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Environnement

Les huit apprentissages de la délégation de l’UdeS à la CdP-25

La délégation de l'UdeS à la CdP-25.
La délégation de l'UdeS à la CdP-25.
Photo : Fournie

Au terme de la 25e Conférence des Parties sur les changements climatiques (CdP-25) qui s’est terminée à Madrid le 13 décembre dernier, les huit étudiantes et étudiants de 2e cycle de l'UdeS qui y ont participé nous livrent, sous la forme de huit apprentissages, le bilan de leur expérience.

À travers cette participation, les membres de la délégation ont vécu une évolution personnelle sans pareille, contribuant à enrichir leur vision du monde et de ses enjeux.

Sous la supervision du professeur Gabriel Blouin-Genest et de la chargée de cours Catherine Gauthier, Gaïa Febvre, Julie-Christine Denoncourt, Lanie Dufour, Nicholas Poirier, Samya Lemrini, Natalia Torres Orozco, Andréanne Brazeau et Léa Ilardo se son rendus à la CdP-25 pour y observer les négociations internationales sur l'environnement et faire progresser leur réflexion sur certains enjeux collectifs importants.

1. Samya

Malheureusement, l’apprentissage que j’ai fait en est un bien sombre : les États du Nord ne penseront jamais à long terme si cela ne les concerne pas directement ou indirectement. La proactivité des États du Sud et les États les plus vulnérables aux changements climatiques, comme les États insulaires, par exemple, s’explique justement par l’urgence d’agir que nécessite leur survie et la pérennité de leurs territoires et de leur culture. Ce que je retiens de ma CdP, c’est l’importance de continuer à se battre et militer parce qu’on ne peut malheureusement compter sur nos gouvernements pour le faire. Un gain économique ou politique est toujours recherché, malheureusement, aux dépens de vies humaines. Défaitiste, cynique ou pessimiste - non, réaliste.

2. Lanie

Lanie (gauche) et Samya (droite).
Lanie (gauche) et Samya (droite).
Photo : Fournie

Il faut parfois être confronté au pire pour être capable de voir le portrait global d’une situation. Ma participation à la Conférence des Parties m’a confrontée dans mes valeurs et mes idéaux, mais une lueur d’espoir continue de m’habiter, malgré la négativité qui en ressort. En fait, mon parcours en études politiques m’avait déjà appris l’impuissance du système des négociations internationales. On demande à 195 entités de s’entendre sur le sort de l’humanité, alors qu’individuellement, nous avons de la difficulté à faire des travaux à plus que deux personnes. Ainsi, mon côté optimiste demeure dans la beauté de voir autant d’humains, de différents milieux, tous réunis au même endroit en train d’échanger. Je suis consciente que ça ne va pas changer l’issue du monde, que l’efficacité des négociations n’y réside pas, mais je crois qu’il faut se concentrer sur l’interaction humaine, sur les différentes personnes que l’on peut y rencontrer afin de rapporter ces apprentissages à la maison. J’ai appris qu’on ne pouvait pas changer l’ensemble d’un système, mais plutôt essayer d’inspirer une personne à la fois. Durant ces deux semaines, tous étaient concentrés sur la CdP-25 de l’intérieur; notre attention était là, et le monde avait arrêté de tourner, mais une fois de retour à la vie normale, il faut être capable de prendre toutes les émotions et les déceptions pour les transférer en quelque chose de mieux. On ne peut pas tenir cette participation-là pour acquise, et par respect pour tous ceux qui ont croisé ma route, je ne peux pas seulement abandonner.

3. Julie-Christine

Lors de ma participation à la CdP-25 à Madrid, j’ai appris à quel point le fossé entre la société civile et les États était grand. En effet, la première est prête à prendre action dès maintenant pour lutter contre les changements climatiques, alors que les deuxièmes repoussent toujours le moment d’agir sous prétexte de gains économiques et/ou politiques. J’ai pu y voir des centaines de personnes de la société civile, dont mes collègues et moi-même, réellement prêts à prendre des actions concrètes. Cependant, nous restons confronté.e.s à des gouvernements qui négocient sans grande volonté pour l’avenir de leur population, pour notre avenir. Lorsque j’ai pris conscience de ce fossé entre la passivité des gouvernements et l’engagement de la société civile, j’ai été habitée par beaucoup de colère, d’impuissance et de tristesse. Je me suis donc énormément questionnée durant ces deux semaines; si ces négociations sont trop lentes et n’aboutissent presque jamais à de vrais plans d’action de la part des États, comment faire pour éviter la catastrophe, ou du moins, pour en diminuer les effets? Bien que je n’aie pas encore trouvé la réponse et que je doute encore souvent de la possibilité de vaincre un gigantesque système oppressif envers des millions de personnes et envers notre planète, je reviens de la CdP-25 avec un immense désir, que j’appelle maintenant un devoir, de me battre pour un monde empreint de justice climatique à chaque fois que j’en aurai l’occasion.

4. Gaïa

Le courage et les actions radicales nécessaires pour faire face aux changements climatiques sont absents des négociations internationales. En effet, bon nombre d’États cherchent à prioriser leurs intérêts et ne prennent pas leurs responsabilités. Pire encore, ils adaptent leurs discours en prônant une croissance propre, ou des économies décarbonisées, sans se donner les moyens d’y arriver, sans même penser changer le paradigme économique dans lequel nous vivons. Il ne semble même pas y avoir de projet commun… Ainsi, la CdP a généré en moi une puissante colère et une grande tristesse qu’il m’appartient de transformer en quelque chose de constructif. Et, c’est dans la société civile soudée, extrêmement créative et douée que j’ai côtoyée que je niche tous mes espoirs. Je suis convaincue que le pouvoir doit changer de camp et qu’il est impossible de permettre aux gouvernements irresponsables de s’en tirer ainsi!

5. Nicholas

Andréanne Julie-Christine, Gaïa et Nicholas (de gauche à droite).
Andréanne Julie-Christine, Gaïa et Nicholas (de gauche à droite).
Photo : Fournie

La partie de la société civile luttant pour l’inclusion de principes de base dans les textes négociés est souvent marginalisée et exerce une influence mineure sur les États dans les négociations. À travers les deux semaines, il est devenu assez clair que le pouvoir d’influence dans les négociations d’une partie de la société civile est minime comparé aux intérêts des États et des industries. Des termes aussi évidents que "droits de la personne", "droits autochtones" et "transition juste" sont des enjeux qui sont discutés pendant de longues périodes, enlevés et ajoutés des textes, simplement pour être stratégique dans les demandes aux autres États. Pourtant, il s’agit de principes qui découlent de bon sens et non de jeux politiques comme dans "Game of Thrones". Comme exemple concret, des groupes autochtones du Canada ont manifesté à maintes reprises contre le projet Teck localisé en Alberta et revendiqué pour l’inclusion des droits autochtones dans le texte de l’article 6. Pourtant, malgré les manifestations, la plupart de gens continuaient leur journée normalement sans y porter attention. Ainsi, il est difficile de concevoir la possibilité de changer le système en participant au processus lorsque les personnes qui essaient d’intégrer ces principes sont marginalisés.

6. Natalia

À la CdP, j’ai appris que nous sommes tou.te.s des personnes tellement différentes, mais capables d’avoir une connexion. J’ai appris que nous pouvons avoir des points en commun qui font en sorte que nous puissions avoir une cohésion malgré les dissemblances qui nous éloignent. J’ai appris à chercher ce pont qui me lie à l’autre et à chercher ce qui pourrait me rapprocher plutôt que ce qui pourrait me séparer. À la CdP, j’ai appris que ce n’est pas cette première qui est importante, mais les personnes que nous y découvrons, avec leurs luttes et leurs espoirs. Cet espace de négociations climatiques m’a enseigné que le système reste un système, et qu’il est très difficile de le changer. Cependant, si les personnes restent passionnées et enthousiastes aux changements, je crois qu’il est possible de générer et d’être ce changement. Je crois qu’il faut commencer par essayer d’avoir une harmonie avec ceux et celles qui nous entourent, ce qui est parfois très difficile. Finalement, il me reste de l’espoir dans tout ce désespoir. J’ai confiance en la société civile que j’ai vue défendre ses droits ardemment, cette société civile que je vois très bien représentée par mes collègues de l’Université de Sherbrooke.

7. Léa

Natalia (gauche) et Léa (droite).
Natalia (gauche) et Léa (droite).
Photo : Fournie

Si la 25e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques m’a appris une chose, c’est de donner une voix à celles et ceux qui n’en ont pas. En tant que femme blanche vivant au Québec, je me sais privilégiée vis-à-vis des conséquences des changements climatiques, mais aussi concernant ma capacité à y faire face. Par ailleurs, en tant que militante engagée, je sais ma voix beaucoup plus écoutée que celles des personnes les plus vulnérables. Désormais, il est de ma responsabilité de faire entendre leurs voix et leurs histoires. La CdP-25 m’a permis d’échanger avec ces personnes que je n’aurais pu rencontrer par aucun autre moyen. Mettre l’humain au premier plan de la lutte contre les changements climatiques, c’est la leçon que je retiens. Parce que si les chiffres déshumanisent et permettent les désaccords, se battre pour éviter à des millions de personnes de mourir et pour permettre aux générations futures d’apprécier la douceur du printemps, le chant des oiseaux et un air encore respirable, ça, personne ne peut s’y opposer.

8. Andréanne

Depuis ma participation à la CdP-25, un conflit interne m’habite : devrions-nous renverser le système ou le changer de l’intérieur? Réflexions, échanges, opinions divergentes : la réponse à cette question demeure très personnelle. Je n’ai pas encore de façon définitive la mienne, et je constate que j’ai encore un pied des deux côtés. Ce dilemme a été au cœur de mon séjour à Madrid, il m’accompagnait du matin au soir… et même la nuit! Devant la souffrance des populations marginalisées, l’entêtement des entreprises et l’apathie des négociateur.trice.s, mes collègues et moi avons imaginé un nouveau système, puis abandonné l’idée, sachant que nous pourrions nous battre de l’intérieur ad vitam eternam, avant d’en imaginer un autre, etc. Renverser le système ou le changer de l’intérieur? Peu importe l’approche choisie, à mes yeux, ce qu’il faut, c’est une masse critique.


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