratiques de ces médecins selon leur contexte de travail.

Ce que propose la recherche pour minimiser l’absence prolongée au travail

Trois principes d’intervention sont reconnus dans la littérature scientifique pour favoriser un retour au travail sain et durable :

  1. Les parties impliquées dans le retour au travail doivent communiquer et coordonner leurs actions. Il est question du travailleur, de l’assureur, des professionnels de la santé et de l’employeur.
  2. Le médecin et les autres professionnels doivent veiller à réactiver le travailleur et l’aider à rester engagé dans sa démarche de retour au travail.
  3. L’employeur doit accepter d’adapter temporairement les tâches et le milieu de travail.

Ces recommandations ne sont toutefois pas spécifiques au cas de dépression. Pour ces personnes, les pratiques des médecins omnipraticiens visant à évaluer et faciliter le retour au travail demeurent peu documentées.

Que font les médecins en réalité ?

Les médecins questionnés par l’équipe de la professeure Sylvain ont tous rapporté communiquer rarement avec les autres professionnels, et encore moins avec les milieux de travail et les assureurs. Ils ont expliqué cette réalité par les limites du système de santé qui ne favorisent pas ce type de pratique, qui pourtant, est reconnu comme hautement souhaitable.

Outre ce constat unanime, il ressort deux profils distincts de pratique chez ces médecins :

D’un côté, il y a ceux qui cherchent à retarder le début de l’arrêt de travail ou qui favorisent de courts arrêts de travail. Ils abordent rapidement avec leurs patients le sujet du retour au travail et le présentent comme quelque chose qui aidera leur récupération.

D’un autre côté, il y a ceux qui accordent un arrêt de travail afin de permettre une période de repos pour se soustraire du stress du travail. Le sujet du retour au travail est abordé tardivement et ils considèrent peu le milieu de travail dans leurs interventions.

Le premier profil correspondrait davantage aux meilleures pratiques pour accélérer le retour à la santé et prévenir l’absence prolongée au travail. Il est rassurant de constater que plusieurs médecins intègrent concrètement des éléments de ces pratiques, en dépit des contraintes qui pèsent sur le système de santé.

Et maintenant? Il faut certainement soutenir l’adoption de ces meilleures pratiques par les médecins. Mais ces efforts resteront vains s’ils ne s’accompagnent pas d’un engagement ferme et des actions conséquentes de tous, employeurs, professionnels de la santé, assureurs et travailleurs, envers des conditions favorables du retour au travail sain et sécuritaire après une dépression. Il faut plus que des vœux pieux pour réussir, mais l’enjeu en vaut la peine!

À propos de l’auteure

Milène Bélanger-Douet est étudiante à la maîtrise recherche en sciences de la santé à l’Université de Sherbrooke.
Milène Bélanger-Douet est étudiante à la maîtrise recherche en sciences de la santé à l’Université de Sherbrooke.

Milène est ergothérapeute de formation et effectue une maîtrise recherche à temps plein en sciences de la santé à l’Université de Sherbrooke. Elle réalise ses travaux de recherche sous la supervision de la Pre Marie-José Durand et de la Pre Chantal Sylvain, toutes deux affiliées au Centre de recherche de l’Hôpital Charles-Le Moyne dans l’équipe de recherche du CAPRIT.

Les intérêts de recherche de Milène portent sur les influences exercées par les différents partenaires, employeurs, professionnels de la santé, assureurs et travailleurs, sur la réadaptation au travail à la suite d’un accident du travail ou de la route. Pour son projet de maîtrise, elle s’intéresse particulièrement à l’influence de l’assureur sur le processus de réadaptation au travail des personnes ayant subi un traumatisme cranio-cérébral léger (TCCL). Il n’en demeure pas moins qu’étant soucieuse de parfaire ses connaissances et d’améliorer ses compétences en recherche, elle continue de démontrer un intérêt marqué pour la réadaptation des personnes présentant des incapacités au travail à la suite de divers problèmes de santé tels les troubles musculosquelettiques et les troubles mentaux courants.