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Les chiens obéissants font de vieux os!

Nous savons que les petits chiens vivent plus longtemps que les plus grands. Mais est-ce que la taille corporelle est le seul facteur qui détermine l’espérance de vie des chiens? Vincent Careau, doctorant en biologie, vient de démontrer que la personnalité a aussi une grande influence sur la longévité. À poids égal, un chien obéissant gagne en longévité par rapport à un chien plus têtu et téméraire. Dans son étude, Vincent Careau analyse des questions de «train de vie» et de dépense énergétique chez certaines races. Ultimement, ces travaux pourraient aider à mieux comprendre l’évolution de certaines espèces, voire de l’homme. Les résultats de l’étude de Vincent Careau ont paru la semaine dernière dans la prestigieuse revue The American Naturalist. Son article suscite depuis un grand engouement, et des débats.

Vincent Careau, doctorant en biologie
Vincent Careau, doctorant en biologie
Photo : Michel Caron

Vincent Careau cherchait à tester une hypothèse en vogue depuis quelques années. Plusieurs biologistes ont soulevé l’idée que la personnalité des animaux a évolué de façon à ce qu’elle concorde avec le mode de vie adopté. Ainsi, on s’attend à ce que les animaux agressifs et hardis dépensent leur énergie de manière plus intense et aient une vie relativement courte. En revanche, les animaux calmes vivraient plus longtemps, ce qui les amènerait à se reproduire plus tard dans la vie.

Pour vérifier cette théorie, Vincent Careau a puisé des données sur la biologie du chien, et ce, à partir de sources très diverses : ouvrage sur la «psychologie» des chiens, recherches dans le domaine vétérinaire, et même des données de compagnies d’assurances. En effet, en Suède, des compagnies proposent des assurances vie pour les chiens, et calculent le risque assurable à partir de données actuarielles sur l’espérance de vie des différentes races!

Du labrador au Grand Danois

En croisant les données de ces différentes sources, Vincent Careau a trouvé que des chiens obéissants comme des bergers allemands et des bichons frisés vivent plus longtemps que d’autres espèces de taille similaire. Les races plus têtues – comme les beagles et les poméraniens – meurent généralement plus tôt.

Vincent Careau a également trouvé que l’agressivité – un autre trait de personnalité important – est reliée aux dépenses d’énergie : les chiens paisibles comme les Terre-Neuve ou les labradors ont tendance à brûler moins d’énergie par kilogramme que ne le font les chiens agressifs comme les fox-terriers ou les Grands Danois, qui sont extrêmement territoriaux.

«On peut voir les races de chiens existant aujourd’hui comme étant le résultat d’une expérience de sélection artificielle bien contrôlée et surtout bien répliquée, dit-il. Vraisemblablement, les éleveurs qui ont créé ces races – il y a 300 à 400 ans – ont opéré une sélection basée sur la personnalité des chiens, et non pas sur des critères comme leur durée de vie ou la quantité de nourriture qu’ils absorbaient.»

L’extrême diversité des chiens ne résulte pas de la sélection naturelle, mais de générations d’êtres humains. Ils ont modelé les animaux grâce aux croisements tenant compte de la sélection des traits qu’ils désiraient, comme la capacité de chasser les renards, de guider les moutons, ou de s’asseoir agréablement sur un canapé.

Ainsi, le chercheur suggère que la personnalité, le train de vie et les besoins énergétiques sont, d’une certaine manière, génétiquement liés. «Les recherches sur la personnalité et sur les traits biodémographiques sont très en vogue actuellement, dit-il. Cela nous amène à analyser des données sur la fertilité, la croissance, la longévité et la personnalité – par exemple l’âge à la première reproduction, la taille de la portée, et la durée de vie. Ultimement, on cherche à mieux connaître les grandes lignes du train de vie.»

Les conclusions de l’étude sur les chiens peuvent-elles aider à mieux comprendre le cycle de la vie humaine? Il est tôt pour se prononcer, mais des psychologistes de l’Université d’Édimbourg s’intéressent de près aux travaux de Vincent Careau, et une collaboration est envisagée.

Du doute à la célébrité

Au départ, Vincent Careau éprouvait certaines réserves à présenter cette idée de recherche un peu farfelue au comité qui encadre son projet de doctorat. «À ma grande surprise, le comité l’a jugée très intéressante. Un premier article, trop long, a été refusé par plusieurs revues. Un peu avant son décès, le professeur Don Thomas m’a suggéré de réduire la longueur de l’article et de le resoumettre sous la forme d’une note. Par principe, j’ai suivi ce dernier conseil, même si je n’y croyais pas trop. Finalement, c’est une revue plus prestigieuse que mes visées premières qui a décidé de publier le texte. Don m’avait donné un fichu de bon conseil», dit le doctorant.

Vincent Careau poursuit une thèse éclectique. En plus de la section traitant des chiens à partir de données bibliographiques, une autre section de ses recherches traitera de questions semblables à partir de données empiriques colligées sur une population captive de souris et une autre population sauvage de tamias.

«Ma thèse se définit non pas par un modèle, mais plutôt par la question de l’étude», dit-il. Question que le chercheur compte creuser davantage en Californie, l’année prochaine.


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