TÊTES CHERCHEUSES

Sur la piste des voix du monde

par Marie-Claude Veillette

À quinze ans, Francis Corpataux rêvait déjà de voyages et d'aventures. En 1990, alors âgé de 51 ans, le professeur de didactique à la Faculté d'éducation a laissé son tableau noir, et le temps d'une sabbatique, est allé parcourir le monde. Un peu comme s'il avait retrouvé une deuxième jeunesse, il est parti à la découverte de ce que chantent les enfants du monde.

Sac au dos et micro à la main, Francis Corpataux a visité une vingtaine de pays d'Afrique, d'Océanie, d'Asie et d'Amérique latine. Il a amassé près de 900 chansons d'enfants et berceuses, dont certaines font déjà l'objet d'un disque en trois volumes intitulé Le Chant des enfants du monde. Deux autres albums d'une collection qui en comptera huit au total sont actuellement en production et seront disponibles dans quelques semaines.

Si vous lui demandez d'où lui est venue l'idée d'entreprendre un tel projet, Francis Corpataux répond tout simplement : "Mon grand amour des enfants, des voyages et de la musique." Cet heureux trio a donné naissance à un produit unique au monde! Bien sûr, d'autres avant lui ont enregistré des voix d'enfants, mais les chansons ont été intégrées sur un disque portant sur une civilisation ou sur une région donnée. Francis Corpataux devient le premier à offrir une collection de disques consacrés uniquement aux enfants.

Cette première n'est pas sans attirer l'attention des experts. Le concepteur du projet se montre particulièrement fier des félicitations qu'il a reçues de François Picard, spécialiste en ethnomusicologie. Cette réussite, le professeur de didactique l'attribue à deux choses : la préparation minutieuse du voyage et, surtout, son souci constant de préserver la spontanéité des enfants qu'il a enregistrés.

Par exemple, le professeur de pédagogie explique qu'il n'a jamais fait reprendre les chansons aux enfants. L'idée du globe-trotter n'était pas non plus de faire chanter des chorales ou des jeunes particulièrement doués, mais bien d'enregistrer les voix de jeunes de 5 à 15 ans qui n'avaient eu que très peu de contacts avec la musique occidentale. "Que les enfants chantent juste ou faux n'a aucune importance, affirme Francis Corpataux. L'important, c'est qu'ils chantent."

De retour au Québec, le professeur de didactique a dû s'adonner à l'exercice difficile de trier ses enregistrements selon des critères d'ordre technique. Des 900 chansons enregistrées, près de la moitié ont été rejetées, afin d'offrir aux oreilles friandes d'exotisme des chants d'une grande qualité sonore.

En plus d'être divertissantes, ces chansons enfantines ont une fonction éducative. Lors de conférences, le pédagogue raconte aux jeunes du primaire et du secondaire l'expérience qu'il a vécue et tente de leur transmettre son amour de la musique. Selon Francis Corpataux, les jeunes sont très réceptifs. "C'est d'abord la surprise. Ils ne comprennent pas les paroles. Par la suite, les enfants sont étonnés par la dynamique rythmique." D'une certaine façon, les enfants d'ici envient ces enfants qu'ils ne connaissent pas. "Ils ont de la chance d'avoir des chansons à eux", disent-ils.

Cette belle aventure est loin d'être terminée puisque Francis Corpataux prendra très bientôt la route de la Chine. "C'est un endroit où le chant et la musique sont très importants. Il y a même une vallée là-bas qui s'appelle la Vallée des peuples chantants." Le professeur de musique semble bien heureux de quitter le Québec pour le sud-ouest de la Chine, et ce, même s'il pleut 275 jours par année dans ce coin de pays.