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Colloque La finance responsable, une perspective multidimensionnelle

3 commandements pour investir dans l’avenir

Corruption, clause shotgun, requins… Pour beaucoup, finance rime avec agressivité et irresponsabilité. Mais plusieurs spécialistes des finances s’interrogent : veulent-ils vraiment générer des profits à n’importe quel prix? Comme individus mais aussi comme professionnels, ils adhèrent à la finance responsable. Ils sont décidés à changer les choses, de l’intérieur, pour vos enfants… et aussi les leurs.

Voici les 3 commandements qu’ils suivent.

Les facteurs ESG tu respecteras

L’investissement responsable dépasse – et de loin – le rendement financier et les perspectives de croissance d’une entreprise. Il est lié aux facteurs ESG : environnement, société et gouvernance. Bases de la finance responsable, les facteurs ESG constituent des critères d’évaluation supplémentaires auxquels s’attarder avant d’engager son argent dans une entreprise.

Des exemples de réalités évaluées pour chaque facteur?
Les facteurs environnementaux se penchent sur l’empreinte que laisse une entreprise sur la planète. Ils incluent la consommation de matières premières d'une production – y compris l’eau – ou la pollution qu'elle engendre, comme les gaz à effet de serre.
Les facteurs sociaux sont liés aux facteurs humains, au sein même de l’entreprise mais aussi à l’extérieur. Ils englobent les conditions de travail ou les répercussions d’une entreprise sur la collectivité, notamment sur les communautés autochtones.
Les facteurs de gouvernance considèrent la gestion. Ils regroupent les associations politiques qu’entretient une entreprise, les salaires de ses cadres, ses mesures anticorruptions ou la diversité de son conseil d’administration.

Loin d’être statiques, les facteurs ESG s’adaptent à l’évolution des connaissances et aux particularités d’une communauté et d’une situation. Peu à peu, ces facteurs qu’évaluent de plus en plus d’investisseurs exercent une certaine pression sur les entreprises… Ils deviennent autant d’arguments en faveur d’entreprises, ou « personnes morales », qui agissent comme acteurs de changement. Et chaque argument en ce sens est précieux.

Une personne morale, c’est une marionnette et nous n’avons pas accès aux marionnettistes…

Professeur Christian Gollier, Toulouse School of Economics

L’argent se transforme donc en levier. Mais, du point de vue financier, la responsabilité pose le défi des horizons.

Le défi des horizons consiste à rapprocher les considérations à court terme de celles à long terme.

Laurent Da Silva, Fonds de solidarité FTQ

En d’autres mots, la finance cherche encore le moyen d’évaluer la réelle valeur des services et des produits lorsqu’il est question, notamment, de l’utilisation des ressources. Difficile, en effet, d’estimer ce que vaut une forêt : la réponse dépend de l’œil qui la regarde… Celui d’un biologiste? d’une entreprise d’exploitation forestière? d’un gouvernement? d’une famille?

Les facteurs ESG constituent donc des pistes pour qui souhaite miser sur des entreprises capables de scruter leurs actions avec une loupe plus large que celle des profits directs.

La connaissance tu privilégieras

Photo : UdeS

Dans l’industrie de la finance responsable, le ou la spécialiste voit sa rémunération fluctuer non en fonction de la performance financière stricte de ses décisions, mais en fonction de sa capacité à intégrer les facteurs ESG à son analyse. Ce qui est bon pour tout le monde est aussi bon pour l’investisseur responsable.

De plus, chaque spécialiste gagne à partager ses connaissances, par sa pratique ou son discours.

Par exemple, certains acteurs du milieu des affaires seraient peut-être surpris d’apprendre que l’intégration des facteurs EGS dans les décisions d’investissement agit comme une police d’assurance. À rendement égal entre deux fonds choisis, la recherche tend à démontrer que le risque est mieux contrôlé chez celui répondant aux facteurs ESG.

Inclure les facteurs ESG ne coûte rien, mais les ignorer peut coûter cher, selon plusieurs spécialistes.

Les changements tu provoqueras

Appliquer les facteurs ESG est une première étape pour qui s’intéresse à la finance responsable. Mais c’est loin d’être la dernière. Pour provoquer des changements, d’autres stratégies existent :

  • Travailler avec les entreprises ciblées par les investissements de façon à les faire progresser relativement à différents enjeux;
  • Exercer son droit de vote lors des assemblées d’actionnaires, stratégie appelée « engagement actionnarial »;
  • Investir dans les entreprises et les fonds qui vont au-delà des facteurs ESG et génèrent des retombées tangibles sur les plans sociaux et environnementaux, ou « investissement à impact ».

Face au défi des changements climatiques, le monde financier est de plus en plus sollicité. Des voix proposent, comme stratégie proactive, le désinvestissement massif des énergies fossiles – pour ainsi éveiller l’opinion publique. L’intention est louable, mais déployer une stratégie diversifiée favoriserait une transition socio-économique plus douce et plus efficace vers une économie faible en carbone.

Jean-Pierre Perreault, vice-recteur à la recherche et aux études supérieures, a lancé le colloque La finance responsable, une perspective multidimensionnelle, le 23 mai 2019.
Jean-Pierre Perreault, vice-recteur à la recherche et aux études supérieures, a lancé le colloque La finance responsable, une perspective multidimensionnelle, le 23 mai 2019.

Photo : UdeS

Les possibilités sont nombreuses – mesure de l’impact carbone, dialogue actionnarial, accompagnement des entreprises et, oui, dans certains cas, désinvestissement. Une stratégie diversifiée a aussi l’avantage d’être plus globale, c’est-à-dire qu’elle traite le problème comme ce qu’il est : une réalité complexe, touchant tous les individus… mais aussi toutes les entreprises, pas seulement celles exploitant les énergies fossiles.

D'ailleurs, investir de façon responsable, c’est aussi considérer la finance comme une réalité humaine, mise en œuvre par des personnes qui ont des familles, des amis, des peurs et… des rêves. C’est une décision éthique, qui rêve de raviver la confiance de la population envers le domaine financier. Mais une confiance justifiée, méritée.

Pour beaucoup, l’argent est le nerf de la guerre : à nous de le transformer en nerf de la paix.

Sophie Brochu, Énergir

Les 23 et 24 mai 2019, les professeurs Claudia Champagne, Frank Coggins et Lyne Latulippe de l’École de la gestion de l’Université de Sherbrooke tenaient le colloque La finance responsable, une perspective multidimensionnelle. L’événement a rassemblé quelque 170 personnes – scientifiques de disciplines variées et intervenants des milieux de la pratique (gestionnaires de portefeuilles, grands investisseurs, entreprises, agences de règlementation).


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