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Compréhension de l'expression des gènes

Une minuscule fenêtre de temps pour influencer le fonctionnement d'une cellule

Pr Daniel Lafontaine, Jean-Christophe Berger-, Dancause, Frédéric Picard-Jean, Pierre Turcotte et Adrien Chauvier. Absents de la photo : Laurène Bastet et Audrey Dubé (Laboratoire Pr Lafontaine), Pr Jonathan Perreault et Mohammad Reza Naghdi de l'INRS-Institut Armand-Frappier.
Pr Daniel Lafontaine, Jean-Christophe Berger-, Dancause, Frédéric Picard-Jean, Pierre Turcotte et Adrien Chauvier.

Absents de la photo : Laurène Bastet et Audrey Dubé (Laboratoire Pr Lafontaine), Pr Jonathan Perreault et Mohammad Reza Naghdi de l'INRS-Institut Armand-Frappier.
Photo : Michel Caron

Adrien Chauvier, étudiant au doctorat au laboratoire du Pr Daniel Lafontaine, a cru remarquer une anomalie dans le mécanisme cellulaire qu’il observait. Après avoir répliqué le processus plusieurs fois, l’équipe de recherche a pu constater qu’ils avaient découvert un aspect temporel important dans la régulation de la cellule. Publiée dans le magazine Nature Communications, cette recherche ouvre la voie à beaucoup d’autres études et possiblement à la création de nouveaux antibiotiques.

Une petite histoire de mécanismes cellulaires

Longtemps, la communauté scientifique a cru que la majorité des mécanismes cellulaires étaient régis par des protéines qui constituent la machinerie moléculaire des organismes vivants. Vers la fin du 20e siècle, on a découvert que l’acide ribonucléique (ARN), une molécule apparentée à l’acide désoxyribonucléique (ADN), pouvait jouer un rôle fonctionnel (comme les protéines), en plus de leur rôle codant (comme l’ADN). En effet, alors qu’une très faible partie du génome humain code pour des protéines ayant un travail bien précis dans la cellule, la grande majorité du génome est transcrite sous forme d’ARN. Longtemps relégué à titre de simple messager cellulaire, l’ARN est maintenant considéré comme un joueur important dans la cellule à cause de sa très grande abondance en agissant à titre de régulateur cellulaire.

Chez les bactéries, l’ARN est connu pour être un régulateur clé dans l’expression des gènes. Selon les besoins de la bactérie, un gène peut être « activé » ou non afin d’assurer la survie dans des conditions environnementales diverses. Dans les dernières années, des découvertes ont révélé que l’ARN peut adopter des structures régulatrices qui sont fréquemment utilisées pour contrôler l’activation de gènes essentiels dans les bactéries.

Les riborégulateurs

Une particularité de certains ARN bactériens est qu’ils contiennent une structure régulatrice, un riborégulateur, qui régule l’expression des gènes en se liant à un métabolite cellulaire, des composés organiques essentiels à la cellule.  En contrôlant l’expression d’un gène, un riborégulateur agit littéralement comme un interrupteur, contrôlant ainsi la quantité de certains composés. Les riborégulateurs sont connus depuis moins de 15 ans : il reste donc encore beaucoup à découvrir concernant le rôle de ces derniers dans l’expression de leurs gènes respectifs. C’est ce à quoi s’affaire l’équipe de Daniel Lafontaine, professeur chercheur à la Faculté des sciences et au CRCHUS.

« Dans notre laboratoire, nous étudions comment les métabolites sont utilisés par les riborégulateurs pour effectuer ses fonctions biologiques vitales, raconte Pr Lafontaine. Pour étudier certaines bactéries, nous utilisons une grande variété de techniques pour observer l’activité cellulaire des riborégulateurs et les mécanismes qui leur sont associés. »

Un nouveau concept

Récemment, Daniel Lafontaine et Adrien Chauvier, ont découvert un aspect important du fonctionnement des riborégulateurs. Publiée en décembre dans le journal scientifique Nature Communications, cette étude démontre que les riborégulateurs disposent d’un court laps de temps afin que leur régulation soit réellement efficace.

« En montrant que les riborégulateurs reconnaissent les métabolites cellulaires seulement durant une courte fenêtre de temps, nos résultats établissent un nouveau modèle pour la régulation génétique, commente Pr Lafontaine. « C’est une avancée conceptuelle remarquable qui place la dimension temporelle au cœur de la régulation génétique des riborégulateurs. Afin de prouver ce concept, nous avons dû mettre sur pied de nouvelles techniques biochimiques qui serviront sans doute à plusieurs autres équipes de recherche. Cette nouvelle avancée pourra, par exemple, nous aider à combattre certaines infections bactériennes, puisque nous pourrons perturber le fonctionnement de bactéries qui les causent. »

Comme très souvent dans le milieu de la recherche, ce nouveau concept laisse place à de nombreuses questions, comme le commente Pr Lafontaine. « L’étude de la fenêtre de régulation pour les riborégulateurs sera une priorité pour notre équipe dans les années à venir. Il sera important d’établir la généralité de ce concept et de comprendre le rôle de la fenêtre de régulation pour la survie bactérienne afin de pouvoir l’exploiter dans le développement de nouveaux antibiotiques ».


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