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Des influences culturelles provenant de la Corée du Sud

Fans féminines québécoises de K-pop

Paola Varutti, diplômée de la maîtrise en communication à l’Université de Sherbrooke.
Paola Varutti, diplômée de la maîtrise en communication à l’Université de Sherbrooke.

Photo : fournie

Février 2018 : les caméras du monde entier sont rivées sur PyeongChang, en Corée du Sud. Les athlètes font leur arrivée dans le stade. Les XXIIIe Jeux olympiques d’hiver sont officiellement lancés. La foule est animée. L’ambiance est festive. La musique coréenne est évidemment à l’honneur. Et qui dit musique coréenne dit nécessairement K-pop!

Ailleurs dans le monde, la K-pop s’intègre de plus en plus dans le quotidien des mélomanes et le Québec n’y échappe pas. Pour mieux comprendre cet engouement nouveau, particulièrement chez les jeunes femmes québécoises, nous nous entretenons avec Paola Varutti, diplômée de la maîtrise en communication à l’Université de Sherbrooke, dont le mémoire Fans féminines québécoises de K-pop : une analyse qualitative du microphénomène se penche sur le sujet.

K-pop : mise en contexte

Pouvez-vous nous expliquer brièvement ce qu’est la K-pop et son origine?
La K-pop est un style musical populaire en provenance de la Corée du Sud, le K représenterait le terme anglais Korean et pop pour le terme anglais popular, en référence à la musique populaire. C’est avec l’émergence du groupe Seo Taji and the Boys dans les années 1980 que la musique populaire coréenne intègre de nouvelles sonorités étrangères telles que le rap et le hip-hop. De plus, la présence de la danse lors des représentations innove le genre, provoquant l’arrivée de la K-pop dans l’industrie musicale du pays.

Comment s’explique le caractère hybride de la K-pop?
Selon John Lie (2012), l’occupation japonaise aurait habitué les Coréens à la musique étrangère et ce serait après la libération de la Corée du Sud par les Américains en 1945 que l’intégration de la musique populaire occidentale telle que le jazz, le blues, mais aussi la pop, serait devenue définitive. Il est nécessaire de préciser que l’infiltration de la culture populaire occidentale aurait donné lieu à de nombreuses formes et pratiques culturelles mixtes. Ainsi, la K-pop pourrait être une conséquence de ce mélange de la musique coréenne et étatsunienne, lui conférant son caractère hybride.

Groupe BTS
Groupe BTS

Photo : Allkpop.com

Quels sont les thèmes principalement abordés dans la K-pop?
Le sujet le plus fréquent dans la K-pop est celui de l’amour, innocent ou à sens unique. Le thème est en général très simple et peut parfois exprimer la supériorité féminine (ex : 2ne1), mais cela tend à changer. Avec la popularité du rap en Corée du Sud, les thèmes deviennent plus sérieux et se concentrent sur les problèmes de la société. (ex : émission Show me the Money).

Comment expliquez-vous le succès de la K-pop?
Je considère que la K-pop doit son succès à plusieurs facteurs :

  1. Son caractère hybride qui permet aux occidentaux de se reconnaitre dans la musique.
  2. Le visuel des vidéoclips, extrêmement travaillé, l’esthétisme du beau à son paroxysme, avec des chorégraphies millimétrées et des artistes à la plastique avantageuse.
  3. L’utilisation des réseaux sociaux, dont YouTube et Twitter, qui démocratise l’accès à la K-pop et permet de la diffuser gratuitement.
  4. Et une stratégie commerciale très bien rodée comprenant l’entrainement des idoles de K-pop (en danse, chant et comportement) et la capacité des entreprises de divertissement à identifier les aspects attrayants auprès des consommatrices étrangères en portant une oreille attentive à leurs attentes.

L’engouement pour la K-pop au Québec et ailleurs

Comment est apparu l’engouement pour la K-pop au Québec?
Sur la base de mes résultats, l’engouement viendrait d’un intérêt pour la culture asiatique, la plupart des fans se disaient déjà fans de mangas et du Japon avant de découvrir la K-pop. D’autres sont devenues fans simplement après avoir navigué dans les suggestions de la plateforme YouTube ou parce que quelqu’un leur a fait écouter de la K-pop.

Comment expliquez-vous ce phénomène socioculturel?
Ce phénomène s’appelle le Hallyu ou Korean Wave ou vague coréenne et va beaucoup plus loin que le fameux buzz de Psy, « Gangnam Style ». L’engouement pour ce style musical fait qu’une majorité des fans de K-pop vont vouloir apprendre le coréen (cela a été déjà remarqué en France au sein de l’INALCO et au Canada), jusqu’à voyager en Corée du Sud, voire y vivre pour une durée indéterminée. Cette vague fonctionne comme un réel soft power et offre une image plus attirante de la Corée du Sud à l’étranger.

Ainsi, au fur et à mesure que les fans s’investissent dans la K-pop, elles se passionnent aussi pour la culture sud-coréenne, qui leur est accessible sur internet, dont les fameux dramas, qui fournissent une vitrine souvent très positive de la société sud-coréenne, à travers les habits traditionnels, les bâtiments historiques, la nourriture, le style de vie et même les valeurs comme le travail et celles associées à la famille.

Groupe Twice
Groupe Twice

Photo : CBC.ca

Comment les jeunes femmes québécoises s’approprient-elles la culture sud-coréenne? Quelle est l’influence de la K-pop dans leur vie au quotidien?
Comme je le mentionne dans mon mémoire, elles vont apprendre le coréen, manger coréen, certaines se disent plus ouvertes d’esprit, s’inspirant de plusieurs valeurs sud-coréennes et voulant devenir de meilleures personnes à travers leur passion pour la K-pop. Dans ce sens, le hallyu ou vague coréenne déteindrait sur les façons de penser, de parler et de se comporter des fans québécoises.

Combien y a-t-il de fans de K-pop au Québec? Et ailleurs dans le monde?
Plus qu’on ne veut bien le reconnaitre. Il y a des fans partout. Nous pourrions évaluer, à ce jour, l’existence de plus d’un millier de fans québécois. En Amérique du Sud, c’est la folie (voir les conventions de K-pop au Mexique, ça va même jusqu’à Cuba). Il y a des fans dans plusieurs pays du continent africain comme à Djibouti, on en retrouve au Moyen-Orient (en Iran par exemple) et en Europe (notamment en France, Angleterre, Finlande). C’est surprenant de voir que l’engouement est mondial, à croire que la K-pop est porteur d’un message universel. Brais-Dussault (2015) explique d’ailleurs que la force d’attraction de la Corée du Sud réside dans l’universalité de ses valeurs et dans la possibilité de s’y identifier à travers les codes sociaux et les habitudes de vie.

K-pop : un sujet de recherche

Comment vous est venu l’intérêt de réaliser un mémoire de maîtrise en communication sur la K-pop?
Je suis fan de K-pop depuis 2006 et c’est en faisant un premier travail de recherche sur la culture asiatique que j’ai constaté le manque de connaissances dans le domaine scientifique francophone au sujet de la K-pop, voire de la culture coréenne. Ainsi, j’ai pensé allier intérêt personnel avec mon intérêt scientifique.

Quelle méthodologie avez-vous utilisée? Quel angle souhaitiez-vous donner à votre mémoire? Que vouliez-vous tenter de démontrer?
J’ai choisi une méthodologie qualitative et j’ai procédé à des entretiens individuels semi-dirigés en m’inspirant de la technique d’entretien compréhensif de Kauffmann (1996). Je voulais montrer que cet engouement pour la K-pop n’était pas éphémère et qu’au contraire, cela avait des conséquences positives sur les fans. Mais surtout, je voulais prouver que les fans ne sont pas des êtres passives et que les fans de K-pop sont extrêmement actives au sein de leurs communautés (exemple de BTS au American Music Awards ou au Billboard Awards) et ainsi mettre en avant la notion de convergence culturelle de Jenkins (2006).

Brièvement, quelles sont les principales conclusions de vos recherches sur le sujet?
Je découvre que l’appréciation de la K-pop engendre un intérêt pour la culture sud-coréenne et a pour conséquence plusieurs formes d’appropriation culturelle — l’apprentissage de la langue, l’intérêt pour les produits de divertissements culturels, la connaissance des us et coutumes et le goût pour la cuisine coréenne — qui contribuent à la construction identitaire des admiratrices de K-pop. En effet, je révèle que mes interlocutrices intègrent de nouveaux critères de beauté, s’inspirent des valeurs confucéennes coréennes, deviennent plus tolérantes aux différences culturelles et modifient parfois leurs perspectives d’avenir avec le désir de voyager en Corée du Sud.

Paola Varutti en bref

Formation : 
Baccalauréat en communication, Université Catholique de l'Ouest à Angers, France
Maîtrise en communication, Université de Sherbrooke, Québec

Domaine d’études :

Les fans studies et la culture coréenne

Objectifs professionnels :

Travailler dans l’intégration des immigrants au Canada

Fan de K-pop depuis 2006


Quelques suggestions :

Artistes :
BTS, BigBang, Mamamoo, BlackPink, Twice.

Sites Internet (en anglais) :
AllKpop.com et Soompi.com

Groupes Facebook pour les adeptes de K-pop au Québec :
K-Popers du Québec, Club de coréen de Québec et KPOP FAN QUÉBEC/MONTRÉAL.

Devenir fan de K-pop, mode d’emploi :
« Il existe certains paramètres qui peuvent amener une personne à aimer la K-pop, notamment être ouvert d’esprit, suffisamment curieux, apprécier la culture asiatique et surtout avoir accès à Internet. Pour bien s’initier, il faut écouter plusieurs fois la chanson, car beaucoup diront qu’ils ne comprennent pas, mais c’est un peu comme écouter une chanson en anglais sans comprendre l’anglais. Il faut savoir apprécier la musique, la chorégraphie et le visuel du clip. Il faut avoir une oreille bienveillante pour apprécier la K-pop ».



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