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Mieux prévenir le suicide : un investissement rentable

Une étude évalue le potentiel positif d’implanter au Québec des programmes de prévention qui ont fait leurs preuves en Europe

Helen-Maria Vasiliadis est professeure au Département des sciences de la santé communautaire, au Campus de Longueuil
Helen-Maria Vasiliadis est professeure au Département des sciences de la santé communautaire, au Campus de Longueuil
Photo : Université de Sherbrooke

Le Québec et le Canada auraient tout avantage à investir dans des programmes de prévention du suicide basée sur l’approche de l’Alliance de Nuremberg contre la dépression (NAD) qui a fait ses preuves en Europe depuis le début des années 2000. En plus des vies sauvées et des bénéfices pour les proches des personnes à risque, les chercheurs évaluent que le rapport coût-bénéfices serait très positif en termes de dépenses en santé et services sociaux. Dans une analyse prospective, les chercheurs estiment qu’un investissement de près de 24 M $ annuellement au Québec aurait le potentiel de générer des économies de 3979$ par année de vie maintenue. Ce calcul repose sur des modèles économiques basés sur l’approche du capital humain et une estimation des coûts de santé futurs, liés à une baisse potentielle du nombre de gestes suicidaires. Cette étude menée par la professeure Helen-Maria Vasiliadis de l’Université de Sherbrooke, avec des collègues de trois autres universités, vient de paraître dans The Journal of Mental Health Policy and Economics.

«Nos résultats indiquent que les économies potentielles sont très importantes, principalement en raison du nombre de décès par suicide qui pourraient être évités mais également grâce à la diminution des cas d’incapacité liée à la dépression. Il faut ajouter que les suicides engendrent une série de coûts qui ne peuvent être mesurés, comme la  souffrance due à la perte d'un être cher ; la qualité de vie réduite ou la perte de productivité liée à une mort prématurée», indique Pre Vasiliadis.

Résultats probants en Europe

L’approche préconisée par les auteurs de l’étude vise à adapter, en contexte québécois  les principes mis en place par l’approche NAD. Ce modèle d’abord développé à Nuremberg a été étendu à l’ensemble de l’Allemagne. En 2004, il a été implanté dans 16 pays d’Europe qui adhèrent à l’Alliance européenne contre la dépression. Ces programmes de prévention prévoient des actions à plusieurs niveaux et reposent principalement sur quatre piliers:

  • la formation des médecins de famille dans la détection et le traitement de la dépression;
  • des campagnes de la population visant à accroître la sensibilisation à la dépression et l'utilisation accrue de services et de traitement;
  • le développement des leaders de la communauté parmi les premiers intervenants, comme des professeurs, travailleurs sociaux, pharmaciens ou policiers, entre autres;
  • et le suivi des groupes à haut risque ainsi que des personnes qui ont tenté de se suicider et de leurs proches.

Une première étude européenne parue en 2010 a mesuré les effets de ces programmes de prévention. On y a recensé des baisses d’en moyenne 27% sur trois ans quant au nombre de tentatives de suicide, ainsi qu’une baisse de 16% du nombre de suicides complétés.
«Une étude plus récente parue en Hongrie en 2013 a montré que le programme de NAD a eu un impact significatif et plus important sur la réduction des taux de suicide - jusqu'à 56% la première année- dans la ville de Szolnok, par rapport aux réductions observées dans l’ensemble du pays», mentionne la chercheuse de l’UdeS.

Dans l’étude québécoise, les auteurs suggèrent la possibilité de mettre en place des programmes largement inspirés des principes de Nuremberg, mais qui tiendraient compte des spécificités du Québec.

Chez nous

L’étude propose un scénario impliquant un investissement de près de 24M $ dans des programmes de prévention du suicide. Ce montant pourrait récupérer certaines sommes qui font déjà partie des budgets de prévention existants, mais une portion de nouvel argent permettrait d’étendre la prévention. «Les coûts supplémentaires consistent à rendre certains des programmes accessibles à l’ensemble du territoire du Québec. Ceux-ci comprennent les coûts de formation des sentinelles, mais serviraient surtout à déployer des équipes d’infirmières de première ligne desservant des personnes souffrant de troubles mentaux présentant des risques suicidaires.» Actuellement, il existe des initiatives régionales, mais l’objectif à long terme serait de mieux déployer l’ensemble des services.


Suites à l’étude

Les chercheurs comptent soumettre l'automne prochain une demande de subvention de fonctionnement pour évaluer précisément l'une des modalités de la prévention du suicide : les infirmières de première ligne dans les urgences. Cette étude visera à évaluer l'impact de la présence généralisée des infirmières dédiées au traitement des personnes à risque, sur les coûts du système de santé, en lien avec la réduction des actes suicidaires. Les chercheurs soutiennent également la Commission de la santé mentale du Canada, pour un projet de démonstration du programme de NAD à travers le Canada.


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