Aller au contenu

Concours de vulgarisation scientifique 2015 | finaliste

Peut-on identifier ceux et celles qui répondent de façon inadéquate à la douleur?

La douleur nous permet d’éviter de nous servir d'un membre blessé ou de toucher à des surfaces trop chaudes.
La douleur nous permet d’éviter de nous servir d'un membre blessé ou de toucher à des surfaces trop chaudes.
Photo : Robert Dumont | UdeS

Tous ne réagissent pas à la douleur de la même façon.

La perception de la douleur constitue un avantage évolutif pour l’être humain. En d’autres mots, cette capacité nous permet d’éviter de nous servir d'un membre blessé ou de toucher à des surfaces trop chaudes. Pourtant, lorsqu'elle se dérègle, il devient difficile de la rétablir et elle est profondément limitante. Plutôt que de chercher à traiter ces situations, l'équipe du professeur Serge Marchand, Ph. D, docteur en neurosciences, professeur-chercheur à la FMSS et au CRCHUS et la professeure Sylvie Lafrenaye, M.D., pédiatre-intensiviste à l’installation CHUS du CIUSSS de l’Estrie-CHUS, professeure-chercheuse à la FMSS et au CRCHUS souhaite les prévenir en tentant de prédire qui est à risque de répondre de façon inadéquate à l'apparition de la douleur.

Une étude menée en collaboration avec une équipe française et publiée dans le European Journal of Pain leur a en effet permis d'observer qu'environ les deux tiers des participants ne parviennent pas à s'adapter à une douleur modérée. Chez ces individus, la douleur ressentie augmente constamment même si sa source, un bac d'eau chauffée à une température de 47 degrés Celsius, demeure constante. L'autre tiers attribue quant à lui la même intensité à leur douleur durant les cinq minutes que dure l'expérience. Cinq minutes, c’est bien peu; mais si je devais vivre avec une douleur au genou ou à la hanche pour les 20 prochaines années, il est facile de deviner à quel groupe la plupart souhaiterait appartenir!

Un phénomène similaire se produit lorsque la main des sujets est immergée dans un bac d'eau froide. Le tiers d'entre eux s'habitue et considère que leur douleur s’amenuise avec le temps, alors que les autres perçoivent une douleur élevée tout au long du test. Fait intéressant à noter, ce ne sont pas systématiquement les mêmes individus qui s'adaptent mieux à une douleur provoquée par le chaud ou le froid.

La faute au système cardiovasculaire?

Généralement, une sensation douloureuse suffisamment forte provoque l'activation d’un système de contrôle interne venant amoindrir le signal. Il commande également une hausse de la pression sanguine et de la fréquence cardiaque pour permettre de combattre ou de chasser cette douleur. Ainsi, une stimulation par la douleur qui entraîne une réduction des changements cardiovasculaires constitue d'ailleurs une indication d'un système de contrôle défaillant.

Cela ne semble cependant pas le cas dans cette étude sur l'adaptabilité à la douleur. Bien qu'une différence de rythme cardiaque ait été observée entre les stimulations par le chaud et par le froid, elle ne permet pas de prédire qui répondra moins efficacement à une douleur prolongée. Le problème se situe ailleurs.

Différence dans les seuils de perception

Il semblerait plutôt que l'intensité avec laquelle ils perçoivent la douleur initiale soit en cause. Autant lorsque stimulé avec un bain d'eau chaude ou d'eau froide, le groupe qui ne parvient pas à s'adapter à la douleur ressent la douleur initiale avec une moins grande intensité. C'est seulement après trois minutes de stimulation que la douleur ressentie par les mal-adaptés dépasse celle des autres.

La différence entre ces deux types de répondants provient donc probablement directement des fibres nerveuses responsables de la perception de la douleur plutôt que des mécanismes de contrôle de celle-ci. Des études supplémentaires devront cependant être menées afin de prouver cette hypothèse.

Impact prédictif

À défaut d'être parvenue à identifier une explication, cette étude suggère une méthode simple pour tenter d’identifier des patients plus à risque de développer des douleurs chroniques. En mesurant l’intensité de la douleur perçue suite à l’immersion de la main dans un bain d’eau chauffée ou refroidie à une température précise, il sera possible de déterminer à quel sous-groupe appartient le sujet et prendre les précautions adéquates pour prévenir ou atténuer l’apparition de douleur post-chirurgicale s’il fait partie des individus à risque, par exemple.

Une procédure de quelques minutes qui pourrait empêcher des mois, voire même des années de souffrance inutile.