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Recherche en collaboration avec la Patrouille canadienne de ski

Frank, le mannequin intelligent, à la montagne

Photo : Fournie

Par un beau dimanche matin, Frank, le mannequin intelligent, se rend au Mont-Orford pour profiter d’un avant-midi de ski alpin en famille. Bien que depuis quelques années il pratique ce sport, Frank n’est pas considéré comme un professionnel, mais il se débrouille bien et s’amuse sur les pentes. Or, en fin d’avant-midi lors de sa dernière descente, en voulant éviter un groupe de jeunes arrêtés au beau milieu de la pente, Frank fait un faux mouvement et se dirige à vive allure hors de la piste directement dans les sous-bois, frappe un arbre et tombe durement. C’est ainsi que Frank a eu son accident de ski par un beau dimanche matin.

Quelques minutes plus tard, les secours s’activent. Trois patrouilleurs arrivent sur les lieux de l’accident : il faut maintenant le sortir de là en toute sécurité malgré un traumatisme majeur avec suspicion d’atteinte à la colonne vertébrale. Quelle est la meilleure façon de le sortir de sa fâcheuse position sans le blesser davantage?

Évacuation de victimes en montagne : installation d’un collier cervical ou non?

Frank est un mannequin intelligent qui simule un humain, c’est-à-dire qu’il ressemble en tout point à un homme normal de carrure moyenne. Il est cependant muni de capteurs de mouvements pouvant transmettre des données à un ordinateur. La structure cervicale de Frank est conçue avec quatre points de pivots distincts permettant de recréer les trois axes de mouvement du cou. L’objectif de cette étude sera d’évaluer, en situation réelle, l’impact biomécanique de l’utilisation du collier cervical lors de l’évacuation en montagne d’une victime.

L’étude en cours de réalisation est une initiative du Dr Guillaume Grenier, résident en orthopédie au Département de chirurgie, et du Dr Marc-Antoine Despatis, chirurgien vasculaire au CIUSSS de l’Estrie – CHUS, patrouilleur de ski au Mont-Orford et directeur médical de la Patrouille canadienne de ski.

« Nous avons la chance, en orthopédie à l’Université de Sherbrooke, d’être encouragés et surtout très bien encadrés pour nous impliquer en recherche. Parfois, il s’agit de recherche fondamentale dans des laboratoires; à d'autres occasions, il est possible de joindre l’utile à l’agréable, comme c’est le cas dans ce projet avec un mannequin de simulation hautefidélité en situation réelle. Le sujet est très intéressant, car il remet en question la surutilisation de moyens d’immobilisation préventifs, qui peuvent éventuellement aussi mener à des complications », indique Dr Grenier.

« En effet, non seulement un collier non nécessaire peut entrainer des complications, mais en plus, il est important de souligner que la pose d’un collier en montagne est beaucoup plus simple à dire qu’à réaliser. Avec le dénivelé, le casque, la tuque, le foulard, l’exposition au froid, etc., il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte et ceux-ci rajoutent du temps au sauvetage de la victime », renchérit le Dr Despatis, également professeur à la Faculté de médecine et des sciences de la santé.

Présentement, l’utilisation d’un tel collier demeure parmi les recommandations officielles en soins préhospitaliers. Toutefois, son utilisation est remise en question alors que de plus en plus d’études soulignent que son efficacité est controversée et que le collier peut même engendrer des complications.

Amélioration des pratiques ici et ailleurs dans le monde

Photo : Fournie

Lors de la simulation, les manœuvres seront réalisées dans deux contextes différents. Le premier visera à évaluer l'impact du port du collier sur les mouvements de la tête de la victime lors de la phase d’immobilisation et de transfert sur matelas coquille et traineau. Le deuxième permettra d’évaluer l’effet de stabilisation apporté par le collier cervical lors de la descente de la piste de la victime immobilisée dans le traineau.

Selon les résultats obtenus, les patrouilleurs de ski pourraient voir un changement dans leur pratique. « Si l’hypothèse que le collet cervical n’amène pas de bénéfices dans la réduction des mouvements de la tête lors de l’évacuation d’une victime en montagne se confirme, cela pourrait avoir un impact majeur sur la pratique quotidienne des patrouilleurs en suggérant d’envisager la non-utilisation du collier cervical pendant la phase d’immobilisation et d’évacuation de la victime. Cela leur permettrait d’évacuer plus rapidement, et de façon sécuritaire, les victimes chez qui on suspecte une blessure potentielle à la colonne vertébrale », explique le Pr Patrick Boissy, professeur-chercheur au Département de chirurgie, Service d’orthopédie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) et au Centre de recherche sur le vieillissement (CDRV) du CIUSSS de l’Estrie - CHUS.

Les résultats de cette étude seront connus au cours des prochains mois.


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