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De nouvelles avenues pour faciliter le dépistage du cancer du sein

L’élastographie et l’élasto-tomographie sont deux approches qui pourraient un jour offrir des solutions de rechange aux techniques actuelles de mammographie

Le professeur Elijah Van Houten, au centre, ainsi Jean-Philippe Choinière et Samuel Fréchet, deux étudiants membres du projet VenUS, dont le prototype est présenté à l'exposition Mécagéniale.
Le professeur Elijah Van Houten, au centre, ainsi Jean-Philippe Choinière et Samuel Fréchet, deux étudiants membres du projet VenUS, dont le prototype est présenté à l'exposition Mécagéniale.
Photo : Michel Caron

Prévenir le cancer du sein est un enjeu capital pour la santé des femmes. Si l’importance du dépistage précoce fait consensus, plusieurs femmes redoutent le moment où elles auront à subir une mammographie. Cette intervention inquiète, elle est souvent douloureuse, et doit être répétée périodiquement. Serait-il possible de simplifier cette première phase de diagnostic, la rendre moins désagréable pour les patientes, et en réduire les coûts? Le professeur Elijah Van Houten, du Département de génie mécanique, croit que c’est possible d’y arriver grâce à deux techniques relativement nouvelles : l’élastographie et l’élasto-tomographie. Essentiellement, ces techniques interprètent des données liées à l’élasticité des tissus mous et au contraste révélé par la présence de tissus plus rigides, comme celui des tumeurs. La technologie ne sera pas nécessairement disponible avant quelques années, mais les recherches menées jusqu’ici sont encourageantes, dit le chercheur.

Élastographie 101

Elijah Van Houten
Elijah Van Houten
Photo : Michel Caron

Les premiers travaux scientifiques en élastographie, une discipline récente, datent d’une vingtaine d’années, explique le professeur Van Houten, qui a fait son doctorat sur cette approche : «L’objectif de l’élastographie est de faire une image des propriétés mécaniques – l’élasticité surtout – du tissu mou. On sait que dans le cas du cancer du sein, les femmes peuvent elles-mêmes détecter une tumeur cancéreuse, à cause de sa rigidité. Parmi les premières études, les chercheurs ont donc voulu mesurer le contraste entre la rigidité d’une tumeur et le tissu sain. Ils ont observé que les tumeurs pouvaient être de 100 % à 1000 % plus "dures" que le tissu sain», dit-il.

Elijah Van Houten est spécialisé en élastographie par résonance magnétique. Il utilise les données obtenues par l’imagerie par résonance magnétique et les traite grâce à un processus numérique, unique au monde, qui permet de visualiser des caractéristiques de l’amortissement de Rayleigh, un phénomène du nom d’un Prix Nobel de physique du siècle dernier qui a fourni des modèles sur l’interprétation des vibrations. Pour y arriver, il raffine des méthodes de calcul qui nécessitent des algorithmes très avancés pour visualiser la distribution spatiale de la rigidité et de la viscosité des tissus tels que ceux du sein, du cerveau et du foie.

«Grâce à l’élastographie, le contraste entre les tissus mous et rigides est beaucoup plus visible que celui obtenu par les méthodes d'imagerie médicale traditionnelles comme la mammographie et l’ultrason», ajoute le professeur Van Houten. En plus de renseigner sur la viscosité, les images de la composition Rayleigh donnent des indices sur la microstructure du tissu, et peuvent aider à distinguer les tumeurs malignes des tumeurs bénignes.

De la Nouvelle-Angleterre à la Nouvelle-Zélande

Elijah Van Houten a grandi et fait ses études supérieures en Nouvelle-Angleterre. Son travail de chercheur l’a ensuite conduit à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, où il a travaillé durant quelques années à développer une application encore plus spécifique : l’élasto-tomographie par imagerie numérique. Ce pari était très ambitieux.

«Au départ, quand j’ai parlé de ce projet à d’autres chercheurs, ils m’ont répondu : "Vous êtes fou, ça ne va jamais marcher! C’est un gaspillage d’efforts et de temps". Mais de mon côté, je n’étais pas prêt à admettre que c’était impossible. Le contexte de mon travail là-bas m’offrait une grande liberté dans mes recherches, ce qui m’a donné l’occasion d’avancer dans ce projet. À chaque étape, même en mesurant des éléments très simples, on voyait que le projet devenait réaliste parce que les résultats étaient meilleurs que ceux que j’avais imaginés.»

Le système DIET utilise cinq appareils photographiques et une solution numérique de très grand calcul inverse pour connaître les propriétés élastiques du tissu.
Le système DIET utilise cinq appareils photographiques et une solution numérique de très grand calcul inverse pour connaître les propriétés élastiques du tissu.
Photo : Michel Caron

Ainsi est né le système baptisé de l’acronyme DIET, pour digital image elasto-tomography. Cette méthode est basée sur le traitement des données obtenues par photographie numérique de la surface d’un sein. Le système DIET utilise cinq appareils photographiques et une solution numérique de très grand calcul inverse pour générer une distribution 3D des propriétés élastiques du tissu.

«Un premier prototype a été créé et testé avec succès en Nouvelle-Zélande, et on a pu déceler la présence de tumeurs auprès de trois patientes, dit Elijah Van Houten. Cela a démontré que la technique et les modèles mathématiques d’interprétation des données étaient valables. On est maintenant à l’étape d’améliorer la précision, et il y a toute une série de problèmes à corriger avant de généraliser l’utilisation d’une telle technologie.»

À l’Université de Sherbrooke, dans le prolongement de ces recherches, des étudiants de fin de baccalauréat en génie mécanique ont réalisé le projet VénUS : ils ont fabriqué le nouveau prototype qui emploie la technologie DIET. Ce prototype sera présenté au public le jeudi 5 décembre à l’exposition Mécagéniale, au Centre culturel.

«Les projets de fin de programme à l’UdeS sont vraiment exceptionnels, dit le professeur. Pour les étudiants, c’est une chance unique de participer à des projets de conception très avancée en génie. Et pour un chercheur comme moi, c’est un avantage de pouvoir faire développer des nouvelles technologies sur place, sans devoir engager les mêmes dépenses que si l'on devait aller dans une entreprise à l’externe.»

Un Américain à Paris, puis à Sherbrooke

Comment le professeur Van Houten, qui a vécu pratiquement toute sa vie dans un univers anglo-saxon, en est-il venu à apprendre le français, puis à joindre l’Université de Sherbrooke en 2011? Le parcours paraît étonnant, mais l’explication est toute simple : son épouse, originaire de France, était elle aussi expatriée en Nouvelle-Zélande, où ils se sont rencontrés avant de faire un séjour de recherche d’une année à Paris. Le couple a par la suite choisi le Québec pour y fonder une famille : «À la maison nous parlons le français, et ma fille est une vraie petite Québécoise!» rigole le chercheur.


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