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Journée « le 12 août, j’achète un livre québécois »

La littérature d’ici a la cote

Les libraires font la part belle aux ouvrages québécois à l'approche du 12 août. Ici, la section préparée à cet effet par la Coopérative de l'UdeS.
Les libraires font la part belle aux ouvrages québécois à l'approche du 12 août. Ici, la section préparée à cet effet par la Coopérative de l'UdeS.
Photo : Michel Caron

La journée « le 12 août, j’achète un livre québécois » en sera cette année à sa cinquième édition. À l’origine lancée simplement sur les médias sociaux par les auteurs québécois Patrice Cazeault et Amélie Dubé, l’initiative visant à stimuler de manière positive l’achat de livres d’auteurs québécois à une date déterminée dans l’année est désormais prisée des libraires.

Est-il toujours pertinent de tenir une telle journée? Provoque-t-elle un réel engouement pour la littérature d’ici? De manière plus générale, comment se porte le milieu du livre québécois? Entretien avec le professeur Anthony Glinoer, du Département des lettres et communications de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’UdeS, également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’histoire de l’édition et la sociologie du littéraire, ainsi que chercheur au Groupe de recherches et d'études sur le livre au Québec (GRÉLQ) .

Un soutien fort pour la littérature locale

Le professeur Anthony Glinoer
Le professeur Anthony Glinoer
Photo : Martin Blache

L’engouement du public en 2014 pour la toute première édition de la journée du 12 août a créé une véritable surprise dans les librairies du Québec, généralement habituées en été à une période commerciale plutôt creuse, rappelle le professeur Glinoer. Ce dernier ajoute que l’intérêt du public pour la littérature québécoise dans le cadre de cette journée dédiée ne semble pas s’essouffler, puisque l’an passé, les ventes y étaient toujours quatre fois plus élevées qu’à l’habitude. Entre les rentrées littéraires d’automne et d’hiver ainsi que les salons et autres foires du livre, cette journée mettant à l’avant plan la littérature d’ici en cette période estivale plutôt tranquille est sans conteste un bon coup, selon le spécialiste. Il souligne par ailleurs qu’il est intéressant qu’une telle initiative provienne des auteurs eux-mêmes, et non pas des institutions; un phénomène plutôt rare, qui montre l’ampleur de l’efficacité des médias sociaux.

Le désir de soutenir la littérature locale est particulièrement fort au Québec, par rapport à d’autres provinces ou d’autres pays. Ceci peut s’expliquer par une volonté affirmée dès la Révolution tranquille de soutenir de manière efficace le monde de la création et de l’édition, par l’octroi de subventions, ainsi que par l’adoption de la loi 51, qui oblige notamment les bibliothèques à acheter leurs livres chez des libraires locaux.

Communément appelée « Loi du livre », la Loi 51 protège depuis 1981 la chaîne du livre au Québec en exigeant des acheteurs institutionnels qu’ils se procurent tous leurs livres, à l'exception des  manuels scolaires, dans des librairies agréées locales.

Le monde de l’édition au Québec bénéficie, plus que partout ailleurs, d’un système fort quoique toujours fragile de subventions publiques. À ce propos, le professeur Glinoer précise que ce soutien à l’édition n’est toutefois pas dépendant du nombre d’exemplaires vendus, mais bien du nombre de titres publiés. C’est un des facteurs qui expliquent selon lui la grande vitalité de la littérature québécoise en dépit d’un marché plutôt restreint de quelques millions de lectrices et lecteurs potentiels.

On assiste aussi depuis quelques années à une évolution du monde de l’édition, avec l’émergence de nombreuses petites maisons d’édition, très dynamiques. Le professeur Glinoer souligne en outre la très forte croissance au Québec du phénomène de l’autoédition, dont on parle peu.

Il y a beaucoup plus d’auteurs que d’éditeurs, ce qui crée une offre insatisfaite. Cette offre rencontre aujourd’hui la facilité technique de mettre en page et de faire imprimer les livres. L’autoédition concerne surtout le livre électronique ou de faibles tirages imprimés.

Un engouement bien réel pour les ouvrages d’ici

Bien que ce soit un défi que d’exister entre les géants français et américains, le marché du livre québécois tire bien son épingle du jeu et demeure relativement stable. Le créneau du livre jeunesse québécois connaît même une poussée significative.

On achète beaucoup de livres québécois, indique Anthony Glinoer. Environ 40 % des ventes de littérature dans les librairies concernent la littérature québécoise, ce qui représente une importante part de marché.

Un constat que partage David Lessard-Gagnon, libraire à la Coopérative de l’UdeS :

Il y a une belle sensibilité en général pour ce qui se fait ici. Les gens ont une réelle conscience culturelle au Québec, sans doute en raison de leur histoire.

Les librairies accordent d’ailleurs une place de choix aux livres québécois sur leurs tablettes. La littérature locale, que l’on prend soin de distinguer de la littérature étrangère, y est toujours mise de l’avant. Pour M. Lessard-Gagnon, cela s’explique par le fait que les libraires sont passionnés et près des auteurs d’ici, qu’ils ont l’occasion de rencontrer et de côtoyer.

Si les puristes se désoleront de constater que ce sont parfois les livres de cuisine et autres guides de l’auto qui trônent en tête des palmarès des ventes au Québec, Anthony Glinoer rappelle que cette réalité n’est pas nouvelle, et que déjà au 17e siècle, les ouvrages de référence pratiques tels les almanachs (où l’on pouvait lire des recettes de cuisine, des conseils de potager, des jeux, etc.) se retrouvaient dans les bibliothèques personnelles.

C’est un marché qui a sa place. Ces livres demeurent souvent des références à la maison : on en fait grand usage même si la concurrence de l’Internet est forte.


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