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Le professeur Alain Royer de retour de l'Antarctique

Voyage singulier et mission concluante au bout du monde

Le professeur Royer devant le brise-glace français L'Astrolabe à bord duquel les chercheurs ont affronté des vagues et des creux de 5 à 8 m pendant les 8 jours de traversée.
Le professeur Royer devant le brise-glace français L'Astrolabe à bord duquel les chercheurs ont affronté des vagues et des creux de 5 à 8 m pendant les 8 jours de traversée.

Alain Royer, professeur au Département de géomatique appliquée et chercheur au Centre d'applications et de recherches en télédétection (CARTEL), revient de loin! Il a séjourné deux mois et demi en Antarctique pour prendre part à la deuxième phase du projet de recherche franco-québécois Bipôle visant à développer de nouvelles méthodes pour suivre et analyser l'évolution des impacts du réchauffement climatique sur les pôles au moyen de la télédétection satellite. Si son voyage vers le pôle Sud a été très singulier et parsemé d'anecdotes – il a fallu une vingtaine de jours pour atteindre la base – lui et son collègue Ghislain Picard, de l'Université de Grenoble, qualifient la mission scientifique réalisée là-bas de très concluante.

Une évolution dichotomique

Depuis les 30 dernières années, l'Arctique subit un réchauffement sans précédent, deux fois plus important que le reste du globe. Par contre, en Antarctique, le climat de la partie est du territoire semble rester stable, voire se refroidir, tandis que la partie ouest se réchauffe significativement. Cette évolution dichotomique des climats polaires est encore mal comprise, notamment en raison du manque de données précises sur son état.

Voilà l'objectif ultime du projet Bipôle : mettre au point un algorithme qui permettrait d'améliorer l'analyse des données fournies par les radiomètres micro-ondes (mesure de l'émission thermique de la neige) qui sont utilisés à bord des satellites d'observation de la Terre pour l'étude du climat, et ainsi, calibrer les images satellites pour les régions polaires. L'Institut polaire français Paul Émile Victor – organisme subventionnaire de ce projet franco-québécois – a misé sur l'expertise reconnue du professeur Royer dans le domaine des études de l'eau et de la neige pour relever ce défi d'envergure.

Les radiomètres micro-ondes utilisés sur le terrain sont des répliques miniatures de ceux employés dans les satellites en orbite.
Les radiomètres micro-ondes utilisés sur le terrain sont des répliques miniatures de ceux employés dans les satellites en orbite.

Créer des outils plus précis

Sur des territoires aussi immenses, les satellites demeurent pratiquement le seul moyen de cartographier les paramètres géophysiques des surfaces nécessaires à la compréhension de ces bouleversements climatiques. «À ce jour, la résolution des pixels de ces satellites en activité est très grossière, permettant de cartographier une superficie de 25 km2 par pixel. Par conséquent, la variabilité des données relatives à la température et aux propriétés de la neige à l'intérieur de ce même périmètre, si elle est importante, réduit la fidélité des analyses puisqu'elle affecte les signaux mesurés aux satellites», explique le professeur Alain Royer.

Le radiomètre hautement technologique – d'une valeur d'un demi-million de dollars – apporté sur les pôles dans le cadre de ce projet de recherche est une version miniature de ceux dont sont munis les satellites. En ciblant plusieurs sites de forage, ce dernier a permis de relier précisément les conditions de la neige (température, densité et taille des grains) aux mesures micro-ondes prélevées exactement aux mêmes endroits. Jusqu'à aujourd'hui, ce type de données n'avait jamais été prélevé sur le continent de l'Antarctique et la variabilité observée à l'intérieur d'un même périmètre s'est révélée beaucoup plus importante que l'on ne pensait.

Depuis le début du projet Bipôle, la grande variété des données obtenues sur les deux extrémités du globe est très concluante pour les chercheurs puisqu'elle leur permettra de mettre au point un modèle mathématique encore plus fiable, de façon à prédire dans combien d'années les pôles seront dépourvus de neige.

Concordia, située dans un désert blanc à perte de vue, où la température oscille entre -35 et -45 °C durant l'été austral.
Concordia, située dans un désert blanc à perte de vue, où la température oscille entre -35 et -45 °C durant l'été austral.

Une expérience fabuleuse mais épuisante

Peu d'humains ont l'opportunité de se rendre en Antarctique. Les conditions du voyage n'ont rien d'ordinaire. Dans un récit qu'il a publié sur le site du Cartel, Alain Royer relate ainsi son retour : «On est revenu par le "raid logistique", le convoi terrestre qui alimente la base de Dôme Concordia en carburant et en nourriture, trois fois par été, à partir de Dumond d'Urville sur la côte. Dix jours de traversée en énorme Caterpillar, 500 chevaux sur chenille, 30 tonnes de conteneurs ou cuves de fioul sur ski à tirer, chacun avec son engin, collé les uns derrière les autres. À 10 km/h, on faisait une centaine de kilomètres par jour de conduite entre 8 h et 20 h! (…) En plus, on s'est pris un jour de méchante tempête-blizzard, avec des vents de 100 km/h et une visibilité nulle – un whiteout complet! Ce fut quand même une expérience fabuleuse mais épuisante», raconte-t-il.


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