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Le français en revue

D'aussi loin qu'elle se souvienne, Josée Desaulniers a toujours aimé corriger et améliorer les textes des autres. Elle n'a donc jamais hésité quand elle a su que l'Université de Sherbrooke offrait un programme appelé rédaction-recherche, programme qui visait à former des professionnelles et professionnels de la rédaction française. C'est là qu'elle ferait ses études, même si elle ne savait pas du tout vers quel type de carrière cela la mènerait. Dix ans plus tard, elle est adjointe à la rédaction du plus connu des magazines d'information au Québec.

par Bruno Levesque

Comme le dit Josée Desaulniers en riant, le rôle de l'adjointe à la rédaction au magazine L'Actualité est de faire tout ce que les autres n'ont pas le temps de faire. Àce poste depuis quatre ans, elle est l'adjointe de Paule Beaugrand-Champagne, elle-même adjointe du grand patron, Jean Paré. Ses tâches sont très variées. Elle a la responsabilité de petites rubriques comme Les actualités ou L'agenda et collabore avec Jean Paré pour la rédaction d'En commençant par la fin. Elle encadre aussi certains jeunes journalistes, leur donne un coup de main au besoin, leur signale le nom de telle ou telle personne susceptible d'être une bonne source d'information, leur suggère une piste de recherche ou un angle d'attaque, etc. Elle analyse parfois des propositions d'articles que L'Actualité reçoit, procède à des commandes d'articles auprès de journalistes, assure le suivi quand les textes arrivent à la salle de rédaction. Il lui arrive aussi de faire de la correction ou encore de retravailler certains textes.

Diplômée en études françaises, option recherche documentaire et rédaction française, l'adjointe à la rédaction a d'ailleurs conservé une préférence pour cette dernière tâche. "Essayer d'améliorer des textes écrits par d'autres, affirme-t-elle, demeure une passion, même après des années. C'est vraiment un travail qui me réjouit."

L'Actualité et la langue

À L'Actualité, la qualité de la langue écrite est une préoccupation quotidienne. Comme adjointe à la rédaction, Josée Desaulniers doit bien sûr veiller à ce que les articles qui lui sont confiés soient rédigés dans un français correct. "Mais, ajoute-t-elle, plus encore que la correction du français, nous tentons d'inculquer à tout le monde l'idée que l'espace utilisé ne doit contenir que de l'information intéressante."

Cette conviction fait en sorte que, en plus de la chasse aux fautes, aux anglicismes et aux erreurs de syntaxe, l'équipe de L'Actualité traque les expressions vagues, le verbiage, les phrases inutilement longues, les paragraphes mal ficelés et les idées floues. L'adjointe à la rédaction raconte que l'équipe de L'Actualité a pu, au fil des ans, se rendre compte qu'un texte coupé faute d'espace gagne souvent en mordant : "Il arrive souvent qu'un seul mot bien choisi suffise pour résumer ce que l'auteur a pris une dizaine de mots à expliquer", donne-t-elle comme exemple. "Certains journalistes, poursuit-elle, commencent par annoncer qu'ils vont dire quelque chose, puis ils le disent et, finalement, rappellent qu'ils l'ont dit. À L'Actualité, nous sommes très préoccupés par l'économie de mots. Nous en avons fait une sorte de marque de commerce."

Autre préoccupation constante à L'Actualité, la clarté. Celle du vocabulaire autant que celle de l'ensemble du texte. "À part quelques rares exceptions où le mot le plus juste pour exprimer ce que l'on veut dire est un peu moins connu, nous essayons autant que possible de choisir des mots compréhensibles par tout le monde, explique Josée Desaulniers. Pour ce qui est de la clarté des textes, il est inacceptable que les lectrices et lecteurs se perdent dans le dédale d'un paragraphe trop embrouillé. C'est d'ailleurs un aspect auquel nous portons la plus grande attention."

De l'hôpital à Coup de pouce

"Quand j'ai dit aux gens de ma classe de cégep que j'avais choisi de faire mes études universitaires en rédaction, ils ont été vraiment étonnés, se souvient Josée Desaulniers. Certains m'ont même dit que je n'arriverais jamais à gagner ma vie dans ce domaine."

De telles remarques auraient pu démoraliser la future rédactrice, mais elle ne pensait pas du tout en termes de carrière. Elle voulait faire ses études dans ce domaine, c'est tout. Elle voulait apprendre, lire, écrire, corriger des textes, améliorer son style, toutes des choses qu'elle aimait faire. Ce qui adviendrait d'elle après ses études ne la préoccupait guère.

Et elle avait bien raison! Dès les premières vacances estivales, après seulement deux sessions d'études, Josée Desaulniers s'est déniché un emploi dans son domaine. Pendant trois mois, elle a travaillé dans un hôpital à la francisation des formulaires administratifs. Une fois son baccalauréat terminé, elle s'est rapidement trouvé un emploi de communicatrice dans un bureau d'ingénieurs.

Puis son chemin a croisé celui des magazines. "J'ai eu un coup de chance incroyable, raconte Josée Desaulniers. J'ai répondu à une offre d'emploi parue dans La Presse. La maison d'édition Télémédia était à la recherche d'un réviseur ou d'une réviseure de textes pour L'argent et vous, un nouveau magazine d'affaires qu'ils lançaient. Ils ont reçu des centaines de curiculum vitae et c'est moi qui ai obtenu l'emploi."

Ce nouveau poste a marqué un tournant dans la vie professionnelle de Josée Desaulniers. Elle venait d'entrer dans un monde, l'édition de magazine, duquel elle n'est plus ressortie.

Quand l'aventure de L'argent et vous s'est terminée, Josée Desaulniers est demeurée au service de Télémédia. Pendant quelques mois, on lui a confié diverses tâches, jusqu'à ce qu'elle décroche le poste de rédactrice en chef adjointe du magazine Coup de pouce. "Là, j'ai ramé", s'exclame-t-elle, rappelant qu'elle n'avait, après tout, que deux ans d'expérience comme réviseure à ce moment et que les tâches reliées à sa nouvelle fonction étaient fort éloignées de son ancien travail. Comme rédactrice en chef adjointe, elle avait la responsabilité de la partie du magazine consacrée aux reportages, ce qui veut dire qu'elle devait trouver des sujets d'articles, passer des commandes d'articles aux journalistes, s'assurer que les échéanciers étaient respectés, veiller à la qualité des textes et, bien sûr, parer à tous les imprévus.

L'appel de L'Actualité

Au Québec, L'Actualité jouit d'une très bonne réputation. Depuis des années, il est reconnu comme le plus important magazine d'information générale. Plusieurs de ses collaboratrices et collaborateurs ont remporté des prix prestigieux : Carole Beaulieu, Luc Chartrand, Dominique Demers, Georges-Hébert Germain, Yannick Villedieu...

Aussi Josée Desaulniers a-t-elle ressenti une certaine fierté quand L'Actualité l'a pressentie. "J'étais consciente qu'on m'offrait une belle opportunité, que j'allais faire partie d'une belle équipe. Par contre, je restais consciente qu'il y avait six ans de dur travail derrière cette offre, que je n'aurais jamais eue sans cette expérience accumulée."

La fierté et la joie ont rapidement cédé la place à la pression créée par la notoriété du magazine et, surtout, par tout le boulot à abattre. "Tout va très vite à L'Actualité, commente Josée Desaulniers. Ce n'est vraiment pas l'endroit où faire ses classes. Si nous réussissons à sortir 20 numéros par année avec une équipe somme toute réduite, c'est parce que nous travaillons fort."

Malgré cela, Josée Desaulniers dit raffoler de son travail. Elle n'a aucune envie de devenir journaliste et d'écrire ses propres textes. "Je ne crois pas, dit-elle, que je serais heureuse dans ce métier." Elle préfère travailler dans l'ombre, améliorer les textes des autres, plutôt que de parcourir le monde à la recherche de nouvelles.