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Une force qui oriente les électrons est révélée

Découverte majeure sur les supraconducteurs

Le professeur Taillefer examine le cryostat qui sert à recevoir le réfrigérateur à dilution dans lequel seront mesurées les propriétés électroniques de matériaux supraconducteurs à des températures de quelques millièmes de degrés au-dessus du zéro absolu et sous des champs magnétiques 300 000 fois plus élevés que le champ magnétique terrestre.
Le professeur Taillefer examine le cryostat qui sert à recevoir le réfrigérateur à dilution dans lequel seront mesurées les propriétés électroniques de matériaux supraconducteurs à des températures de quelques millièmes de degrés au-dessus du zéro absolu et sous des champs magnétiques 300 000 fois plus élevés que le champ magnétique terrestre.
Photo : Michel Caron

Une équipe de chercheurs dirigée par le professeur Louis Taillefer, de l’Université de Sherbrooke, a résolu un mystère qui perdurait depuis plus de 10 ans sur le comportement des électrons au sein des matériaux supraconducteurs à haute température. Dans une phase mystérieuse, appelée pseudogap, les électrons s’orienteraient spontanément selon une direction préférentielle. Cette découverte fondamentale, qui sera publiée le 28 janvier dans la revue Nature, élimine un obstacle majeur pour le développement des matériaux supraconducteurs.

Les supraconducteurs sont des matériaux qui conduisent l'électricité sans résistance. Ils sont extrêmement prometteurs sur le plan de la technologie, notamment pour le transport d'énergie, les trains à sustentation magnétique, l'imagerie médicale magnétique, les communications sans fil, l'informatique quantique et de nombreuses autres applications connexes. Les recherches du professeur Louis Taillefer ont d’ailleurs reçu un appui majeur cette année grâce à une subvention de près de 10 M$ de la Fondation canadienne pour l’innovation, du gouvernement du Québec et des divers partenaires publics et privés.

Une nouvelle piste vers des matériaux supraconducteurs à température ambiante

Les professeurs Louis Taillefer et Nicolas Doiron-Leyraud, coauteurs de l'article dans Nature, près d'un réfrigérateur à dilution qui sera inséré dans le cryostat.
Les professeurs Louis Taillefer et Nicolas Doiron-Leyraud, coauteurs de l'article dans Nature, près d'un réfrigérateur à dilution qui sera inséré dans le cryostat.
Photo : Michel Caron

L’équipe du Département de physique de la Faculté des sciences a mené une expérience qui démontre l’existence d’un état électronique dont les propriétés diffèrent selon la direction considérée (anisotropie) dans la phase pseudogap. «Nous avons observé la brisure de la symétrie de rotation. Cela révèle la présence d’une force microscopique qui oriente les électrons et qui pourrait être à l’origine de la supraconductivité», affirme le professeur Louis Taillefer.

Dans la compréhension de ces matériaux, cette avancée ouvre une nouvelle piste pour mettre au point des matériaux supraconducteurs qui pourraient, un jour, fonctionner à la température ambiante alors qu’actuellement ils doivent être refroidis à des températures inférieures à -100 °C, ce qui nécessite d’imposants systèmes calorifiques.

Louis Taillefer décrit le comportement des électrons dans cette phase par analogie avec celui des spectateurs lors d’un concert en plein air : «Avant que la scène soit éclairée, le public est dispersé dans le champ et orienté dans tous les sens. Dès que la scène s’illumine, chaque spectateur se tourne vers la scène. On constate alors l’apparition d’une orientation préférentielle dans la foule, adoptée spontanément et collectivement sans qu’il y ait des sièges pour l’imposer.»

Pour observer cette orientation électronique préférentielle de la phase pseudogap, l’équipe de Sherbrooke a mesuré l’effet Nernst sur des cristaux supraconducteurs très purs préparés par une équipe de l'Université de Colombie-Britannique. «Nous avons placé deux faces opposées du cristal à des températures différentes, explique le professeur Taillefer. Cette différence de température (gradient thermique) a alors généré un déplacement des électrons, et nous avons ajouté un champ magnétique perpendiculaire qui fait courber la trajectoire des électrons et permet de mesurer une tension électrique transverse. L’effet Nernst, c’est le rapport de la tension sur le gradient thermique. Cette mesure dans une direction s’est avérée très différente de la même mesure dans la direction perpendiculaire, ce qui a prouvé qu’il existe une direction préférentielle au sein du matériau», précise le chercheur.

Louis Taillefer est fasciné par la grande question soulevée par cette découverte : «En quoi l’orientation préférentielle des électrons peut-elle favoriser la supraconductivité?» Et dans l’avenir, «pourrons-nous optimiser la force directionnelle microscopique pour pousser la supraconductivité jusqu’à la température ambiante?», s’interroge le chercheur.


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