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Insuffisance cardiaque chez les diabétiques

Quand le cœur carbure au gras plutôt qu’au sucre

Le Dr André Carpentier, professeur à l’Université de Sherbrooke et chercheur au Centre de recherche clinique Étienne-Le Bel du CHUS.

Le Dr André Carpentier, professeur à l’Université de Sherbrooke et chercheur au Centre de recherche clinique Étienne-Le Bel du CHUS.


Photo : Martin Blache

Des chercheurs de Sherbrooke ont fait une percée majeure dans la compréhension des liens entre le diabète et le développement de l’insuffisance cardiaque. Une recherche dirigée par le Dr André Carpentier a confirmé que les personnes diabétiques sont plus à risque de développer une insuffisance cardiaque en raison d’une mauvaise gestion du gras alimentaire. L’article scientifique est publié aujourd’hui dans la revue Diabetes, le journal de l’Association américaine du diabète.

«Les diabétiques sont moins capables de stocker les gras alimentaires dans les réserves de graisse, explique le Dr André Carpentier, professeur à l’Université de Sherbrooke et chercheur au Centre de recherche clinique Étienne-Le Bel du CHUS. Par conséquent, plus de gras alimentaires passent par le cœur et ce dernier devient insuffisant lorsqu’il utilise trop de ces gras comme source d’énergie. Le tissu devient alors de plus en plus résistant à l’insuline et brûle beaucoup d’énergie pour un rendement qui reste faible.»

Le chercheur précise même qu’une plus grande utilisation des gras alimentaires par le cœur entraîne une diminution de la force de contraction du muscle.

Chez les diabétiques, une quantité plus grande de gras alimentaire passe par le cœur

L’insuffisance cardiaque survient quand l’action de pompage du cœur n’est plus suffisamment forte pour faire circuler le sang, qui transporte l’oxygène et les substances nutritives nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme. «Plusieurs phénomènes pathologiques découlent de l’insuffisance cardiaque et beaucoup de diabétiques ignorent qu’ils sont atteints d’insuffisance cardiaque», mentionne le Dr Carpentier, qui est également endocrinologue au Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.

La médecine maîtrise de mieux en mieux les facteurs menant à l’obstruction des artères, qui est une cause majeure d’insuffisance cardiaque dans la population générale. «Toutefois, on constate une progression de cette complication chez les personnes diabétiques, précise André Carpentier. Clairement, d’autres facteurs sont à l’œuvre pour expliquer le haut taux d’insuffisance cardiaque chez les personnes diabétiques.»

Deux sources majeures d’énergie permettent au cœur des diabétiques et des personnes obèses d’assurer ses fonctions : les acides gras libres – qui sont libérés en circulation par les graisses stockées dans le corps – et les gras alimentaires. Le cœur des gens en santé consomme, quant à lui, plus de glucose et moins de gras. Chez les diabétiques, une quantité plus grande de gras alimentaire passe par le cœur.

Jusqu’à maintenant, aucune technique ne permettait de connaître comment sont utilisés les gras alimentaires par tous les tissus du corps. La technique, développée par des professeurs de l’Université de Sherbrooke, utilise la tomographie par émission de positrons (nommée TEP Scan). Grâce à cette technique d’imagerie médicale, le Dr Carpentier et son équipe ont pu constater le lien entre l’insuffisance cardiaque et une augmentation de l’utilisation par le cœur des gras alimentaires chez des sujets prédiabétiques.

Une piste d’intervention pour contrer les anomalies

En comprenant comment le cœur utilise les différents types de gras et comment les gras agissent dans le développement du diabète et de ses complications, les chercheurs peuvent se pencher sur des avenues possibles de traitement. La découverte permet aussi de constater qu’une mauvaise alimentation riche en gras pourrait contribuer non seulement au développement du diabète mais aussi de l’insuffisance cardiaque.

Selon le Dr Carpentier, titulaire de la Chaire de recherche IRSC-GSK sur le diabète, il est possible d’agir avant le développement de ces complications en modifiant son alimentation. «Des études sont actuellement en cours dans mon laboratoire afin de déterminer si une diminution de la consommation de gras alimentaires et une augmentation de l’activité physique pourraient renverser les anomalies de gestion du gras alimentaire par le corps des sujets prédiabétiques et ainsi diminuer le risque d’insuffisance cardiaque à long terme», conclut-il.

Présentée dans Diabetes, le journal de l’Association américaine du diabète, cette étude fait l’objet d’un commentaire éditorial dans lequel la Dre Patricia Iozzo souligne l’importance de la découverte pour les connaissances sur les liens entre le diabète et les problèmes cardiaques. Elle met également en évidence les contributions remarquables des chercheurs de Sherbrooke dans le développement des méthodes d’investigation du métabolisme des gras dans le diabète.


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