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Arrivée de 26 000 réfugiés syriens au Canada

Déconstruire les amalgames

«Dans l’histoire du Canada, il n’y a aucun réfugié qui s’est avéré être un terroriste», précise la professeure Hélène Mayrand.
«Dans l’histoire du Canada, il n’y a aucun réfugié qui s’est avéré être un terroriste», précise la professeure Hélène Mayrand.
Photo : Michel Caron

Depuis novembre 2015, 26 859 réfugiés syriens sont arrivés au Canada pour commencer une nouvelle vie. La population canadienne, bien que favorable à aider les migrants syriens, a soulevé de nombreuses inquiétudes, notamment à la lumière des attentats à Paris et à Bruxelles.

Dans le cadre du Congrès de l’Acfas qui se tient cette semaine à Montréal, la professeure Hélène Mayrand de la Faculté de droit présente un portrait des mesures de contrôle des réfugiés de la Syrie vers le Canada.  Spécialiste du droit de l'immigration et des réfugiés, elle en profite pour déconstruire certains amalgames fréquents dans l’opinion publique.

Amalgame no.1 : Le Canada n’a jamais accueilli autant de réfugiés d’un coup.

Au moment où le gouvernement du Canada annonçait qu’il ouvrait ses portes à 25 000 réfugiés syriens en novembre dernier, beaucoup de craintes ont surgi. On disait : Qu’allons-nous faire avec ces gens-là?  C’est vraiment beaucoup de monde qui arrive au pays…

Si on compare avec les boat people il y a près de quarante ans – alors que vietnamiens, cambodgiens et laotiens fuyaient le régime communiste – le Canada avait admis 60 000 réfugiés de la mer en deux ans seulement, c’est-à-dire en 1979 et 1980. «Donc, l’accueil de ces 26 000 réfugiés syriens peut paraître un chiffre important, mais si on le remet dans une perspective historique, ce n’est pas énorme.»

Amalgame no. 2 : L’état prend tous ces réfugiés en charge et ça coûte très cher à la société.

«En fait, les réfugiés sont soit financés par le gouvernement, soit parrainés par des organismes, ce qui est assez particulier au Canada. Ce sont des groupes de 2 à 5 personnes ou des organismes communautaires qui prennent en charge tous les frais associés aux besoins de subsistance (logement, alimentation, vêtements, etc.) ainsi que l’intégration au sens large, et ce sur une période d’un an minimum. Or si on regarde les données de 2015 pour le Québec, 4574 réfugiés ont été parrainés par des organismes tandis que seulement 928 réfugiés ont été pris en charge par le gouvernement. Ce modèle a même été cité comme exemple à suivre par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.» Notons que, de ces 5500 quelques réfugiés, plus de la moitié ont moins de 18 ans.

Amalgame no. 3 : Les migrants qui s’enfuient en bateau sur la Méditerranée font partie des réfugiés que le Canada accueille.

Contrairement aux pays européens où un afflux massif de migrants se présente aux frontières, le gouvernement du Canada fait lui-même la sélection de ses réfugiés. Les migrants syriens que le Canada choisit se trouvent dans des pays limitrophes à la Syrie, particulièrement en Turquie, au Liban et en Jordanie, où les gouvernements ont établis des camps de réfugiés. Dans un premier temps, les migrants sont évalués par des organismes comme le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ou encore par les gouvernements qui les accueillent dans les camps. «Ces gens doivent avoir des papiers d’identité; on prend leurs empreintes digitales. Il y a tout un processus d’identification. Ensuite, les autorités identifient les personnes et groupes qui sont les plus vulnérables, comme les femmes et les enfants. C’est à ce moment que le pont se fait avec le Canada. Les fonctionnaires canadiens sont dépêchés sur place. Ils refont tout le processus d’identification et de qualification à titre de réfugié. Ils vérifient tous les antécédents criminels, par exemple en consultant les rapports de police et de sécurité. Ils procèdent aussi à un examen médical complet.»

Amalgame no 4 : Si on accélère le processus, les mesures de contrôle seront moins sévères.

C’est faux. Il n’y a pas eu un allègement des règles, mais plutôt une réduction des délais administratifs. «Le processus d’acceptation d’un réfugié prend normalement de deux à trois ans. Afin d’accélérer le tout, le gouvernement du Canada a assigné plus de fonctionnaires pour traiter les demandes. Mais les mêmes mesures de contrôle sont en place; les règles sont complexes et lourdes à suivre.

Amalgame no. 5 : Des terroristes peuvent s’immiscer parmi la masse de réfugiés syriens qui sont accueillis au Canada.

«Depuis les 10 dernières années, le Canada a admis près de 300 000 réfugiés et aucun n’a commis d’acte terroriste. En fait, dans l’histoire du Canada, il n’y a aucun réfugié qui s’est avéré être un terroriste. Car pour quelqu’un ayant des intentions du genre, il serait beaucoup plus facile d’entrer au pays à titre de touriste ou d’étudiant étranger.»

La population canadienne craint aussi qu’on accueille des gens qui ont un passé criminel parmi la masse de réfugiés. «Oui, ça peut arriver, par exemple, par une déclaration mensongère. Mais s’il y a eu une erreur ou de faux renseignements lors du processus, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit des mesures de perte du statut de réfugié, même si cette personne est établie au Canada depuis plusieurs années. La loi a été prévue et adoptée pour cette éventualité.»

La professeure Hélène Mayrand présentera ses travaux le vendredi 13 mai à 14 h lors du Colloque Colloque Migrants, déplacés ou réfugiés? du Congrès de l'Acfas. Sa présentation s’intitule : Un afflux massif incontrôlé? Portrait des mesures de contrôle des réfugiés de la Syrie vers le Canada.


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