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Humour politique : le reflet du cynisme

Catherine Côté, professeure à l'École de politique appliquée
Catherine Côté, professeure à l'École de politique appliquée
Photo : Michel Caron

Politicien véreux. Corrompu. Opportuniste. Cooccurrences peu flatteuses, elles reflètent néanmoins la désillusion ambiante envers la classe politique. En pleine période de campagne électorale, les politiciens s’exposent encore plus que d’ordinaire au regard critique. Leurs faits et gestes sont scrutés à la loupe – non seulement par les journalistes, mais aussi par les humoristes en quête d’inspiration.

Dans une société où la confiance envers les élus reste au plus bas, l’humour politique n’est pas sans conséquence. La caricature mordante d’un politicien peut influencer les électeurs, croit Catherine Côté, professeure à l’École de politique appliquée. «À la base, on n’entretient pas une image très glorieuse des politiciens dans les médias en général. Si les citoyens ont déjà une mauvaise opinion d’eux, cette caricature négative n’aura toutefois pas autant d’impact sur l’opinion générale puisque les gens ne partent pas de zéro», nuance-t-elle toutefois.

Toutes les émissions d’humour politique projettent une image plutôt négative des politiciens. «Dans Et Dieu créa… Laflaque, on a longtemps vu un Paul Martin qui bégayait. En France, les Guignols de l’info dépeignent François Hollande en grand benêt. Ce qui est grave n’est pas ces caricatures, mais plutôt le fait que plusieurs personnes voient davantage cette représentation caricaturée que le vrai politicien. Cette fausse image persiste et peut à la longue remplacer chez les citoyens l’image réelle», ajoute Catherine Côté. Souvent, la caricature profite de plus de temps d’antenne que le personnage réel : un sketch humoristique peut durer trois fois plus longtemps qu’une entrevue au téléjournal, par exemple.

Pour Catherine Côté, il ne faut toutefois pas tenir les humoristes responsables de la mauvaise réputation des politiciens. «Il n’y a pas vraiment de contrepartie dans la société : les images positives des politiciens sont rares. Ce n’est donc pas uniquement la faute de l’humour, c’est qu’il nous manque l’autre côté de la médaille.»

L’humour comme exutoire

Même si l’humour politique reflète le cynisme des électeurs, il a comme effet positif de développer leur intérêt pour la politique… parfois dans l’unique but de comprendre les blagues des humoristes. «Être politisé ne veut pas toujours dire participer à la vie politique, tout comme aimer regarder le sport à la télévision n’incite pas nécessairement à jouer au hockey», prévient toutefois Catherine Côté. L’humour ne rend donc pas politiquement actif pour autant. D’ailleurs, la plupart des humoristes ne cherchent pas à changer le comportement des gens. Leur but : se moquer des politiciens, tout simplement. Il s’agit d'ailleurs de la seule catégorie de personnes dont on peut se moquer sans risquer de poursuites…

Certains humoristes, comme les Zapartistes, souhaitent cependant éveiller les consciences et pousser leur public à l’action politique ou sociale. Un objectif certes louable mais fort difficile à atteindre. «Sur le coup, l’humour politique aide surtout à solidariser les gens par le rire. Parce que nous sommes réconfortés de savoir que d’autres pensent comme nous, assister à un spectacle d’humour nous donne déjà l’impression de poser un geste politique», explique Catherine Côté.

Tout compte fait, l’humour politique agirait comme exutoire plutôt que comme générateur d’action. «C’est une façon de revivre nos angoisses avec bonheur. Lorsqu’on rit des politiciens, on a l’impression de transgresser l’autorité et on est alors moins frustré par leurs actions», dit la professeure.

Même si l’humour n’engendre pas d’action politique directe, il incite sans contredit les électeurs à la réflexion. «Ne serait-ce que pour ça, c’est déjà le début de quelque chose!»