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Une molécule c’est bien, mais deux c’est mieux!

Les Prs Éric Rousseau et Paul Pape
Les Prs Éric Rousseau et Paul Pape

Photo : Université de Sherbrooke

​Nos mères nous l’ont assez répété quand nous étions petits : le calcium est indispensable au développement de nos dents et de nos os. Un verre de lait c’est bien, mais deux c’est mieux! N’en déplaise à nos mamans, l’importance de ce minéral pour l’être vivant va bien au-delà de cette fonction, si cruciale soit-elle. Le calcium est au centre d’une panoplie d’autres rôles vitaux : normalisation des battements du cœur, régularisation de la pression sanguine, bon fonctionnement du système nerveux, contraction et relaxation musculaire, etc.

De ce fait, avoir de meilleurs outils pour étudier le calcium présent dans notre organisme pourrait nous aider à élucider les causes de certaines pathologies et, éventuellement, à mieux les guérir. C’est exactement ce qu’ont fait le Pr Paul Pape et son équipe en mettant au point une petite révolution dans la façon dont les scientifiques peuvent quantifier le calcium dans nos tissus et cellules. Une découverte qui a été l’objet d’un éditorial de quatre pages dans le Journal of General Physiology.

Une technique inédite

«Depuis des années, les physiologistes, biochimistes et pharmacologues savent mesurer des variations de calcium libre dans un tissu, sans pouvoir quantifier de manière fiable la quantité totale de calcium présente. Ce que nous avons réussi à faire, c’est de développer une technique pour mesurer le contenu de calcium total avec plus de certitude», explique Paul Pape, professeur au Département de pharmacologie-physiologie de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke et chercheur de l’axe Diabète, obésité et complications cardiovasculaires du Centre de recherche du CHUS.

La technique a été mise au point en collaboration avec le laboratoire du Pr Éric Rousseau du Département d’obstétrique-gynécologie de la FMSS et leurs collègues de l’Université Laval, des États-Unis et d’Italie. C’est en jouant sur la complémentarité entre deux molécules qui ont des affinités différentes vis-à-vis du calcium qu’ils sont  arrivés à quantifier le calcium total. Comme mentionné dans l’éditorial du Journal of General Physiology, c’est une méthode rapide, élégante et fiable. Développer cette façon de faire demandait des connaissances biochimiques, chimiques et biophysiques supérieures à ce que le commun des chercheurs a en général à sa disposition dans son laboratoire et à ce qu’il apprend dans sa formation pour faire des mesures de concentration de calcium. Cela explique pourquoi personne n’avait procédé de cette façon jusqu’à présent.

«Notre méthode a été testée sur des muscles squelettiques (ceux qui contractent les bras et les jambes), mais elle peut aussi s’appliquer à des muscles lisses (veines, artères, utérus) ainsi qu’à d’autres organes comme le cerveau et le foie», précise le Pr Éric Rousseau. «C’est là où notre découverte devient plus importante que ce qu’on avait imaginé au départ.»

En effet, l’équipe vient de jeter les bases qui permettront de mieux quantifier le calcium total dans presque tous les tissus vivants, sachant très bien que les variations de calcium jouent un rôle crucial dans plusieurs phénomènes physiologiques et pathophysiologiques.

Par exemple, les résultats des expériences obtenus avec les muscles squelettiques démontrent que le corps essaye d’améliorer le fonctionnement de ces muscles par une augmentation de calcium. Toutefois, cette réaction peut mener à une surcharge calcique (calcium overload) aux effets potentiellement pathologiques. En effet, ce phénomène pourrait avoir un rôle à jouer dans la dystrophie musculaire, en plus d’avoir des conséquences importantes pour des tissus comme le muscle cardiaque et le cerveau. La technique développée par le laboratoire du Pr Pape va permettre de suivre avec précision l’évolution du calcium total et d’étudier à la fois son rôle et sa régulation.

Bien sûr, les médecins ne se serviront pas de cette découverte pour traiter des patients du jour au lendemain. Mais un chercheur qui travaille en cancérologie sur des problématiques hépatiques ou sur le pancréas, dont la libération de l’insuline est directement liée au calcium, pourrait certainement trouver des applications concrètes à cette technique. Nous verrons d’ici quelques mois et années si la communauté scientifique a bien compris la portée des travaux du Pr Pape et son équipe à leur juste valeur et en a décelé tout le potentiel.


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