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Découverte d’un nouveau mécanisme fondamental de la cellule

Les grands mystères de l’infiniment petit

Jean-François Lemay, le Pr François Bachand et Marc Larochelle, du Département de biochimie, ont découvert  que l’exosome, un complexe protéique, joue un rôle dans la terminaison de la transcription cellulaire, un processus essentiel à la transmission de l’information présente dans les gènes.

Jean-François Lemay, le Pr François Bachand et Marc Larochelle, du Département de biochimie, ont découvert  que l’exosome, un complexe protéique, joue un rôle dans la terminaison de la transcription cellulaire, un processus essentiel à la transmission de l’information présente dans les gènes.


Photo : Université de Sherbrooke

L’homme explore le cosmos, lance des sondes aux quatre coins de la galaxie - sur des astéroïdes même - pour chercher des indices de l’origine de la vie. Il étudie l’infiniment grand pour expliquer son existence. Pourtant, au sein même de notre corps se cachent de nombreux secrets encore insoupçonnés, que des chercheurs passionnés tentent de mettre au grand jour. Pour eux, l’infiniment petit regorge de mystères tout aussi fascinants que ceux révélés par l’exploration spatiale.

Un de ces mystères a été mis en lumière par Jean-François Lemay et Marc Larochelle du laboratoire de recherche du professeur François Bachand. Dans un article paru dans la prestigieuse revue scientifique Nature Structural & Molecular Biology, l’équipe du Département de biochimie dévoile un nouveau mécanisme de terminaison de la transcription cellulaire qui implique l’exosome (voir l’encadré).

Biologie moléculaire 101

La transcription
«Dans les cellules, la transcription est un processus biologique essentiel à la transmission de l’information présente dans les gènes, explique le Pr Bachand. La transcription consiste à copier des régions codantes d’ADN en molécules d’ARN, ces dernières étant responsables de fabriquer les protéines nécessaires au fonctionnement des cellules. La transcription est catalysée par l’ARN polymérase et se déroule en trois étapes importantes : l’initiation, l’élongation et la terminaison. De ces trois étapes, la terminaison transcriptionnelle est clairement la moins bien comprise à ce jour.»

L’exosome
L’exosome est un complexe protéique qui contrôle la qualité de la transcription cellulaire. Dans le cas qui nous concerne, lors de défauts de transcription, l’exosome dégrade les différents types de molécules d’ARN avant que celles-ci ne quittent le noyau cellulaire pour être traduites en protéines.

Représentation schématisée de l'exosome.
Représentation schématisée de l'exosome.

«Nous avons démontré que l’exosome favorise la terminaison de la transcription en ciblant des ARN naissants qui sont liés à un ARN polymérase en marche arrière, explique le Pr Bachand. Il s’agit d’un mécanisme fondamental de la cellule dont le monde scientifique ne soupçonnait pas l’existence.»

Cette découverte va à l’encontre du concept présumé que l’exosome agit exclusivement sur des ARN libérés de la polymérase, puisqu’elle confirme que l’exosome intervient aussi directement au niveau du processus transcriptionnel, en ciblant l’ARN polymérase.

De la levure à l’être humain

«En recherche, il est difficile de convaincre les gens de la véracité d’un nouveau postulat, affirme Jean-François Lemay, doctorant en biochimie et coauteur de l’article. C’est encore plus vrai pour une idée qui va à l’encontre de ce qui est scientifiquement admis. Là, il faut faire la démonstration à l’aide d’arguments solides.»

C’est pourquoi la plupart des expériences servant à valider cette hypothèse ont été réalisées à grande échelle. C’est d’ailleurs un des aspects puissants de cette découverte, selon le Pr Bachand : «Nous avons utilisé des approches génomiques, c’est-à-dire que nous avons questionné tous les gènes de notre organisme modèle. Grâce à cette méthode, nous avons démontré la présence de ce mécanisme de terminaison transcriptionnelle pour presque tous les gènes exprimés chez la levure. C’est une découverte très importante, car ce mécanisme est fort probablement conservé à travers l’évolution.»

Le hasard est en quelque sorte à l’origine de cette découverte. «Lors de manipulations effectuées pour un autre projet de recherche, j’ai remarqué qu’en retirant l’exosome, près de 90 % des gènes étaient affectés au niveau de l’étape de la terminaison», précise Jean-François Lemay.

Il n’en fallait pas plus pour convaincre le jeune chercheur que l’exosome a bel et bien un rôle à jouer dans le mécanisme de terminaison de la transcription. Malgré cette certitude, près d’un an et demi de recherche et d’analyses a été nécessaire à l’équipe du Pr Bachand afin d’obtenir les données suffisantes à la publication de l’article.

Une porte vers de nouvelles connaissances

Comme c’est souvent le cas en recherche fondamentale, les incidences de cette percée scientifique pourraient n’être connues qu’à plus long terme. Une réalité qu’acceptent très bien les principaux intéressés.

«Nos recherches ne servent pas à traiter directement des maladies, avoue Jean-François Lemay. Par contre, nous établissons les bases pour des avancées qui auront un impact plus direct sur les populations. Il est certainement plus attrayant de parler d’un médicament qui guérit le cancer, mais pour être en mesure de le développer, il faut d’abord comprendre comment le corps fonctionne.»

Nous pouvons déjà supposer que la découverte aura des conséquences sur la compréhension de certaines maladies. En effet, des mutations dans les composants humains de l’exosome ont été récemment trouvées dans de multiples myélomes et dans la leucémie myéloïde aiguë, deux maladies ayant une forte prévalence dans la population canadienne. Cette découverte fournit un indice sur le rôle potentiel de l’exosome et de la terminaison de la transcription dans leur développement.

Tout comme les astres qui servent à nous guider, la recherche fondamentale crée les balises qui orientent l’évolution des connaissances scientifiques. La preuve que l’infiniment petit peut aussi mener à de grandes choses.


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