Internet dans les écoles secondaires

Ni paradis ni enfer

par Bruno Levesque

S'il est un sujet qui provoque la controverse, c'est bien Internet. Applaudi par les uns et décrié par les autres, il est parfois présenté comme la huitième merveille du monde et, à d'autres occasions, comme la pire des abominations. Pour envenimer davantage le débat sur cette question, il suffit de glisser dans la conversation que le gouvernement a décidé d'implanter Internet dans les écoles québécoises pour que le Réseau des réseaux devienne un danger public ou alors, à l'opposé, qu'il soit considéré comme une source incroyable d'informations, un moyen privilégié de s'ouvrir au monde et un outil extraordinaire pour le développement des connaissances.

Chercheurs, professeurs au Département des lettres et communications, Christian-Marie Pons et Jacques Piette réfléchissent au phénomène Internet depuis quelques années déjà. Pour eux, Internet ne représente ni le nirvana ni l'apocalypse et ne transformera pas les écoles d'une façon radicale. La circulation sur Internet, estiment-ils, est plutôt lente. Les sites éducatifs en français y sont rares et encore peu développés. Le caractère interactif de la technologie n'est pas suffisamment exploité.

Les deux chercheurs refusent cependant de commenter davantage les effets de la venue d'Internet dans les écoles, estimant manquer de données sur lesquelles appuyer leurs dires. Ils viennent d'ailleurs d'entreprendre une recherche qui, au cours des deux prochaines années, les mènera dans les écoles secondaires de Sherbrooke et à la Bibliothèque municipale, question d'aller voir de près ce que les jeunes font avec Internet.

Pour réaliser cette enquête, Christian-Marie Pons et Jacques Piette se sont associés à un professeur de l'Université de Montréal, Luc Giroux. Les trois chercheurs espèrent, à la lumière des données qu'ils auront recueillies, pouvoir tracer un portrait du rapport qu'entretiennent les jeunes avec Internet. Un tel portrait, estiment les chercheurs, pourrait se révéler fort utile au moment où l'implantation d'Internet dans les écoles et les bibliothèques est en train de se faire. Il pourrait fournir des indications sur les stratégies d'implantation à adopter, les types de contenu à privilégier ou encore la façon d'accompagner les élèves dans leur initiation.

Comme une valse

La recherche de Piette, Pons et Giroux se déroulera en trois temps. Elle visera d'abord à évaluer l'image que les jeunes québécois se font d'Internet. S'agit-il d'un jeu pour eux ou d'un complément à la bibliothèque pour leurs travaux? Croient-ils qu'Internet va changer leur école et remplacer les enseignantes et enseignants?

Puis, les chercheurs chercheront à déterminer les conditions réelles d'utilisation d'Internet par les jeunes dans les écoles et les bibliothèques. Quel usage font-ils d'Internet? Combien d'heures y consacrent-ils? Quels sont leurs centres d'intérêt? Quel type d'encadrement reçoivent-ils de leurs professeures et professeurs? Existe-t-il des mécanismes de contrôle de l'accès à certains sites?

Enfin, Giroux, Piette et Pons établiront comment Internet a pris sa place sein des habitudes de vie des jeunes. L'étude cherchera notamment à évaluer l'impact et l'influence de ces nouvelles pratiques dans l'activité quotidienne des jeunes. Dans quelle mesure, par exemple, l'accès à l'Internet contribue à modifier des comportements, des façons d'apprendre et de travailler à l'école ou encore certaines habitudes de consommation.

<<Notre étude, explique Jacques Piette, est centrée sur les utilisateurs, c'est-à-dire les jeunes. Nous croyons que, pour une fois, il est préférable de leur laisser la parole plutôt que de nous substituer à eux en adoptant un discours purement spéculatif. À la fin de notre recherche, nous allons pouvoir dire quelles sont les grandes tendances que nous avons observées. Il est vrai que rien n'est fixe dans ce domaine, le réseau lui-même se développe rapidement, mais notre étude aura au moins le mérite de fournir des données réelles.>>