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Le professeur David Poulin contribue à une publication dans Physical Review Letters

Simuler la nature sans l'imiter

David Poulin est professeur au Département de physique de la Faculté des sciences et membre de l'Institut quantique.
David Poulin est professeur au Département de physique de la Faculté des sciences et membre de l'Institut quantique.

Photo : UdeS - Karine Couillard

Si certains philosophes se sont jadis questionnés sur l’état de l’être humain avant l’apparition de la société, la physicienne ou le physicien s’interroge parfois sur l’état fondamental d’un matériau. À quoi ressemblerait le matériau s’il était dans un état de repos absolu, son état de plus basse énergie? Cette question est particulièrement pertinente pour comprendre certains matériaux ou molécules dont les propriétés exotiques ne se dévoilent qu’à basse température. «Utiliser un ordinateur quantique pour simuler la dynamique d’un matériau, d’un système, mesurer son évolution, son comportement, c’est un processus connu et maîtrisé. Par contre, placer l’objet de l’étude dans ses conditions initiales de repos absolu, c’est tout un défi», explique le professeur David Poulin.

La formidable capacité de calcul estimée pour l’ordinateur quantique permet d’envisager de nombreuses percées dans des domaines comme la recherche de médicaments, les transports et la finance. En physique, dans la recherche de nouveaux matériaux, l’une des tâches que l’on souhaite confier à l’ordinateur quantique est la simulation du comportement de matériaux à basse température, donc à partir de l’état fondamental.

Ce que le Pr Poulin et ses co-auteurs, dont le très réputé Pr Alexei Y. Kitaev du Institute for Quantum Information and Matter (IQIM) au California Institute for Technology, ont exploré comme idée c’est que, pour des fins de recherche, il est peut-être plus porteur d’essayer de simuler mathématiquement l’état fondamental plutôt que de suivre le même parcours que la nature.

Le Pr Poulin explique. «Tout ce qui a été testé auparavant consiste à reproduire de façon algorithmique la nature. Par exemple, comment fait-on refroidir un matériau dans le laboratoire? Il suffit de le mettre en contact avec quelque chose de froid, de l’hélium liquide par exemple, et la dynamique du système l’amènera naturellement à se refroidir. Dans une simulation quantique, il est possible d’imiter cette dynamique d’un système couplé à un réservoir froid, ce qui nous permet en principe de le préparer dans son état de repos absolu. Cette simulation est toutefois très lente et couteuse, ce qui pose un obstacle majeur à ce type d’application.» La découverte du Pr Poulin et de ses co-auteurs est un algorithme qui permet de préparer l’état fondamental d’un système sans toutefois imiter un processus de refroidissement. La méthode utilise plutôt une astuce mathématique beaucoup plus efficace pour effectuer le même travail. «Ce qui distingue notre approche est qu’elle repose sur un processus qui ne se produit pas dans la nature. C’est une sorte de raccourci algorithmique qui nous permet de simuler la nature sans l’imiter.»

Ce que les chercheurs ont exposé dans ce texte constitue une innovation, il ne serait pas impensable d’adapter la même idée pour déborder du cadre de l’étude des matériaux, pour, par exemple faire l’étude de molécules complexes, ou des expériences en cours dans le grand collisionneur du CERN (Conseil européen pour la recherche nucléaire).


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