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Portrait de l’enseignant Jean-François L. Vachon

« Mon but est de réfléchir, avec les étudiantes et les étudiants, au concept de "ville durable" et d’imaginer les collectivités de demain »

Depuis 2014, Jean-François L. Vachon donne le cours Aménagement des collectivités durables à la maîtrise en environnement au Campus principal de Sherbrooke. Cet été, il enseignera aussi au Campus de Longueuil.

Imaginons qu'il répond à nos questions alors que nous prenons un café, à 2 mètres de distance, sur une terrasse au milieu d'une belle « ville durable ».

Quel est votre domaine d’expertise?

Mes domaines d’expertises sont la planification du territoire, l’urbanisme, la participation citoyenne, la gestion municipale et l’immobilier. Après plusieurs années en tant que professionnel dans le milieu municipal, je me suis lancé en affaire et je suis maintenant consultant en urbanisme. J’accompagne des clients de divers milieux dans la planification de leur territoire ou de leur projet.

En lien avec les enjeux actuels en environnement et développement durable, que considérez-vous comme primordial parmi les compétences à développer par les futurs professionnels en environnement?

Il est important que les étudiantes et les étudiants développent l’art de communiquer tout en tenant compte des relations entre les divers intervenants dans le milieu de l’immobilier et de la ville. Le plus souvent, les enjeux sont complexes et les solutions doivent émerger d’un travail collaboratif entre le généraliste (comme la plupart des diplômés du CUFE) et les divers intervenants. À cette fin, il est important qu’un étudiant souhaitant travailler à des solutions impliquant la ville comprenne les bases économiques qui influencent le développement des territoires. Autrement, nous restons dans notre bulle et nous n’arrivons pas à changer les façons de faire.

« En ces temps de crise, il serait facile de tourner le dos à la communauté et à l’urbanisation pour s’isoler des autres, mais pour combien de temps? Et surtout, pour aller vers quoi? J’invite les étudiants et les étudiantes à rester ouverts et sensibles aux autres et au monde dans lequel on vit. Nous partageons tous la même planète et les enjeux à venir nécessiteront une mobilisation des communautés pour y répondre. »

Que souhaitez-vous transmettre à vos étudiants?

Mon but est de réfléchir, avec les étudiantes et les étudiants, sur le concept de « ville durable ». Les villes d’aujourd’hui doivent s’adapter aux réalités spécifiques de chacun des territoires qu’elles occupent.  Ceci, tout en conservant un objectif à long terme de protection de l’environnement et d’émancipation de leurs communautés. Mon enseignement est fondé sur cet échange avec les étudiantes et les étudiants. Le CUFE accueille des personnes de partout dans le monde, ce qui enrichit la réflexion et le débat. Chacun a son histoire, une ville ou un village où il a grandi, des voyages où il a vu des façons de faire différentes. Ensemble, nous travaillons à imaginer les villes de demain.

Une lecture ou un documentaire que vous jugez incontournable à la compréhension des défis actuels en environnement?

Mes deux références sont des livres d’une autre époque! Combinés ensemble, ils permettent une bonne compréhension de la relation entre le territoire et l’humain. Je recommande donc la lecture du livre Déclin et survie des grandes villes américaines (The Death and Life of Great American Cities) par Jane Jacobs, 1961, combinée au livre Almanach d'un comté des sables (A Sand County Almanac) par Aldo Leopold, 1949.

Ces deux livres mettent en perspective les relations ville-nature, ville-campagne et tourisme-nature. Les idées avancées dans ces ouvrages permettent de saisir pourquoi la « ville » reste la meilleure solution à la crise écologique. Et ce, même en 2020, en temps de pandémie!

Quelle est votre formation et quel est votre parcours professionnel?

J’ai un baccalauréat en sciences de l’environnement et une maîtrise en urbanisme. Depuis 15 ans, je pratique en environnement et en urbanisme auprès de municipalités canadiennes et à l’étranger.

De 2010 à 2017, j’ai occupé le poste de directeur de l’urbanisme, de la planification et du développement durable à la Ville de Bromont. Principalement, je coordonnais les projets de développement de la municipalité. Durant mon mandat, j’ai piloté les démarches participatives auprès des citoyens de la municipalité avec l’approche innovante du « form-based planning ». De ces démarches ont découlé le plan de développement durable ainsi que la révision du plan d’urbanisme et de sa réglementation.

Depuis mai 2017, j’ai décidé d’offrir mes services en tant que consultant et de contribuer aux projets qui me tiennent à cœur. Ceci me permet de donner plus de temps à l’enseignement et de collaborer auprès de plusieurs entreprises et firmes de divers domaines : économie, ingénierie, design, consultation publique et droit.

Lorsque Jean-François n'enseigne pas, il a besoin de faire du sport de manière fréquente pour se changer les idées: course à pied, entraînements divers, yoga et ski de fond l’hiver. Autrement, il essaie d’équilibrer sa vie sociale avec sa famille et ses amis. La musique, les balados et les livres font également partie de son quotidien.

Comment le goût d’enseigner est-il arrivé dans votre parcours?

En 2014, le CUFE cherchait un urbaniste pour monter un cours sur l’aménagement des municipalités. Je travaillais à l’époque dans le milieu municipal et je ressentais le besoin de partager avec les étudiants mon expérience sur le terrain et de les préparer au marché du travail, mais aussi, aux réalités de l’immobilier et de l’urbanisme.

Avez-vous une réalisation personnelle ou professionnelle dont vous êtes particulièrement fier?

Entre 2010 et 2017, j’ai eu la chance de réfléchir en collaboration avec les citoyens de Bromont et d’imaginer le futur de la ville. Cette démarche a débuté par un grand chantier de participation citoyenne et un plan de développement durable, suivis d’une révision du plan d’urbanisme et de la réglementation pour une ville plus durable. Ce fut une très belle expérience humaine et professionnelle avec un volet environnemental, économique et, avant tout, citoyen!

Autre chose que vous aimeriez partager avec nos lecteurs et lectrices?

Dans cette période difficile de confinement en temps de pandémie, j’ai plusieurs réflexions sur la ville, sur le futur de l’espace public, sur le marché immobilier et sur l’économie. Ce que nous vivons actuellement changera nos manières d’échanger et de communiquer; les conséquences économiques seront majeures. En même temps, cette crise permet de mettre en évidence les inégalités et les enjeux environnementaux que nous avons créés dans nos villes.

La crise met en lumière les enjeux qui entourent la question du logement… et aussi elle permet de mieux comprendre la solitude comme une réalité découlant de nos choix de société. Elle démontre également qu’une société peut investir en temps de crise pour amoindrir, voire éviter, les catastrophes humaines et les drames. J’espère que nous aurons l’opportunité comme collectivité de reconnaître qu’il y a une limite à faire des nécessités de base un bien « négociable » et que nous travaillerons ensemble à réorienter l’urbanisation en fonction d’un partage plus équitable des ressources, le territoire et la biodiversité étant au cœur de cette problématique.

Selon moi, la ville reste le meilleur habitat actuel de l’Homo sapiens pour réduire son empreinte écologique et trouver ENSEMBLE les solutions aux problèmes de demain. Cette citation de la conclusion du livre de Jane Jacobs illustre bien ma pensée : « Does anyone suppose that, in real life, answers to any of the great questions that worry us today are going to come out of homogeneous settlements? Dull, inert cities, it is true, do contain the seeds of their own destruction and little else. But lively, diverse, intense cities contain the seeds of their own regeneration, with energy enough to carry over for problems and needs outside themselves ».

(NDLR, traduction libre : Est-il réaliste de supposer que l’humanité va répondre à ses besoins essentiels en créant des collectivités homogènes? Ces villes ennuyeuses, sans vitalité, portent les semences de leur anéantissement. Mais les villes animées, denses et habitées par la diversité portent les semences de leur pérennité, avec suffisamment de force pour supporter les difficultés et les contraintes, et même, s’en libérer.)

« Après la crise causée par la COVID-19, je souhaite que toutes les expertises et domaines travaillent ensemble à construire un monde plus équitable et écologique en commençant par l'habitat de notre société, territoire de nos échanges, la ville durable.