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Observer le mouvement des molécules grâce à des lasers ultrarapides

Professeur André Bandrauk
Professeur André Bandrauk
Photo : Michel Caron

Dans le monde de la science, on comprend souvent les phénomènes avant de pouvoir vraiment les observer. Les théoriciens postulent et calculent et les expérimentateurs valident. Ainsi, les chimistes savent depuis près d’une centaine d’années que ce sont les électrons qui sont responsables des propriétés chimiques de l’atome et des liaisons entre les différents atomes d’une molécule. Or, pour la première fois, une équipe de scientifiques chinois, conseillée par Pr André Bandrauk du Département de chimie de l’Université de Sherbrooke, a pu observer la vibration  des protons  à l’intérieur de molécules d’hydrogène à l’échelle attoseconde (10-18 secondes), une échelle plus rapide que le mouvement normal atomique à l’échelle femtoseconde (10-15 secondes). Les résultats de cette expérimentation ont été publiés dans la revue Nature Communications le 16 mars 2018.

Vibration moléculaire

C’est grâce des lasers ultrarapides que l’équipe de recherche a pu faire cette fascinante observation. D’abord, les chercheurs ont utilisé deux molécules d’hydrogène, une dans sa forme la plus courante, H2, dont chaque noyau est composé d’un proton et l’autre dans une forme isotopique extrêmement rare en nature, le deutérium, D2, dont chaque noyau est composé d’un proton et d’un neutron. Lorsque les atomes s’assemblent en molécules, ces dernières ne sont pas fixes sous l’influence de la lumière, c’est-à-dire que les noyaux des atomes qui les composent « vibrent » en s’éloignant et en se  rapprochant les uns des autres. C’est ce mouvement de vibration que les chercheurs ont pu observer et interpréter à l’échelle attoseconde grâce à des modèles quantiques.

Électrons voyageurs, émetteurs de photons

En isolant les molécules d’hydrogène H2  et de deutérium D2 on les soumet à une pulsation laser ultrarapide, ce qui a pour effet d’exciter un électron et de l’éloigner de son noyau pour une infime quantité de temps. Lorsque l’électron contrôlé par le champ électrique de l’impulsion laser revient dans son environnement moléculaire habituel, il  se recombine et perd de l’énergie et émet alors des photons — de la lumière — à plusieurs fréquences, des harmoniques. C’est cette lumière, l’émission ultrarapide de photons que les chercheurs ont pu observer.

Ainsi, selon le moment où l’électron se déplace lors de la vibration moléculaire, la distance entre les deux noyaux de la molécule est différente. Or, en comparant les données recueillies, et en les interprétant comme collision électronique suite à des simulations quantiques, on a pu démontrer que la vibration des molécules de deutérium est plus lente que celle des molécules de l’hydrogène « courant » à l’échelle attoseconde.

Bénéficier de molécules plus stables

« Cette observation est significative, puisque la vitesse des liens qui se créent entre les molécules a une incidence majeure dans les réactions chimiques, commente Pr André Bandrauk. En sachant que le deutérium a un mouvement moléculaire plus lent, on peut considérer que les réactions chimiques le mettant en cause sont plus stables que celles molécules contenant de l’hydrogène « courant ».  Une meilleure compréhension de la dynamique du mouvement atomique dans les molécules permettra éventuellement de mieux contrôler les réactions chimiques à l’échelle atomique. Ceci aura une influence sur la stabilité des molécules que nous utilisons dans les médicaments ou dans différents matériaux. »

Déjà, certaines compagnies pharmaceutiques utilisent le deutérium pour stabiliser des médicaments et leur donner une durée d’existence plus longue dans le corps humain, augmentant ainsi leur effet thérapeutique.

Pr André Bandrauk est officier de l’Ordre du Canada et est présentement professeur invité au Wuhan Institute of Physics and Mathematics Chinese Academy of Sciences en République populaire de Chine. André Bandrauk vient aussi d’être nommé membre du « Club des 3 » par Québec Science  pour avoir figuré trois fois à son palmarès de chercheurs distingués.


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