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Ce que révèle l’enquête ESSIMU sur la violence sexuelle en milieu universitaire au Québec

C’est aujourd’hui qu’a eu lieu le dévoilement des résultats de l’étude « Enquête Sexualité, Sécurité et Interactions en Milieu Universitaire (ESSIMU) : Ce qu’en disent étudiant.es, enseignant.es et employé.es », en présence de plusieurs membres des milieux universitaire, communautaire et gouvernemental, dont la ministre responsable de l'Enseignement supérieur, Madame Hélène David, et la députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques pour le parti Québec Solidaire, Madame Manon Massé.

Une première au Québec

Dès 2014, une équipe indépendante soutenue par le Réseau québécois en études féministes (RéQEF), le Service aux collectivités de l’UQAM et le Regroupement québécois des centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS) a mis en chantier cette recherche sur les violences sexuelles en milieu universitaire, une première initiative du genre au Québec. Sous la direction de
Manon Bergeron, professeure au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), cette étude regroupe douze chercheures provenant de six universités québécoises francophones : UQAM, Université de Montréal, Université Laval, Université de Sherbrooke, Université du Québec en Outaouais et Université du Québec à Chicoutimi.

Plus de 9 200 personnes, dont 70 % d’étudiants, ont participé à cette recherche indépendante qui rend compte des manifestations de violences sexuelles vécues par l’ensemble de la communauté universitaire.

Constats de la recherche ESSIMU

Selon les chercheures, « Les violences sexuelles vécues en milieu universitaire (VSMU) affectent directement un grand nombre de personnes travaillant ou étudiant dans les six universités à l’étude ». Les résultats de leur recherche révèlent huit constats :

  1. Plus du tiers (36,9 %) des répondantes et répondants ont rapporté au moins une forme de victimisation sexuelle, commise par une autre personne affiliée à l’université depuis leur entrée à l’université. Les données obtenues quant à la fréquence au cours des 12 derniers mois sont tout aussi alarmantes : près du quart (24,7 %) des répondantes et des répondants rapportent avoir vécu au moins une forme de VSMU durant la dernière année.

  2. Chez les personnes ayant rapporté des situations de VSMU, 41,8 % ont vécu deux ou même trois formes de VSMU.

  3. Certains groupes sociaux semblent davantage exposés aux VSMU : les femmes, les individus issus de minorités sexuelles et de minorités de genre, les personnes déclarant avoir un handicap ou un problème de santé ayant un impact dans leur vie quotidienne et les étudiantes et étudiants de l’international.

  4. Plus du tiers des personnes n’ont jamais dévoilé la situation de VSMU à quiconque. Par conséquent, les victimes reçoivent rarement des services d’aide et les gestes commis ne peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires. Par ailleurs, seulement 9,6 % des participantes et participants ont dénoncé ou signalé la situation aux instances de leur université. Les statistiques institutionnelles actuelles ne peuvent donc être considérées comme des indicateurs valides de l’ampleur du phénomène.

  5. Près d’une victime sur deux (47,3 %) rapporte au moins une conséquence préjudiciable affectant une ou plusieurs sphères de sa vie, telles que la réussite scolaire ou professionnelle, la vie personnelle ou sociale, la santé physique et la santé mentale. Pour près d’une victime sur dix (9,2 %), les conséquences s’apparentent à l’état de stress post-traumatique.

  6. Une personne sur quatre a rapporté avoir été témoin ou avoir reçu une confidence de la part d’une autre personne de la communauté universitaire victime de VSMU. Selon les chercheures, ces personnes ont un rôle actif à jouer dans le soutien aux victimes, mais aussi dans la prévention et le signalement.

  7. Plusieurs préjugés vis-à-vis des violences sexuelles sont présents dans la communauté universitaire. Si la grande majorité des répondantes et répondants est en désaccord avec l’ensemble de ces préjugés, un pourcentage non négligeable (entre 7,1 % et 38,7 %) des répondantes et répondants se déclare neutre ou en accord avec des croyances préjudiciables aux victimes, que l’on peut associer à l’idée de culture du viol, c’est-à-dire qui culpabilisent les victimes, minimisent les gestes de violence sexuelle et déresponsabilisent les individus qui les commettent. Les hommes ont endossé davantage ces croyances que les femmes et les individus issus des minorités de genre.

  8. Une très forte majorité de répondantes et répondants estime nécessaire que les universités se montrent davantage proactives en matière de prévention et se dotent de politiques qui permettront de mieux informer sa communauté des démarches à entreprendre et des canaux qui existent pour appuyer les personnes victimes et/ou témoins de VSMU.

L’équipe ESSIMU estime qu’il est incontournable de nommer certains principes qui permettront de contrer la violence sexuelle en milieu universitaire. Parmi ces principes, mentionnons la reconnaissance de toute situation de violence sexuelle comme étant une VSMU lorsqu’elle implique des personnes affiliées à l’université, peu importe leur statut d’employé ou d’étudiant. Les auteures de l’étude soulèvent également l’importance de favoriser le sentiment de justice chez les victimes et de considérer la violence sexuelle comme une question de pouvoir et de contrôle et agir dans une perspective de « tolérance zéro ».

Recommandations

À la lumière des résultats de l’enquête ESSIMU, les chercheures formulent quinze recommandations afin de mobiliser les instances gouvernementales, institutionnelles, communautaires, et interpeller toute la communauté universitaire. Ces recommandations visent la prévention des violences sexuelles en milieu universitaire au Québec et elles s’articulent autour de six axes. Au nombre de ces recommandations, mentionnons :

  1. La mise en place de politiques et de plans d’action, découlant d’un leadership aux niveaux fédéral et provincial.

  2. La création d’un environnement physique sécuritaire pour la communauté universitaire.

  3. La mise en œuvre de campagnes de sensibilisation en matière de violence sexuelle, permanentes et adaptées aux différents groupes de la communauté universitaire.

  4. La disponibilité d’un lieu unique et spécifique d’informations complètes et pertinentes sur la violence sexuelle en milieu universitaire, par exemple un site Web, et la tenue d’activités de formation et d’éducation à l’ensemble de la communauté universitaire portant explicitement sur la violence sexuelle.

  5. La dotation d’une ressource spécialisée en matière de violence sexuelle, accessible à l’ensemble de la communauté universitaire.

  6. Le financement de projets de recherche dans le domaine des violences sexuelles en milieu universitaire.

Méthodologie

Après une phase de recension des écrits et de réseautage interuniversitaire, le projet, mené par l’UQAM, a pris de l’ampleur et s’est étalé à six universités francophones québécoises. Un comité interuniversitaire a donc été créé avec des chercheures des six établissements impliqués. C’est de janvier à mai 2016 que la collecte des données a été réalisée, par un questionnaire en ligne. La population visée était l’ensemble des personnes travaillant ou étudiant dans les six universités impliquées, soient les étudiantes et étudiants, les professeures et professeurs, les personnes chargées de cours et maîtres de langues, les cadres et les employées et employés de tous les groupes. Le questionnaire utilisé comportait 13 sections de nature essentiellement quantitative.

Chercheures ayant participé à la recherche

- Isabelle Auclair, Ph. D. Professeure au Département de management, Université Laval
- Manon Bergeron, Ph. D. Professeure au Département de sexologie, Université du Québec à Montréal
- Laurence Clennett-Sirois, Ph. D. Chargée de cours au Département des sciences de l'éducation et au Département des sciences sociales, Université du Québec en Outaouais
- Isabelle Daigneault, Ph. D. Professeure au Département de psychologie, Université de Montréal
- Dominique Damant, Ph. D. Professeure honoraire à l’École de service social, Université de Montréal
- Jacinthe Dion, Ph. D. Professeure au Département des sciences de la santé, Université du Québec à Chicoutimi
- Stéphanie Demers, Ph. D. Professeure au Département des sciences de l'éducation, l’Université du Québec en Outaouais
- Martine Hébert, Ph. D. Professeure au Département de sexologie, Université du Québec à Montréal
- Francine Lavoie, Ph. D. Professeure retraitée à l’École de psychologie, Université Laval
- Sylvie Parent, Ph. D. Professeure au Département d’éducation physique, Université Laval
- Geneviève Paquette, Ph. D. Professeure au Département de psychoéducation, Université de Sherbrooke
- Sandrine Ricci, M.A., Candidate au doctorat en sociologie et chargée de cours au Département de sociologie de l’UQAM et coordonnatrice du Réseau québécois en études féministes (RéQEF)


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