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Reprendre sa juste place dans la nature


Et si la solution à la crise écologique se trouvait à l'intérieur de nous-mêmes?

Et si la solution à la crise écologique se trouvait à l'intérieur de nous-mêmes?


Photo : fournie

Un ouragan frappe les États-Unis. Un épisode de smog contamine l’air en Chine. Une forêt est dévastée en Amazonie. L’équilibre écologique de la terre est profondément perturbé et les sept milliards d’humains qui la peuplent en sont à la fois les responsables et les victimes. Et si la solution se trouvait d’abord à l’intérieur d’eux-mêmes?

«On a hérité d’une représentation du monde où l’humain se pense à part de la nature (dualisme) et supérieur à celle-ci (anthropocentrisme). C’est une vision qui sépare le matériel du spirituel, l’humain de la nature. Elle considère la nature comme un objet matériel qui n’a qu’une valeur marchande», dit Louis Vaillancourt, professeur à la Faculté de théologie et d’études religieuses.

Selon lui, consommer de manière illimitée des ressources limitées sur la base de nos désirs – et non de nos besoins – est à la racine de la crise écologique actuelle. «Notre modèle économique et social veut que le bonheur et l’épanouissement de la personne soient liés à sa capacité d’achat. Il ne faut pas croire que nous sommes condamnés à cette unique vision du monde», dit le professeur Vaillancourt.

Seul un changement radical de mentalité et d’attitude ouvrira la porte à une résolution de crise. «Je ne pense pas que le changement puisse venir d’une pression politique ou économique; il doit venir de l’intérieur des gens. Il faut qu’ils ressentent quelque chose pour arriver à voir la nature comme un vis-à-vis», explique-t-il. Évidemment, on ne pourra jamais s’abstenir de toucher à la nature : «Pour vivre, il faut la transformer, mais cette transformation peut se faire en respectant le rythme et les mécanismes de régulation de la vie.»

Le professeur Louis Vaillancourt
Le professeur Louis Vaillancourt
Photo : Michel Caron

Crise humaine, solution spirituelle

D’ailleurs, au-delà de la crise écologique, de plus en plus de gens prennent conscience de l’absurdité de notre mode de vie, car il crée chez plusieurs une sensation de vide. «Courir du matin au soir, travailler, s’épuiser pour faire plus d’argent, pour consommer un peu plus, pour être encore plus fatigué et s’écraser devant la télé qui va nous dire qu’il faut encore acheter une autre affaire pour être heureux… De plus en plus de gens réagissent à ça et disent "non, moi je débarque de ce style de vie là".»

Comment est-ce possible de s’affranchir d’une manière de penser aussi profondément ancrée? «Pour vivre autrement, il faut avoir trouvé une motivation assez forte au quotidien pour nous amener à poser un certain nombre d’actions à contre-courant de la culture et de la société. Qu’est-ce qui est assez puissant pour générer cela? En général, la religion et la spiritualité sont des moteurs qui peuvent remettre en question notre représentation de la nature, nous donner de nouveaux modèles et inspirer des modes de vie durables», indique Louis Vaillancourt.

L’essence même de la spiritualité permet aux gens de trouver un sens profond à leur vie, car toutes les croyances partagent un point commun : accorder à la vie une dimension sacrée et voir au-delà de la seule dimension matérielle. Cette manière de penser engendre alors une prise de conscience de cette crise, autant écologique que personnelle.

Aujourd’hui, la spiritualité se vit de plus en plus en dehors des grandes traditions religieuses. Elle va même jusqu’à se vivre sans Dieu. «Il y a des spiritualités écologiques où le sens ultime est le respect de la nature. Le rituel se situe alors dans le choix des aliments, la manière de se déplacer, l’endroit où habiter, les objets à consommer, etc. Si ce n’est pas une religion, ça en joue le rôle : donner sens et cohérence à la vie», souligne Louis Vaillancourt.

Souffrir avant de s’adapter

Si la crise écologique actuelle est une occasion de remettre en question notre manière de vivre, tout le monde n’emprunte pas le même chemin. Certaines personnes ont transformé leurs habitudes pour respecter la nature, mais elles vivent dans une société où les gouvernements priorisent l’économie (consommation, extraction de matières premières, etc.). «Collectivement, on continue d’agir essentiellement de la même manière. Le système économique récupère la cause écologique avec les produits verts. Ça donne l’impression de résoudre quelque chose à la crise. En fait, ça nous donne bonne conscience et nous permet de ne rien changer à notre mode de vie», dit Louis Vaillancourt.

Sans virage majeur des gouvernements et sans changement de mentalité, la crise risque de s’aggraver jusqu’à devenir intenable. «Autant l’humain est un être d’adaptation, autant il change seulement lorsqu’il y est obligé, autrement dit, quand cela devient souffrant, dit le professeur. J’ai bien peur que l’humanité doive souffrir de nombreuses conséquences écologiques avant d’instaurer un changement radical où l’humain aura repris sa juste place dans la nature.»