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La biologie moléculaire à la rescousse de l’infertilité

Le Pr Nicolas Gévry et Mme Stéphanie Bianco, professionnelle de recherche.
Le Pr Nicolas Gévry et Mme Stéphanie Bianco, professionnelle de recherche.
Photo : Michel Caron

L’infertilité touche de plus en plus de couples, et reste malgré tout difficile à étudier en raison de sa complexité. Récemment, une équipe de chercheurs de l’Université de Sherbrooke a scruté le cycle reproducteur féminin à l’aide de techniques de biologie moléculaire et croit avoir découvert une nouvelle cible thérapeutique : le récepteur nucléaire LRH-1.

L’infertilité : un problème important

Pour plusieurs, la conception reste malheureusement un défi. L’infertilité est un obstacle qui touche un couple sur six, deux fois plus que dans les années 1980. Les causes du phénomène sont multiples, et peuvent venir autant de l’homme que de la femme. Certaines, comme des traitements contre le cancer (chimiothérapie, radiothérapie ou chirurgie), des maladies chroniques (comme le diabète) et leur traitement, certaines ITS (comme la chlamydia), le tabagisme, l’alcool ou le poids, touchent autant les deux sexes. Toutefois, d’autres facteurs, en lien avec les gamètes et l’appareil reproducteur, touchent spécifiquement les hommes ou les femmes.

D’un point de vue biologique, le rôle de l’homme se résume à la production de spermatozoïdes. Celui de la femme, en revanche, inclut la production d’ovules et le maintien de l’embryon. La fonction reproductrice de la femme est par conséquent beaucoup plus complexe. C’est pourquoi les chercheurs étudiant la fertilité se penchent particulièrement sur le cycle féminin.

Le cycle reproducteur féminin

Le cycle reproducteur féminin est séparé en deux phases. La première phase, dite folliculaire, dure de la menstruation à l’ovulation. Lors de cette phase, les cellules du follicule ovarien, constitué d’un amas de cellules entourant l’ovocyte, qui deviendra plus tard l’ovule, se reproduisent rapidement.

Par la suite, l’hypothalamus, une partie du cerveau aussi responsable de la régulation de la température corporelle, de la faim, de la soif et de la fatigue, libère une hormone : l’hormone lutéïnisante (LH). Cette hormone va agir sur le follicule ovarien et déclencher la libération de l’ovule. On assiste alors à l’ovulation.

La femme entre alors dans la deuxième phase, dite lutéale, qui dure de l’ovulation aux menstruations. Lors de cette phase, l’ovule est accessible à la fécondation par un spermatozoïde. Pendant ce temps, le follicule ovarien va se transformer en corps jaune, qui aura comme rôle de produire de la progestérone pour préparer l’utérus à recevoir un embryon.

La biologie moléculaire à la rescousse

Un adulte compte environ 40 000 milliards de cellules qui communiquent et se coordonnent de façon très stricte, de manière à former des tissus, qui eux forment des organes, puis des systèmes, puis un organisme. La plupart des cellules sont différentiées, c’est-à-dire qu’elles sont spécialisées pour jouer un rôle précis. Les processus internes des cellules différentiées sont bien définis, en fonction de leur rôle. La différentiation est un processus très complexe qui implique jusqu’à une reprogrammation génétique des cellules, entre autres par un changement dans l’enroulement de l’ADN. En effet, l’ADN est tellement long, et doit entrer dans un volume tellement petit (3 mètres de long d’ADN dans une cellule de quelques millionièmes de mètre) qu’il doit être enroulé sur lui-même, et n’est seulement déroulé que par petites sections pour être exprimé.

Les membres de l’équipe du professeur Nicolas Gévry, du Département de biologie de l’Université de Sherbrooke, se sont penchés sur la différentiation des cellules du follicule ovarien suite à l’action de la LH. Pour ce faire, ils ont utilisé une technique permettant d’observer quelles parties de l’ADN sont accessibles pour être exprimées par la machinerie cellulaire. En observant leurs résultats, ils se sont rendu compte qu’une séquence d’ADN en particulier sortait du lot. Cette séquence était réputée pour être reconnue par LRH-1, une protéine faisant partie des récepteurs nucléaires, qui influencent l’expression des gènes auxquels ils se lient. De plus, il avait été démontré précédemment par un des co-auteurs de cette étude que LRH-1 était cruciale à l’ovulation. Par la suite, l’équipe du Pr Gévry a dirigé une expérience permettant d’observer l’ADN lié à LRH-1, menant à une véritable carte de l’expression génétique de l’ovulation, ce qui n’avait jamais été réalisé auparavant.

Le plus intéressant est que, connaissant maintenant le rôle de LRH-1, il sera possible de concevoir des molécules pouvant interférer avec cette dernière, dans un but de contraception ou de traitement de l’infertilité. Pour poursuivre les recherches pendant cinq années supplémentaires, 940 000 $ ont été versés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) aux professeurs Nicolas Gévry, de l’Université de Sherbrooke, Bruce Murphy de l’Université de Montréal, et avec la collaboration de David Pépin de l’Université d’Harvard, donnant le coup d’envoi à un partenariat international et multidisciplinaire alliant la médecine, la biologie et la bio-informatique. Les recherches ainsi financées devraient mener à une meilleure compréhension de l’ovulation et, par conséquent, ouvrir la voie à de nouveaux traitements de fécondité.


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